- Italie
- Retraite de Fabio Cannavaro
Ciao Capitano Cannavaro
L'annonce de la retraite de Fabio Cannavaro, cinq ans après son triomphe lors du Mondial allemand, a eu l'effet d'une bombe. Retour sur la carrière aussi glorieuse que mouvementé d'un type qui a osé dire : « Zlatan, si tu veux un ballon d'or, tu peux venir à la maison ».
Berlin, 9 juillet 2006. Les bras tatoués de Fabio Cannavaro soulèvent fièrement la Coupe du Monde et font chavirer le cœur de millions d’italiens. Capitaine de la Squadra Azzurra, Fabio, disciple de Ciro Ferrara, élevé dans la culture de la beauté éphémère du geste défensif, vient de se rapprocher un peu plus des nuages. L’année 2006 sera l’apogée d’une carrière aussi grande et respectable qu’un homme, dont la force physique, mentale et humaine, ne peuvent être mieux appréciées que par un père spirituel de la trempe de Marcello Lippi. En 1982, Enzo Bearzot avait Franco Baresi. Vingt-quatre ans plus tard, Lippi a pu compter sur Cannavaro, pierre angulaire d’un effectif symbole de la prise de pouvoir de l’aventure humaine sur le talent à l’état pur : « En 2006, lors des sept matches qu’il a disputé, il a été parfait, pas une seule erreur. Au cours de ma longue carrière d’entraîneur, je crois que je n’avais jamais vu un défenseur jouer à pareil niveau face à des adversaires aussi prestigieux » . Les observateurs non plus n’avaient jamais vu ça. Alors peu importe la saison réalisée avec la Juventus Turin, c’est presque dans la logique la plus totale que Fabio reçoit le Ballon d’Or et le trophée de joueur FiFA de l’année 2006. Gianluigi Buffon ou Andrea Pirlo aurait pu postuler, mais les votants en ont décidé autrement et ça ne se discute pas.
Parme : naissance, gloire & dopage
Le football, Fabio Cannavaro est tombé dedans en culotte courte. Né à Naples, il a la joie de faire connaissance avec le football dans des conditions de rêves. Le 5 juillet 1984, Fabio a 10 ans quand Diego Maradona débarque au San Paolo. S’en suivent les plus belles années du club, un premier Scudetto lors de la saison 1986-1987, et un second, en 1990, que Fabio, alors pensionnaire du centre de formation napolitain, touche avec les yeux. A Naples, il apprend le métier avec un tuteur de choix et futur ami, Ciro Ferrara, auprès duquel il fait sa première apparition en Série A le 7 mars 1993, face à la Juventus Turin. Les débuts professionnels de Cannavaro coïncident également avec le début de la période noire d’un Napoli en grande difficulté économique. Dans l’obligation de céder certains de ses joueurs, le club napolitain envoie Fabio à Parme. Le détonateur de sa carrière.
En Emilie-Romagne, le Napolitain va trouver Carlo Ancelotti, Lilian Thuram et Gianluigi Buffon. Le coach est brillant, la défense totalement folle et l’attaque, où brillent Chiesa et Crespo, fait trembler les filets de l’Europe entière. Sans jamais pouvoir accrocher un Scudetto, Cannavaro va gouter à la victoire, en Coupe d’Italie d’abord, puis en Coupe de l’UEFA, après une finale épique face à l’Olympique de Marseille (3-0). Fabio Cannavaro devient alors l’un des meilleurs défenseurs du monde, mais également l’un des plus contestés. Fabio « Cadenas-verrou » offre sa gueule d’acteur à un cameraman amateur lors d’une séance de piqûres assez louche dans sa chambre moscovite avant la finale européenne… Le genre de vidéos qui fait trembler le monde du cyclisme, aux allures de seuls regrets d’une longue carrière : « Me filmer lors de ce traitement médical a probablement été la chose la plus bête de ma carrière. C’est mon seul regret » . Une belle connerie, autant le dire tout net. D’autant plus que les soupçons de dopage ne s’éparpilleront pas après son transfert vers la Juventus en 2004.
Le « chevalier » Cannavaro
Après un passage manqué à l’Inter, Cannavaro retrouve Ferrara, Buffon et Thuram à Turin. Dans le Piémont, l’alchimie entre les trois fantastiques est la même, les arbitres peut-être plus conciliants, les Scudetti au rendez-vous. En deux ans passés sous les couleurs de la Vieille Dame, Fabio ramasse deux titres de champion d’Italie (qui lui seront retirés par la suite) et se forge l’image du parfait défenseur, commentée par Lippi : « Je crois que Fabio, comme Ciro Ferrara, a un bagage unique en tant que défenseur. Marquage individuel, défense en zone, contrôle de l’attaquant… C’était un défenseur complet et capable de s’adapter et même de se sacrifier dans n’importe quelles situations » . Un sens du sacrifice largement salué par son pote, Gigi Buffon : « plus qu’un coéquipier, Fabio était un ami. Ensemble, nous avons tellement gagné. Sur le terrain, il était mon chevalier » .
Deux belles années de chevalier à la Juventus donc, avant que Fabio le Conquérant ne s’envole vers le sacre mondial. Fort de sa prestation lors de l’été 2006, Cannavaro décide d’exiler ses tacles, ses relances et ses beaux yeux au Real Madrid. Talents qui, contrairement à sa baraka, furent oubliés à l’aéroport de Turin. A Naples, ville où la subjectivité footballistique est à la hauteur de la ferveur dans les travées du San Paolo, certains disent que Paolo, petit frère de Fabio, est plus talentueux mais moins chanceux. Peut-être. Mais au cours des années, Fabio a gagné des titres, les cœurs et le respect de chacune des gens qu’il a côtoyés. Saluée par Del Piero, Bergomi, Buffon et tant d’autres, la retraite du défenseur central fait mal. Pourtant, la mort sportive du pire ennemi des attaquants du Vieux Continent a été constatée bien avant.
Mourir en paix
En 2009, l’autobiographie de Fabio Cannavaro, “Mon histoire, des ruelles de Naples au toit du monde”, sort dans les librairies italiennes. Une sorte d’œuvre à titre posthume, après trois années de dur labeur du côté de Madrid, où Fabio commence à se perdre. En difficulté sur le terrain à Santiago Bernabeu – même John Carew le met à l’amende un soir de Ligue des Champions – puis au Stadio Delle Alpi, après un retour à Turin, Fabio est également contrôlé positif lors d’un contrôle anti-dopage. Pas besoin de caméra, cette fois. Proche, la fin est symbolisée par la déroute de sa Squadra Azzura lors du Mondial Sud-africain où il est aussi mauvais qu’excellent en Allemagne quatre ans auparavant. Cette mort sportive est suivie d’une mort médiatique lorsqu’il annonce son départ pour le Qatar dans la presse italienne.
A Al-Ahli, il prend du recul, joue sans pression et s’occupe de sa famille. Comme si, tel un animal fier, Fabio voulait se cacher pour mourir en paix. Alors qu’il devait jouer une année supplémentaire, un genou douloureux vient mettre fin à une carrière grandiose. Comme un symbole, c’est le 9 juillet 2011, cinq ans après s’être installé sur le toit du monde que Fabio va faire pleurer l’Italie. De tristesse cette fois-ci. Une date symbolique que Fabio n’aurait pas choisi : « Je n’ai pas fait exprès. Disons que c’est un signe du destin. Le jour le plus beau jour de ma carrière coïncide avec le plus triste » . Adulé du côté du Qatar, celui que Fabio Quagliarella a justement surnommé « le capitaine des capitaines » honorera un contrat de consultant de trois ans. Heureux et libre, Fabio n’a que peu de projet. Après le Brésil en 2014 pour y suivre la Coupe du Monde, il rentrera couler ses jours heureux en Italie pour se consacrer à ses trois enfants : « Les plus petits sont contents, car j’aurai plus de temps pour eux. Par contre, Christian, qui est déjà un petit homme et qui joue déjà au football, m’a demandé : « Papa, tu es sûr ? » » .
Swann Borsellino
Propos recueillis dans la Gazzetta Dello Sport
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