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Tabitha Chawinga, flow du Malawi

Par Gabriel Joly
7 minutes

Pistée par le PSG depuis 2017, Tabitha Chawinga a enfin rejoint la capitale en septembre en prêt. Une signature de premier plan pour l’attaquante qui a mis le Malawi sur la carte du football féminin, malgré un parcours loin des sentiers battus. Ses débuts dans l’Hexagone pourraient intervenir dès ce dimanche lors du Classique contre l’OL.

Tabitha Chawinga, flow du Malawi

Une joueuse de nationalité malawite avec un ratio de plus de deux buts par match pour sa première saison en troisième division suédoise à 18 ans, un départ pour la Chine quatre années plus tard où elle s’est liée au club de Wuhan depuis la pandémie de Covid et des titres de meilleure buteuse dans tous les pays qu’elle a connus, y compris en Serie A avec l’Inter… À première vue, la carrière de Tabitha Chawinga, la nouvelle attaquante du Paris Saint-Germain arrivée en prêt durant la trêve internationale, ressemble à un kamoulox géant. Mais comment un tel profil a-t-il pu atterrir dans la capitale pour renforcer le groupe parisien, qui défie Lyon ce dimanche dans le Classique de la D1 Arkema ?

J’ai été déshabillée deux fois devant mes adversaires alors que je jouais au niveau local. Ils pensaient que j’étais trop bonne joueuse pour être une fille.

Tabitha Chawinga

Rembobinons. Née à dans la petite ville de Rumphi dans les régions septentrionales du Malawi, Tabitha Chawinga a d’abord dû batailler pour pouvoir jouer. Habituée très tôt à se cacher de ses parents pour pratiquer sa passion avec les garçons de son quartier, la jeune fille savait ce qu’elle risquait. « À la maison, je pouvais être battue pour désobéissance. Mes parents s’inquiétaient du fait que je me concentrais davantage sur le football que sur l’éducation », détaillait-elle pour The AfricaBrief, média spécialisé sur le Malawi. Raillée et prise à partie en raison de son sexe, le traitement qui lui était réservé sur le terrain n’était pas forcément mieux. « Les joueurs des équipes d’en face protestaient contre ma présence. J’ai été déshabillée deux fois devant mes adversaires alors que je jouais au niveau local. Ils pensaient que j’étais trop bonne joueuse pour être une fille. Ils voulaient prouver que j’étais une femme. Il est difficile d’expliquer l’humiliation que j’ai ressentie », racontait encore le feu follet d’1,72 m en mars.

Des crocs aiguisés à Krokom

Malgré ces épisodes douloureux, qui se sont encore poursuivis par la suite avec du cyberharcèlement en raison de son physique et de sa voix jugés trop masculins, la néo-Parisienne a toujours persévéré. Repérée par le DD Sunshine, le club féminin de Lilongwe qu’elle a rejoint à 13 ans pour parfaire sa formation, la Malawite n’était pour autant pas destinée à percer. Jusqu’à ce qu’une ancienne coéquipière américaine passée dans la capitale pour aider une ONG ne souffle son nom, 8800 kilomètres plus au nord en 2014. « On venait d’être promus en D3 suédoise et on voulait se renforcer, resitue Torsten Olofsson, alors coach du Krokom/Dvärsätts IF. On avait recruté cette joueuse des États-Unis et on lui a demandé si elle connaissait des filles pouvant être séduites par notre projet. C’est là qu’elle nous a parlé d’une attaquante incroyable rencontrée lors d’une mission humanitaire. » Intéressé, le Scandinave contacte alors le président du DD Sunshine, David Dube, visiblement très excité par ce transfert. « On a même dû le faire patienter, car c’était la trêve hivernale à ce moment-là en Suède », confie l’entraîneur, toujours au club.

Tabitha Chawinga avec ses <em>roommates</em> américaines et Jane Olofsson, la fille du coach, à Krokom.
Tabitha Chawinga avec ses roommates américaines et Jane Olofsson, la fille du coach, à Krokom.

Finalement, Tabitha Chawinga effectue un essai en avril 2014, « un jour où il y avait encore de la neige tout autour du terrain ». « On a tout de suite vu qu’elle était spéciale et nous l’avons inscrite chez nous. Elle s’est étonnamment bien adaptée à son nouvel environnement, même si son anglais était encore limité. Un mois après son arrivée, on jouait un amical contre les jeunes de l’équipe masculine d’Östersunds et elle a claqué cinq buts », se souvient Torsten Olofsson, qui a fait en sorte de la loger dans un appartement avec plusieurs autres étrangères du club grâce à l’aide de sa fille Jane, également joueuse. Le début d’une routine pour cette pépite « plus rapide que l’éclair ». Avec 39 réalisations en 17 matchs, le talisman de Krokom remporte la D3 et s’envole vers Kvarnsvedens dans le sud du pays, pour un bilan semblable : deux saisons, une montée dans l’élite et la panacée de 84 pions. Suffisant pour prétendre à une grosse écurie ? Pas encore. Même avec des statistiques meilleures que celles des pointures Marta et Lieke Martens en Damallsvenskan, Tabitha Chawinga se résout à rejoindre le Jiangsu Suning dans le championnat chinois fin 2017.

Le PSG en fil rouge

À cette période, Paris avait pourtant déjà essayé de la faire venir pour en faire l’une de ses têtes d’affiche avec Amandine Henry. En vain, malgré l’importance de ce transfert pour l’entraîneur de l’époque, Patrice Lair. « Il me fallait une joueuse puissante qui puisse prendre beaucoup de profondeur et le fait qu’elle soit gauchère m’intéressait vraiment. Mais au PSG, il n’y avait pas cette volonté de faire l’effort financier pour la section féminine comme Neymar et Mbappé venaient de signer. On a fait des propositions, mais la Chine s’est alignée en lui proposant un contrat de grande qualité », regrette encore aujourd’hui celui qui officie désormais chez les Girondines. Un choix finalement logique pour Tabitha Chawinga, capable grâce à ce mouvement de venir en aide à son club formateur du DD Sunshine, et à ses parents pour qui elles vendaient des légumes durant sa jeunesse. Avec ce détour par l’Empire du milieu, l’attaquante en profite pour accumuler les trophées, notamment un quadruplé national historique en 2019. Mais également pour soigner sa cote auprès de têtes d’affiche du foot féminin français. Dans son nouveau club basé à Nankin, elle évolue d’abord dans l’effectif de Gérard Prêcheur puis de son fils Jocelyn. Si le premier vient de résilier son contrat en tant qu’entraîneur principal du PSG pour que le second lui succède avec effet immédiat ce jeudi, la présence des deux hommes chez les vice-championnes de France a joué un rôle dans la venue de « Chawingoal » au club cet été.

Au-delà de son sens du but et de ses deux titres de meilleure joueuse de Chinese WSL sous leurs ordres, la Malawite a éveillé positivement l’attention par sa capacité à faire croquer, et pas que par son sens de la passe. Grâce à son réseau, elle a ainsi permis à sa cadette Temwa de partager son rêve, d’abord en Suède puis en Asie. « Le propriétaire de Kvarnsvedens ne croyait pas que le Malawi pouvait produire une autre bonne joueuse comme moi, mais je me suis battue pour elle, ils ont fini par accepter de l’inviter à des essais et ils l’ont engagée », se marrait-elle fièrement pour la BBC. Même chose en Chine où son aura permet à la plus jeune de signer au Wuhan Jianghan University qui lui renverra l’ascenseur en la faisant venir au WJU post-Covid.

Avec elle, c’était comme sur FIFA : on aurait dit qu’elle mettait des coups de joystick pour accélérer.

Torsten Olofsson

Preuve de sa réussite, Tabitha Chawinga a toujours laissé un grand vide partout où elle est passée. « Elle est de loin la meilleure que nous ayons pu attirer. Avec elle, c’était comme sur FIFA : on aurait dit qu’elle mettait des coups de joystick pour accélérer », atteste Torsten Olofsson. En élevant à chaque fois son niveau pour coller aux attentes, elle a même bluffé toute l’Italie lors de son prêt à l’Inter l’an passé. « Actuellement, la Serie A ne dispose d’aucune autre joueuse possédant à la fois une telle force, une telle vitesse, une telle maîtrise du ballon et un tel sens du but. Ce qui prédomine désormais dans le championnat, c’est un sentiment amer de nostalgie, comme quand quelqu’un quitte une fête un peu trop tôt », confirme la journaliste transalpine Marialaura Scatena. De bon augure toutefois pour le PSG. Avec la perspective de découvrir la Ligue des champions, celle qui a pour mission de compenser le départ de Kadidiatou Diani chez le rival rhodanien sait ce qui lui reste à faire pour briller. Elle a d’ailleurs déjà annoncé la couleur en affirmant pouvoir marquer plus de 20 buts sans problème. Cela passe par une bonne première dans le choc de ce début de saison contre Lyon dimanche.

Dans cet article :
Chez les féminines du PSG, un nouveau parfum de crise
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Par Gabriel Joly

Tous propos recueillis par GJ, sauf mentions.

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