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Shamar Nicholson : « Quand mon père a été tué, je ne pensais qu’à me venger »

Propos recueillis par Quentin Ballue

Shamar Nicholson a grandi dans un ghetto de Kingston, avec l'espoir d'échapper aux gangs et de devenir footballeur. Prêté à Clermont par le Spartak Moscou, l'attaquant de 26 ans vit son rêve européen à fond. Pourtant, l'international jamaïcain aurait pu tout abandonner à la mort de son père. Il se raconte, fier du chemin parcouru.

Shamar Nicholson : « Quand mon père a été tué, je ne pensais qu’à me venger »

Jouer au Vélodrome ce dimanche, ça représente quoi pour toi ?

C’est un match très important pour le club, parce qu’on a besoin de points. À titre individuel, cela signifie énormément aussi. Vu d’où je viens, chaque match que je joue en Europe compte. Alors pouvoir jouer dans un stade comme celui de Marseille que je voyais à la télé quand je regardais la Ligue des champions, c’est un sentiment très spécial.

À quoi ressemblait ta jeunesse, à Trench Town ?

J’ai toujours eu à manger, mais les trucs sympas comme les fêtes d’anniversaire, on n’en avait pas. Grandir là-bas, c’est dur. Vraiment. J’ai beaucoup d’amis qui sont morts ou qui sont devenus des criminels, ce n’était pas évident. La voie la plus facile, c’est de devenir un gangster. Ça offre une protection à ta famille, etc. Un mec de là-bas qui perce dans le foot, ce n’est pas le genre de choses qui arrive régulièrement.

Justement, quelle place avait le foot dans tout ça ?

Le football, c’est ma vie. J’ai commencé à jouer à l’école, à 7 ans. Je jouais milieu de terrain, Cesc Fàbregas était mon idole, car je supportais Arsenal comme ma tante. C’est grâce au foot que j’ai pu échapper à la violence et aux gangs, c’était la seule option pour moi.

Ton père a été abattu en marge d’un match en 2015. À quel point son décès a changé ta vie ?

À ce moment-là, j’étais au plus bas et j’ai arrêté le foot. Mon père était mon idole, je l’admirais. C’est dur d’avoir des pensées positives quand on perd quelqu’un qu’on aime, il n’a pas eu la chance de me voir jouer au haut niveau… Quand il a été tué, je ne pensais qu’à me venger. La violence montait en moi, je traînais avec les mauvaises personnes. Je pensais à faire de mauvaises choses, à tuer des gens. Mais ma famille était là, elle ne m’a pas laissé m’enfoncer dans cet engrenage. Ils m’ont parlé, m’ont dit : « Là, il y a deux issues. Soit tu meurs, soit tu vas en prison. Tu ne peux pas vivre comme ça. » Je voyais que mes proches étaient tristes à cause de moi, je causais beaucoup de stress à ma mère. Je me suis dit : « Non, ce n’est pas pour moi, je ne peux pas continuer comme ça. » J’ai surmonté ça grâce à leur amour.

 

 

Le responsable de la mort de ton père était connu, cela devait rendre les choses encore plus difficiles.

J’aurais pu me procurer une arme, c’est plus facile que ce que vous pensez. Les gens spéculaient, ils parlaient de moi en disant : « C’est sûr, il va se venger et va devenir quelqu’un de mauvais. » Mais j’ai pris la bonne route, celle de poursuivre mon rêve de devenir footballeur. J’ai causé beaucoup de problèmes à ma mère, quand j’étais jeune. Même avant la mort de mon père, j’étais un fauteur de troubles. Je cherchais la bagarre, je m’embrouillais avec d’autres jeunes, et les gens venaient se plaindre auprès de ma mère. J’ai changé et je suis fier, parce que beaucoup d’enfants pourront peut-être s’identifier à mon parcours.

Ces épreuves t’ont endurci ?

Oui, ça m’a donné un supplément d’âme. Après ça, je me suis totalement concentré sur le football. Aucune distraction. J’ai décidé de faire tous les sacrifices nécessaires pour devenir professionnel à l’étranger.

En Slovénie, après chaque entraînement, je regagnais ma chambre d’hôtel et je pleurais. C’était difficile, mais je crois qu’avoir grandi en Jamaïque m’a préparé. Mentalement, je suis fort.

Comme jouer sans être payé, à tes débuts au Boys’ Town FC ?

Je ne touchais aucun salaire, mais il fallait en passer par là. Ensuite, je suis parti en Slovénie. Je croyais en mon rêve, donc j’ai quitté ma famille pour la première fois. Je ne pensais même pas au salaire, j’étais plus concentré sur l’opportunité qui se présentait à moi : « Ok, je suis en Europe. C’est là où je veux être, c’est la première étape vers mon rêve. » J’aurais pu aller en MLS, mais j’ai choisi Domzale. Quand j’étais jeune, je regardais la Premier League et parfois la Ligue 1 ou la Bundesliga. Pas la MLS. Mon rêve, c’était l’Europe, pas les États-Unis.

Ton arrivée en Europe a répondu à tes attentes ?

Il fallait s’adapter à la culture, à la météo, à la nourriture, au style de jeu… C’était dur, j’étais jeune (20 ans quand il s’est engagé avec Domzale, NDLR). En Slovénie, après chaque entraînement, je regagnais ma chambre d’hôtel et je pleurais. En Jamaïque, dès la fin de l’entraînement, je retrouvais mes amis, on chillait. Là, c’était entraînement-hôtel, entraînement-hôtel. C’était difficile, mais je crois qu’avoir grandi en Jamaïque m’a préparé. Mentalement, je suis fort. Honnêtement, j’ai signé en Slovénie seulement parce que c’était en Europe. Je me disais que c’était la meilleure opportunité pour moi afin d’aller plus loin, je me foutais du salaire. Je voulais venir ici, faire de bonnes performances et pouvoir passer à l’étape suivante.

 

Comment s’est passée ta signature à Clermont, cet été ?

J’étais en Russie, je voulais partir pour jouer. (Il a passé les deux derniers mois de la saison 2022-2023 en tant que remplaçant, NDLR.) Plusieurs clubs se sont manifestés et dès que j’ai su qu’il y avait une opportunité en Ligue 1, il n’y a pas eu une seconde de doute. Je connaissais un petit peu Clermont grâce à Maxi Caufriez (qu’il a côtoyé au Spartak, NDLR), et j’ai dit oui tout de suite. J’ai deux fils, dont un qui vit en Jamaïque. Parfois, je passe cinq mois sans le voir. C’est dur, mais comme je l’ai dit, je suis fort mentalement.

Comment tu juges tes premiers mois ici ?

Je dirais que c’est moyen, je dois faire beaucoup plus. Le championnat est très exigeant, c’est compliqué pour moi et pour le club. Il faut savoir souffrir pour réussir, il faut garder le bon état d’esprit et rester concentrés sur nous pour changer ça. Avec un peu plus de chance, on pourrait être en dehors de la zone de relégation à l’heure actuelle. Mais c’est du passé, il faut regarder ce qui est devant nous. Le coach m’a montré qu’il croyait en moi, je suis motivé pour tout donner et travailler, même si je ne marque pas. Je ne suis pas inquiet, il faut juste travailler encore plus dur.

Comment tu avances, en français ?

Je ne parle pas bien, mais j’essaie de comprendre et de dire quelques mots. Quand tu arrives dans un nouveau pays, on t’apprend toujours des trucs drôles comme « ferme ta gueule ». (Rires.) J’ai des bases, mais c’est compliqué de tenir une conversation. J’avais commencé à apprendre en Belgique (il a joué deux ans et demi à Charleroi, NDLR), mais je suis parti en Russie entre-temps, donc je dois tout reprendre.

 

Maintenant que tu as fait ton chemin et que tu joues dans un grand championnat européen, tu as pu aider tes proches ?

Ma famille m’a arrêté avant que je fasse des choses stupides, elle m’a sauvé la vie. La première chose que je voulais faire quand j’ai décidé de devenir footballeur, c’était leur offrir une meilleure vie et les sortir du ghetto. J’ai réussi à le faire, et j’en suis très fier. Ma mère, ma tante et ma grand-mère vivent maintenant ailleurs dans un bien meilleur environnement.

Où en est ton projet de fondation pour les jeunes de ton quartier ?

On arrive à la dernière étape des procédures, la fondation devrait être lancée en 2024 ! C’était déjà dans ma tête avant que je sois pro. Je me disais que quand je sortirais de là, j’essayerais de faire quelque chose pour aider les gens. La fondation sera là pour pousser les jeunes, les aider à avoir des bourses scolaires, les accompagner pour devenir avocats, médecins, pompiers… Enfant, je devais emprunter les chaussures d’un ami pour pouvoir jouer. Entre la pauvreté et la violence, je sais ce que c’est de grandir là-bas. Je sais à quel point cela peut être difficile.

Propos recueillis par Quentin Ballue

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