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Pablo Correa : « La frustration a été un moteur dans ma vie »

Propos recueillis par Ronan Boscher et Sylvain Gouverneur
21 minutes

Il y a deux ans, Nancy enchaînait les relégations, sportives et administratives, sentait le vent du N2 souffler sur son cou, et manquait de perdre son statut pro et de finir dans les oubliettes du foot français grâce à un repêchage de dernière minute. Puis Pablo est arrivé, pour signer une troisième montée avec son club de cœur. Mais comment a-t-il donc fait ? La réponse inclut même la pétanque.

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Vous l’avez déjà fêté, ce titre, avant la fin de saison ?

Non, même si on était en position favorable, il y a toujours la crainte de tout perdre au dernier moment. On savait que ça pouvait passer en fonction des résultats des autres équipes, mais on pensait plutôt à l’avant-dernière journée. Mais on va fêter ça après !

Vous ne vous étiez pas préparés par superstition ?

Non. D’ailleurs, à la différence de ce qui se fait souvent dans le foot actuel, on avait annoncé qu’on jouait la montée dès le départ. Annoncer l’objectif dès le départ nous a mis une certaine pression sur les épaules, mais une bonne pression. Dire qu’on allait jouer le maintien en National aurait presque été aller à l’encontre de l’histoire du club. Pas que je veuille dire qu’on est un club de Ligue 2 ou de Ligue 1. Aujourd’hui, encore, on est une équipe de National. Mais avec le staff et Michaël Chrétien (directeur sportif, NDLR), on a trouvé normal d’afficher l’objectif ouvertement. Parce qu’on avait convaincu les joueurs de venir ici pour jouer la montée en Ligue 2. Surtout qu’on avait recruté plus de 50% de l’effectif. On se voyait mal dire « Non, on va voir comment ça se passe ».

Dans le vestiaire, c’était quoi le discours sur cette saison ?

C’était principalement axé sur l’idée de soumettre l’adversaire à un conditionnement de jeu. J’ai beaucoup insisté sur le fait que la décision devait passer par nous. Pas par vanité. C’est une question de rapport de force, de contrôler les choses en fait. C’est pour ça qu’on s’était préparés à lutter jusqu’à la fin, mais finalement ce sont les résultats des autres qui nous font monter à trois journées de la fin.

Une chose m’a surpris dans ce championnat de National : dans chaque équipe, des joueurs, en montrant tout leur plein potentiel, pourraient jouer en Ligue 2 et en Ligue 1.

Pablo Correa, scout d’un jour, scout toujours

Vous entendez quoi par « soumettre l’adversaire » ? Le soumettre à un système de jeu ?

Non, c’est plutôt soumettre un conditionnement de match. L’obliger à récupérer le ballon, à être vertical. C’est, quand on perd le ballon, être bien présent, être un bloc bien serré, ne pas reculer. Le passage au National la saison passée m’a fait comprendre que quand on a des objectifs élevés dans ce championnat, il faut des victoires. On ne peut pas se dire « de temps en temps, je vais faire un nul ». Dès le départ, j’ai transmis au groupe qu’il fallait tout faire pour gagner les matchs.

Pourquoi c’est différent en National ?

Il y a moins de hiérarchie. Si vous regardez le classement, les équipes à l’avant n’ont pas les plus grosses masses salariales. En Ligue 2, ce sont les trois plus grosses masses salariales devant. Et en Ligue 1, pareil sur les 5-6 équipes du haut du classement, sans compter Paris. Parce que Paris, c’est à part. De temps en temps des équipes sortent une bonne saison, une équipe du top 5 tombe, mais c’est tout. En National, il n’y a pas cette hiérarchie-là, encore moins pendant un match. Une chose m’a surpris dans ce championnat : dans chaque équipe, des joueurs, en montrant tout leur plein potentiel, pourraient jouer en Ligue 2 et en Ligue 1. La saison passée, j’ai aussi compris qu’en National, si vous laissez venir l’adversaire près de la surface, vous n’êtes jamais à l’abri d’un accident. Une erreur peut conditionner le match à tout moment. Les matchs sont assez ouverts. On a préparé notre groupe pour jouer en bloc. Et forcément, quand vous attaquez chez l’adversaire, ça implique de jouer loin de votre but, et de prendre le risque d’un contre. Mais je ne voulais pas qu’on se contente d’un point. Parce qu’on voulait arriver à être l’équipe qui avait le plus de victoires. Et finalement, on se rend compte aujourd’hui que le classement, c’est le classement des victoires.

 

Encore et en Correa.
Encore et en Correa.

Chien Lee, l’un des propriétaires de l’ASNL, est fasciné par Le Stratège, l’histoire de Billy Beane, qui a introduit la data dans le base-ball pour gagner avec peu de moyens. Est-ce que ce recrutement s’est fait avec l’aide de la data ?

Tout à fait. Aujourd’hui, on ne peut se passer d’une partie de data. Moi, je suis d’un ancien temps où on découvrait les nouveautés du football, les systèmes de jeu et tout ça, lors des Coupes du monde. Aujourd’hui, tout est là, facilement. Les datas sont un élément en plus, comme les GPS pour la préparation athlétique. Mais au-delà des datas qui servent pour certaines choses précises, ce qu’on a fait, c’est essayer d’imaginer le joueur dans notre contexte. Des recrues comme Adrien Julloux, qui venait du Goal FC et qui était descendu l’année passée, ou Martin Expérience qui était descendu avec Cholet, à aucun moment, on ne les a mis dans le contexte de descente. On a voulu regarder la capacité du joueur à s’intégrer à un projet comme le nôtre. En fait, on savait que pour avoir des victoires, on devait être vertical, soumettre l’adversaire à un conditionnement physique aussi. Et on est allé chercher des éléments qui rentraient dans un groupe de travail.

La partie humaine non quantifiable en data, ça entre toujours en compte ?

Bien évidemment. C’est peut-être différent pour le très, très haut niveau, mais nous, on est obligés de faire passer l’élément humain en priorité, presque. Toutes les bonnes saisons que j’ai vécues, en tant que joueur ou entraîneur, ont ceci en commun : un groupe sain, qui travaillait bien et vivait bien. C’est un risque qu’on a pris, en fait, en changeant plus de 50% de notre effectif. Très vite dans la saison, il y a eu un moment difficile : le décès du papa d’un joueur. Quand on a vu comment la détresse d’un élément du groupe a été vécue, je me suis dit que la plus grande réussite de cette année, c’est qu’on ne s’est pas trompés d’hommes. Je parle de ça parce que c’est vraiment un moment qu’on a vécu difficilement, mais il y a eu plein d’autres moments. Michel Platini est venu nous rendre visite dans le vestiaire. Des joueurs, tout de suite, ont pris le téléphone pour faire un petit selfie avec Michel. Ils étaient à fond, c’était rigolo. Je ne saurais pas quantifier combien cette partie humaine pèse sur une saison, mais quand vous ne vous trompez pas d’hommes, quand vous avez un groupe capable de vivre dans la joie et dans la douleur, vous pouvez aller au bout.

Cet été, on faisait des vraies journées de travail. Comme, probablement, la plupart des gens qui travaillent hors football : on va boire un café ensemble, on discute, on se demande “qu’est-ce que tu fais de ta vie ?” Il n’y a pas que le foot, on a tous une vie à côté, une famille.

Pablo Correa, court sans sucre

Comment on crée un groupe, en fait ?

Ce n’était pas forcément évident, au départ. En six semaines de préparation entre la reprise et le début du championnat, par moments, on a donné priorité à la cohésion plus qu’au terrain.

Vous avez fait du team building ?

Tout ! Ça peut aller d’une partie de pétanque pour voir comment ça chambre, à des choses beaucoup plus importantes dans le management. On a commencé dès les premiers jours, en sachant que notre centre de formation était vide parce qu’ils étaient en vacances. On faisait des vraies journées de travail, on venait le matin, petit déjeuner, après on s’entraînait, après on mangeait ensemble, la sieste, et on se préparait pour l’entraînement de l’après-midi ou l’activité qu’on allait faire. Ça, on l’a fait pendant 8-10 jours. Comme, probablement, la plupart des gens qui travaillent hors football : on va boire un café ensemble, on discute, on se demande « qu’est-ce que tu fais de ta vie ? » Il n’y a pas que le foot, on a tous une vie à côté, une famille. Parfois, j’avais envie d’aller sur le terrain pour faire des gammes, mais on a privilégié des choses pour renforcer la cohésion, même si, encore une fois, on ne peut pas tout quantifier. Avec les datas, si. Mais le football est un sport d’incertitude.

Ça passe par une discipline stricte aussi, un groupe ?

On a fait une année avec des règles bien précises, mais sans amende en fait. Les salaires de National ne sont pas les mêmes qu’en Ligue 1. Il faut un règlement parce qu’on ne peut pas vivre dans l’anarchie, mais après, chacun s’approprie ce règlement-là. On n’a pas eu un seul problème au niveau des retards, des téléphones. Et finalement, ça aussi, c’est un élément déterminant. Je voulais mettre le groupe aussi sous la responsabilité d’un règlement. Et ils ont très bien réagi à ça.

Il y a eu un déclic dans la saison ?

À Sochaux. On perd 0-2 à la 70e, contre le cours de jeu, et on gagne 3-2 à la fin. Ça, et le fait que ça soit contre un concurrent direct, je pense que ça a créé un déclic. Mais c’était à la cinquième journée. Trop tôt. J’ai eu peur aussi, à ce moment-là, qu’on se croit imbattables, parce qu’on avait retourné un résultat en 20 minutes. Mais le groupe a super bien réagi à ça. Dans toutes les bonnes saisons d’un club comme le nôtre, il y a un moment de déclic. Je me souviens, en 2000, on joue contre Troyes à Picot, on est à 9 et on gagne 1-0 à la dernière minute. Ça crée un truc incroyable. En plus, les deux expulsés l’avaient été logiquement, sans notion d’injustice. Mais le public a joué son rôle au maximum, il a tellement perturbé les Troyens, l’arbitre, avec des sifflets. Ces moments conditionnent une saison. On était montés d’ailleurs.

 

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Comment ça s’est passé quand on est venu vous rechercher pour faire le pompier une nouvelle fois ?

Ça touche à une histoire très personnelle. En septembre 2023, mon frère m’appelle et me dit : « Maman a été diagnostiquée d’une grosse tumeur au cerveau. » Je ne travaillais pas donc j’ai pris le premier avion pour l’Uruguay. J’arrive le 28 septembre, jour de l’anniversaire d’une de mes filles. Je voulais profiter de ma maman tant qu’elle était encore là. Elle savait ce qui l’attendait. Je m’en souviendrai toute ma vie, en parlant avec mon frère, là, tous les trois, elle nous a dit qu’elle ne voulait pas d’acharnement, qu’il fallait juste l’accompagner. Elle disait qu’elle avait bien vécu sa vie, qu’elle était contente de voir les hommes que nous étions devenus avec mon frère. En novembre, ma femme et ma fille sont arrivées, et le lendemain, Nicolas Holveck m’appelle. Nicolas, je le connaissais très, très bien (il est décédé en avril 2024 d’un cancer, NDLR). Je me doutais qu’il n’appelait pas pour me demander des conseils. Nicolas n’avait pas besoin de conseils. Je savais que le club était en difficulté sportive grandissante parce qu’il venait de subir déjà une descente sportive. Après, il a eu une descente administrative aussi. Nicolas me dit : « il faut que tu nous donnes un coup de main, là comme ça, comment tu le sens, est-ce que tu seras capable et tout ça ». La première chose qui m’est venue à l’esprit, c’est de dire « Nicolas, tu sais pourquoi je suis là, si je dois remonter en France – j’ai dit “remonter”, je ne sais pas pourquoi – ne me faites pas venir pour perdre ce temps-là avec ma maman. Il est précieux. Si je remonte, c’est pour quelque chose, je ne reviens pas pour un truc à deux balles. » Et j’ai aussi dit que j’avais besoin d’en parler à ma femme, et surtout avec ma maman. Ma femme, je me souviens qu’elle m’a dit : « Tu as un œil critique sur le club, mais tu restes un observateur de l’extérieur. Si tu veux changer les choses, va dedans, voilà, et à ce moment-là, tu pourras avoir aussi des ressources pour changer les choses. » Elle n’a pas parlé de logistique de famille, de ce qui est mieux pour elle, elle sait que ce club a une grosse place dans mon cœur. Quand j’en ai parlé à ma maman, elle était folle de joie, parce qu’elle sait à quel point je suis engagé émotionnellement avec le club. À partir de là, je n’ai plus eu de doute. Ça montre vraiment qu’on n’a pas de plan de carrière, on se laisse guider par l’émotion, mais je me dis qu’en fait, on est guidé tout naturellement par la vie. Deux jours après, j’étais en France.

C’est votre troisième montée avec Nancy. On s’habitue ?

J’ai eu des montées en tant que joueur (de la D2 à la D1 à l’issue de la saison 1997-1998, lors de laquelle il termine meilleur buteur, NDLR) en tant qu’entraîneur (champion de Ligue 2 en 2005, NDLR), et celle-là, vraiment, elle me fait un plaisir énorme.

Moi aussi, il m’est arrivé de sortir de certains matchs, de remonter dans ma voiture, avec l’impression d’être un zombie, d’accepter le truc. On a perdu, encore, et on rentre à la maison.

Pablo Correa

Pourquoi ?

Pour deux raisons, je pense. La première, c’est mon âge. On ne vit pas les mêmes choses à 40 ans qu’à 58. Le regard qu’on a sur ce qu’on a obtenu est différent. À un certain âge, on s’aperçoit que la tâche est difficile, mais on le prend avec l’âge qu’on a. Et ça m’a fait plaisir de voir des gens plus jeunes connaître ce sentiment, de leur avoir apporté quelque chose. Et la deuxième, c’est vis-à-vis du club. Les supporters n’en pouvaient plus des mauvais résultats, mais aussi de la perte de valeurs, de l’histoire de Nancy. Il ne faut pas oublier qu’il y a quelques années, des gens sont arrivés comme des magiciens, censés révolutionner le football. Et ça fait un flop énorme. Je ne participais pas à ça directement, parce que je n’étais pas au club. Mais le fait de vivre à Nancy, d’être identifié forcément au club, même quand vous ne l’étiez pas, ça me touchait. Moi aussi, il m’est arrivé de sortir de certains matchs, de remonter dans ma voiture, avec l’impression d’être un zombie, d’accepter le truc. On a perdu, encore, et on rentre à la maison. Mais le football, ce n’est pas ça. Moi, je l’associe plutôt au côté passion, des grandes déceptions, mais aussi de grandes joies. À Nancy, on avait l’impression d’être morts émotionnellement. Si vous êtes actionnaire, vous pouvez changer des choses, mais en tant que supporter, vous subissez, en fait. Je ne sais pas exactement quel mot je mettrais, ce n’est pas le dégoût, ce n’est même pas la déception, c’est vraiment, à un moment, c’est le néant. Il n’y avait plus d’émotion, d’envie, que du vide. C’est pour ça qu’aujourd’hui, je pense, le public fête ça avec beaucoup de ferveur dans la ville. Je pense que le passé récent conditionne aussi la fête qu’on fait aujourd’hui.

 

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Pour avoir de grands bonheurs, il faut avoir de grandes déceptions et de grandes tristesses.

Oui. Je parlais avec un arbitre cette année, d’ailleurs, après une défaite contre Boulogne, 0-2. On avait bien perdu, on avait joué notre jeu, mais on avait manqué d’efficacité. Et l’adversaire avait fait son match, avait gagné. Parfait. À un moment du match, vers la fin, une action se déroule à côté de moi. Et l’arbitre, un jeune arbitre, m’a dit : « Qu’est-ce qu’il y a, Monsieur Correa, vous êtes frustré ? » La phrase m’a surpris. Et à la fin du match, j’ai demandé si on pouvait échanger un peu avec l’arbitre. Et je lui ai dit : « vous savez, vous m’avez demandé si j’étais frustré. Oui, bien sûr. » Et on a eu un très bon échange. Je lui ai dit, j’espère que vous aussi vous ressentirez de la frustration, quand vous faites un match moyen, parce que la frustration sert à s’améliorer, autant d’un point de vue professionnel que d’un point de vue humain. Moi, ça a été un moteur dans ma vie. J’ai élevé mes enfants en les conditionnant à ce que la frustration soit un moteur, qu’elle amène une réaction. Pas forcément une réaction violente, mais à se remettre en cause. Aujourd’hui, on a du mal à parler de ça, à accepter qu’on puisse être frustré. Avec Nancy, ça allait au-delà de la frustration, c’était vraiment le néant. Et il y avait de l’incompréhension au départ, avec des gens qui vous disent « vous allez voir ce que vous allez voir, on va jouer tous les matchs pour gagner ». Comme si Nancy, dans toute sa courte histoire, n’avait joué que des matchs pour perdre, en fait.

Vous l’avez pris personnellement, parce qu’il y a eu une époque, notamment la saison 2007-2008, où on a beaucoup entendu que Nancy avait un jeu chiant et défensif ?

Non, pas du tout. Quand vous regardez le onze de départ de ces années-là, on avait quand même en général 4 ou 5 joueurs offensifs. Et ce qu’il faut voir, c’est que si aujourd’hui, vous mettez un DVD de n’importe quel match de cette époque, nous, on jouait avec l’intensité qu’il y a aujourd’hui dans le football moderne. Mais j’acceptais que tout le monde dise qu’on avait un jeu défensif parce que c’est vrai que ma base, c’était « tant qu’on ne prend pas de but, on a toujours plus de chances de gagner le match ». On a l’exemple du Barça aujourd’hui qui marque 6 buts et en prend 7. Mais chacun joue comme il a besoin de jouer à un moment. Le Barça avait certainement besoin de retrouver une certaine identité qu’il avait un peu perdue. Est-ce que c’est plus important ça ou gagner la Ligue des champions ? Moi, je savais qu’à cette époque-là, l’identité de Nancy était toujours la même. C’est une équipe lorraine, les supporters s’identifient à la lutte, au travail. Mais je ne suis pas venu créer un groupe d’ouvriers, je voulais transmettre surtout des valeurs. Et surtout, on n’a pas fait quatrième de Ligue 1, avec un budget de, je ne sais plus, 16e ou 17e, avec uniquement du combat. On avait du talent dans l’équipe. Mais je laissais dire, et on continuait notre championnat.

Je n’ai jamais eu de plan de carrière mais, peut-être, un plan pour garder ma liberté et faire à peu près ce que je voulais.

Pablo Correa chante Florent Pagny

Dans ces années, vous êtes nommé deux fois de suite entraîneur de l’année. Quand vous quittez Nancy, c’est pour essayer d’avoir une expérience dans un club avec un plus gros budget. Comment ça se fait que ça ne soit pas vraiment arrivé ?

En 2011, j’en faisais beaucoup à l’intérieur du club. Je parle du temps de travail et tout ça. Je voyais bien que physiquement et psychologiquement, je commençais à me dire « attention, ça va trop loin ». Au petit-déjeuner, j’avais demandé à ma femme : « Tu préfères avoir un mari avec de l’argent, mais sans santé, ou avec un peu moins d’argent, mais en pleine santé

? » Elle a tout de suite compris le message et m’a dit : « La deuxième option, ça me va très bien. » J’étais toujours sous contrat, mais je suis parti. On a toujours voulu travailler pour avoir notre indépendance, mais sans l’ambition d’être millionnaires. Je n’ai jamais eu de plan de carrière, mais, peut-être, un plan pour garder ma liberté et faire à peu près ce que je voulais. Si j’avais eu un plan de carrière, j’aurais dû négocier différemment, avec un représentant et tout ça. Je n’ai jamais eu de représentant. Je n’avais pas accès aux présidents.

 

Votre téléphone avait dû quand même sonner, j’imagine.

Tout à fait. Mais j’étais très bien payé à Nancy. Très, très bien payé. Le président Rousselot avait fait le nécessaire pour que je ne sois pas tenté. À une certaine époque, il faisait partie intégrante des commissions de la Ligue et tout ça. Il freinait aussi les envies des autres clubs de venir me voir. Normal : il défendait son entreprise. Mais bon, si j’avais voulu faire une carrière différente, j’aurais pris un agent. En tant que footballeur, j’avais fait des choix familiaux, aussi. Sinon je serais parti bien avant, mais je me sentais bien à Nancy. Dans les années 2010, je faisais partie des cinq entraîneurs qui avaient passé plus de temps dans un club. À ce moment-là, c’était Alex Ferguson, Arsène Wenger, Thomas Schaaf en Allemagne (au Werder Brême, NDLR) et moi ici. Après, ce qui me titille encore, c’est de partir à l’étranger. Je le ferai certainement. Pas partout, ça c’est certain, mais j’ai la volonté, la force pour le faire. Le vécu et tout ça.

Vous n’en avez pas marre de l’hiver lorrain ?

C’est dur. Mais il y a pire, il y a mieux. Et puis, j’ai un réconfort à une heure et demie de vol. On a acheté un appartement à Madrid avec ma femme. L’idée, c’était qu’une fois la carrière finie, on irait vivre à Madrid. Parce que Madrid, c’est une ville très chouette, avec un climat complètement différent, dans lequel je me ressource beaucoup. Je retrouve mes racines, en fait. L’Uruguay, c’est trop loin. Trop, trop, trop loin. Et franchement, il n’y avait pas l’envie non plus de rentrer en Uruguay.

Les Vosges, c’est très beau. En été, il y a un parfum. Je le ressens chaque fois que j’y vais, c’est le parfum de mes premiers pas ici. Ce n’est pas lié à l’enfance, parce que j’avais 28 ans, mais c’est le commencement d’une vie, en fait.

Pablo Correa, influenceur vosgien

Il paraît que le premier film que vous avez vu quand vous êtes arrivé en France, c’était le film des Inconnus, Les Trois frères.

Oui, je ne parlais pas français, mais ça m’avait quand même fait rire !

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais Les Inconnus sont en train de tourner un nouveau film. Vous irez le voir ?

Bien sûr ! Quand on dit les choses qui vous ramènent à l’enfance, en fait, ce n’est pas seulement à l’enfance. Ils vous ramènent à une étape de votre vie. Et moi, par exemple, chaque fois que je vais dans les Vosges, je ressens cet air que j’ai senti dans mes premiers jours en France. Je suis reconnaissant envers László Bölöni (coach de l’ASNL de 1994 à 2000) qui m’a forcé à venir au stage. Je venais d’arriver, je disais : « Non, non, je resterai à l’hôtel, parce que de toute façon, je ne comprends rien. » Et lui m’a dit : « Non, tu viendras avec nous. » Il savait que l’intégration, c’était important, pas seulement comme footballeur, mais comme personne dans cette société-là. Les Vosges, c’est très beau. En été, il y a un parfum. Je le ressens chaque fois que j’y vais, c’est le parfum de mes premiers pas ici. Ce n’est pas lié à l’enfance, parce que j’avais 28 ans, mais c’est le commencement d’une vie, en fait. Le plan à la base, c’était d’arriver en 1995, de rester jusqu’en 1998 pour regarder la Coupe du monde et de rentrer. Mais non, ça fait 30 ans que je suis là.

Il y a un moment où vous avez failli partir ?

À un moment, on arrive au bout des 3 ans de contrat annoncés, et j’ai une très bonne proposition en Allemagne. Moi, je voyais mes enfants super bien intégrés en France. Je n’ai pas voulu partir en Allemagne pour 3 ans. Je pense que si on avait été en Allemagne, on n’aurait pas pu revenir en France et faire la vie qu’on a faite en France, là comme ça.

Vous devez déjà commencer à recruter pour l’année prochaine, il y a eu des annonces comme quoi le budget allait être cohérent avec un bon budget de Ligue 2. Vous voyez ça comment ?

Les propriétaires sont en contact direct avec Mickaël Chrétien, et franchement, depuis que je suis là, tout ce qu’ils ont dit, ils l’ont fait. Ça veut dire que je ne doute pas d’eux. Le plan qu’ils m’ont dessiné, c’était qu’on avait deux saisons pour aller en Ligue 2, on l’a réussi dès la première saison, et tant mieux. Il y a un plan pour aller en Ligue 1, mais bon, plus qu’un plan, qu’un projet, ce sont les moyens qu’on va mettre qui comptent. Ce n’est pas forcément économique. Je sais qu’il y a un côté méfiant chez les supporters, mais la vérité, c’est que le club a passé haut la main le dernier rendez-vous de la DNCG. Ils attendent très confiants celui qui aura lieu dans trois semaines. On n’aura pas la masse salariale des trois équipes qui sont en tête de la Ligue 2 aujourd’hui, ça c’est sûr et certain. Mais voilà, il s’agit d’aller vers le haut en passant cette étape.

Il va falloir recruter beaucoup pour la Ligue 2 ?

Non, pas beaucoup, en tout cas pas comme l’année passée, parce que nous, l’effectif de l’année passée, on l’a construit aussi en pensant à ça, à se dire qu’on ne peut pas à chaque fois démarrer avec 12 ou 13 joueurs qui vont venir. Nous, on ira chercher les 5, 6 joueurs pour compléter l’effectif.

Propos recueillis par Ronan Boscher et Sylvain Gouverneur

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