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La mort du Pelé palestinien, symbole de la crise humanitaire à Gaza
Le football palestinien pleure l'une de ses étoiles depuis mercredi. Suleiman Al-Obeid est mort à 41 ans dans la bande de Gaza sous le feu de l'armée israélienne, alors qu'il attendait une aide humanitaire. L'issue tragique d'un parcours qui a vu le Gazaoui acquérir le surnom de « Pelé palestinien » et marquer un bon paquet de buts.

Il n’a jamais été champion du monde. Il n’a jamais prétendu non plus avoir inscrit 1000 buts. Mais à l’échelle de la Palestine, c’était tout comme. Suleiman Al-Obeid était considéré comme le « Pelé palestinien ». « Un talent qui a offert de l’espoir à un nombre incalculable d’enfants, même dans les moments les plus sombres », a salué l’UEFA vendredi soir après l’annonce de sa mort, à 41 ans, dans le sud de Gaza. Un hommage moyennement apprécié par Mohamed Salah (entre autres) alors que l’instance n’a pris aucune sanction à l’égard d’Israël, malgré les bombardements incessants depuis bientôt deux ans. « Pouvez-vous nous dire où, comment et pourquoi il est mort ? », a répondu la star de Liverpool. Un post vu 100 millions de fois rien que sur X. Car au-delà de sa qualité de footballeur, Al-Obeid est devenu un symbole.
Can you tell us how he died, where, and why? https://t.co/W7HCyVVtBE
— Mohamed Salah (@MoSalah) August 9, 2025
Des buts à gogo et l’honneur du drapeau
Sa carrière, l’attaquant l’a surtout passée chez lui, à Gaza, où il est né, évoluant sous les couleurs du Al-Shati’a Services Club et du Gaza Sporting Club. Il a aussi mis les crampons en Cisjordanie, de 2009 à 2013, à Al-Amari. Pas d’expatriation en Europe, comme Oday Dabbagh (passé par Arouca, Charleroi et Aberdeen), mais un compteur à plus de 100 buts ainsi que trois titres de meilleur buteur du championnat (2016, 2017, 2018) qui ont forgé sa légende. Il a directement participé à plusieurs étapes clefs pour le football palestinien, notamment au lancement de la Ligue professionnelle palestinienne en 2010-2011, déterminante pour la structuration du sport national. Une première édition qu’il a remportée avec son club d’Al-Amari.
Dans un contexte sensible, où les interdictions de déplacement ont souvent contrarié ses plans, Suleiman Al-Obeid n’a disputé que 24 matchs avec l’équipe nationale, pour deux buts. Il n’a pas eu besoin de plus pour marquer les esprits, son ciseau gagnant contre le Yémen restant encore dans toutes les mémoires. En 2011, il a participé au « match le plus important jamais joué en Palestine » dixit l’ancien président de la fédération, contre l’Afghanistan : pour la première fois dans l’histoire, une rencontre qualificative pour la Coupe du monde se dispute alors sur le territoire palestinien, à Ramallah, alors que l’équipe nationale devait jusque-là s’exiler en Jordanie pour jouer à domicile. Al-Obeid était encore de la partie quand la Palestine a atteint le 2e tour de qualification pour la Coupe du monde 2014, sortant la tête haute, éliminée par la Thaïlande à la 90e+3. Un CV long comme le bras, jalonné de grandes premières et de coups d’éclat.
Victime d’un génocide
Le « Pelé palestinien » n’était plus en activité depuis deux ans. L’ordre des priorités a dramatiquement changé : ce père de cinq enfants luttait d’abord pour sa survie et celle de sa famille. C’est justement alors qu’il attendait une distribution alimentaire dans le sud de Gaza qu’il a été tué par les forces israéliennes selon l’Association palestinienne de football (PFA). Pas une première, malheureusement, dans un contexte humanitaire extrêmement grave : le bilan des Nations unies fait état de plus de 1 300 personnes tuées alors qu’elles cherchaient de la nourriture depuis la fin du mois de mai. Mohamed Salah s’en est offusqué, et il n’est pas le seul. Éric Cantona s’est ému du drame sur les réseaux sociaux : « Israël vient de tuer la star de l’équipe nationale palestinienne Suleiman Al-Obeid pendant qu’il attendait de l’aide. Combien de temps allons-nous encore les laisser commettre ce génocide ? Libérez la Palestine ! »
Gary Lineker a quant à lui émis une critique similaire à celle du Pharaon en taclant la lâcheté de l’UEFA. Gianni Infantino ? Silence radio, le président de la FIFA donnant sa priorité au SAV de la Coupe du monde des clubs. Depuis l’attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas, l’armée israélienne a tué au moins 325 joueurs, entraîneurs, arbitres ou dirigeants palestiniens selon la PFA. Deux joueurs du club d’Al-Tuffah, Mahmoud Rafeh Shaheen et Ismail Abu Dan, avaient déjà perdu la vie dans des conditions similaires à Suleiman Al-Obeid ces derniers jours. Selon l’ONU, près d’un quart de la population de Gaza vit dans des conditions proches de la famine, et plus d’une personne sur trois passe plusieurs jours sans manger.
Palestine : la réponse sèche de Salah à l'UEFA après l'annonce du décès de Suleiman al-ObeidPar Quentin Ballue