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On était à Bilbao pour le match qui a uni Basques et Palestiniens

Par Emmanuel Hoarau, à Bilbao
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Ce samedi à Bilbao, l’équipe du Pays basque accueillait la Palestine lors d’une rencontre hautement symbolique, en soutien à la population gazaouie décimée par deux années de guerre, et écho de liens politicoculturels profondément ancrés. Reportage.

On était à Bilbao pour le match qui a uni Basques et Palestiniens

Une image vaut souvent mieux que mille mots, et celle-ci relève du symbole : un échange de bouquets de fleurs en hommage aux victimes d’une guerre qui n’en finit pas. C’est par ce geste que les sélections basque et palestinienne ont décidé de marquer la soirée durant laquelle les locaux se sont imposés 3-0 face à leurs homologues palestiniens. L’issue d’une journée marathon démarrée plusieurs heures auparavant.

Il est 15 heures, ce samedi, au cœur du Casco Viejo, quartier historique et festif de Bilbao. Dans ces rues pavées, typiques du Pays basque, le kalimotxo, mélange de vin rouge bon marché et de coca, et la bière coulent à flots. Les tabernas sont noires de monde et, çà et là, Txoria Txori, Ikusi Mendizaleak et d’autres chants traditionnels sont entonnés par la foule. Au loin, des pétards explosent à des fréquences plus ou moins régulières. Aucun doute, c’est jour de match comme aucun autre dans la capitale de la Biscaye. La sélection nationale basque reçoit celle de Palestine dans une rencontre amicale au fort capital symbolique, du « football pour la paix », titre Mundo Deportivo Bizkaia en une.

Solidarité et paix

« C’est historique, embraie Mikel, 24 ans, maillot vert de l’Euskal selekzioa sur le dos. Ce soir, ce sont deux peuples oppressés qui s’affrontent pour faire valoir leurs droits par le football. » Depuis plus de 50 ans, les différentes organisations représentantes des aspirations des deux peuples se sont régulièrement unies autour de causes communes relatives à l’autodétermination.

Ce lien d’unité s’est renforcé, depuis 2023, avec la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza. Dans les stades basques, une véritable solidarité s’est créée avec les Palestiniens, victimes d’un « génocide » de masse selon plusieurs organisations internationales (le dernier bilan étant de près de 70 000 civils tués). L’Herri Norte Taldea, l’Iñigo Cabacas Herri Harmaila et les Bultzada, principaux groupes de supporters de l’Athletic Club et de la Real Sociedad, ont régulièrement profité des matchs de Coupes d’Europe pour faire valoir leurs vues sur la situation, comme en septembre, lors de l’ouverture de la saison de Ligue des champions contre Arsenal. L’ICHH avait alors brandi une banderole « Nous serons avec vous jusqu’à la fin » qui avait fait le tour des réseaux sociaux.

Il est 17 heures 30 et, place Arriaga, une immense foule se forme. Une grande marche organisée par EH Bildu, première force abertzale (patriote) de gauche, a lieu en amont de la rencontre. Joana, la quarantaine, y tient un stand de vente de keffiehs. « Le peuple basque est un peuple qui a connu la répression, analyse-t-elle, en référence aux années de plomb, période allant des années 1960 jusqu’à l’arrêt de la lutte armée par Euskadi Ta Askatasuna (Pays basque et liberté, ETA) en 2011. Il est normal pour nous d’apporter notre aide aux Palestiniens, car ils vivent une violence que l’on a nous-mêmes connue. »

Cette solidarité et la pression mise sur les instances ont payé : l’Athletic, frileux pour prendre position sur un sujet aussi sensible que la guerre, a été contraint par ses supporters de le faire. Ainsi, le mois dernier a été organisée une collecte de fonds dans le cadre de la rencontre entre les Leones et Majorque. Les bénéfices ont été reversés à des associations venant en aide aux réfugiés de la guerre.

Reconnaissance et indépendance

Autre symbole, cette rencontre est la première de l’Euskal selekzioa depuis plus d’un an. Combat politique de premier plan mené par les organisations abertzales de gauche, la reconnaissance des sélections nationales est une priorité pour de nombreux jeunes euskaldunak qui ne se reconnaissent pas dans la Roja de Dani Carvajal. Un sujet sensible, alors que l’Espagne championne d’Europe a aligné à l’été 2024 sept joueurs basques.

C’est le cas de Nahia, étudiante de 22 ans, qui se rend pour la première fois à une rencontre de la Selekzioa : « En tant que Basques, nous aspirons à notre souveraineté et nous devrions avoir le droit de posséder notre propre équipe. » Cette reconnaissance, le Pays basque a néanmoins réussi à l’obtenir dans l’autre sport national : la pelote. Depuis quelques mois, la fédération basque est reconnue internationalement. Cette ouverture a créé une levée de boucliers des milieux conservateurs, amenant jusqu’à un débat au Congrès des députés à Madrid.

Le football en sort vainqueur

L’heure du coup d’envoi approche. Sur l’esplanade de San Mamés, la foule se presse. Calquée sur le modèle de la Fußball Arena de Munich, la façade de la Catedral se pare du vert de la sélection et les deux drapeaux sont projetés. À l’intérieur, l’excitation monte d’un cran : 51 396 personnes se sont massées dans les travées, un record pour cette équipe. À l’entrée des joueurs, un immense tifo ornant les deux drapeaux est déployé sur la tribune latérale. Une réussite. L’ambiance, comme à l’accoutumée au Pays basque, est survoltée : le moment s’annonce historique.

Dans les virages, les banderoles se succèdent : certaines louant la « résistance palestinienne » quand une autre demande la « liberté pour le Pays basque ». Les chants descendent des tribunes avec grand fracas. Alors que les joueurs basques mènent 2-0, un immense Txoria Txori (ou Hegoak pour certains) est repris par l’ensemble du stade. De quoi donner des frissons. Finalement, Yaser Hamed et ses coéquipiers palestiniens devront plier par trois fois. La sélection du pays arabe, passée proche d’une qualification pour le Mondial 2026, n’aura pas réussi à peser face à des Basques en maîtrise, et ce, malgré les 50 000 personnes qui ne cessaient de chanter « Palestina askatu! » Palestine libre ! ») depuis le début de la soirée.

C’est avec une banderole de remerciement pour le public que la soirée se termine. Au-delà̀ des clivages politiques et de la guerre, le football a une nouvelle fois rappelé qu’il sait outrepasser les divisions du monde… Tout comme le kalimotxo qui, quant à lui, s’occupera de réjouir les vainqueurs du soir dans la nuit noire de Bilbao.


→ Le second match de la Palestine diffusé en France !

Boycottée par les grandes chaînes de télévision, la rencontre entre le Pays basque et la Palestine n’était malheureusement pas disponible à la télévision en France. Si certains ont pu se connecter à la télévision publique basque pour la suivre, cela ne sera pas utile pour le second match amical de la sélection palestinienne en Europe mardi soir à 18h30, à Barcelone, face à la sélection de Catalogne. En effet, la chaîne NA TV a acquis les droits de cette rencontre et la diffusera. Elle est disponible sur les box de tous les opérateurs (Orange 357, SFR 504, Bouygues 338, Free 952). Pas d’excuse pour manquer les exploits d’Arnau Tenas et de ses coéquipiers !

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Par Emmanuel Hoarau, à Bilbao

Propos recueillis par EH.

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