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Mais au fait, pourquoi l’Espagne n’a toujours pas gagné l’Euro ?
L’Espagne attend toujours son premier titre à l’Euro et tentera de décrocher le trophée cette année, en Suisse, où la Roja fait partie des favorites. Des joueuses de classe mondiale, un statut de championne du monde, une Ligue des nations dans la besace, c’est bien, mais il va surtout falloir briser cette petite malédiction des quarts de finale.

→ Parce qu’elles ont retrouvé l’Euro seulement depuis douze ans
Avant de parler de malédiction, encore faut-il qu’elle existe. Il n’y a pas si longtemps, l’Espagne n’était même pas invitée à la table des favorites. Après une apparition surprise en 1997 (demi-finale perdue face à l’Italie), c’est le désert : aucun Euro disputé entre 2001 et 2009. Douze longues années à regarder les autres faire la fête, pendant que la Fédé espagnole considérait le foot féminin comme une activité de loisir. Ce n’est qu’à partir de l’édition de 2013 que la Roja revient vraiment sur la scène continentale, lorsque la génération Vero Boquete-Irene Paredes impulse une nouvelle dynamique. Une victoire inaugurale au bout du suspense contre l’Angleterre (3-2) et un premier quart de finale depuis 16 ans, malgré un rendez-vous manqué face à la Norvège (3-1). Au moins, la voie pour la prochaine génération était tracée.
→ Parce qu’il faut déjà retrouver le dernier carré
Des Ballons d’or, elles en ont. Des joueuses formées au Barça aussi, pétries de technique, habituées aux sorties de balle chirurgicales et aux petits triangles à l’entrée de la surface. Une école du jeu léché, où le ballon court plus que les joueuses, c’est le football qu’a insufflé Jorge Vilda lors de sa prise de fonction en 2015, et qu’a continué à faire rayonner Montsé Tomé depuis qu’elle a repris les rênes de la sélection espagnole en 2023. Pourtant, l’Espagne ne compte toujours aucune Coupe d’Europe dans son armoire à trophées. En 2017, l’effectif était déjà séduisant sur le papier : Irene Paredes, Jennifer Hermoso, Alexia Putellas… rien que ça. Mais un quart contre l’Autriche, pourtant prenable, perdu aux tirs au but renvoie l’Espagne à la maison avant le dernier carré pour la deuxième fois d’affilée.
En 2022, alors qu’elles partent favorites de la compétition avec l’Allemagne, la Roja tombe encore une fois dès les quarts de finale, malgré une supériorité technique contre l’Angleterre : les Espagnoles craquent à dix minutes de la fin et s’effondrent en prolongation. À chaque fois, les ingrédients sont là. Mais le plat ne prend pas. Cette année, tout peut changer : avec le statut de championne du monde en titre, les Espagnoles peuvent faire le doublé (voire le triplé en comptant la Ligue des nations) et imposer une véritable hégémonie.
→ Parce qu’il faut se coltiner la Fédération espagnole
Avant même de penser à gagner un Euro, il faut déjà traverser le champ de mines qu’est la Fédération espagnole. Rien de nouveau sous le soleil, ou plutôt la grisaille, espagnole. L’entraîneur historique Ignacio Quereda est resté 27 ans à la tête de la sélection, malgré des résultats faméliques et des accusations de management toxique et « d’abus psychologiques », qui ont fait l’objet d’un documentaire en 2021. Remplacé en 2015 par Jorge Vilda, censé incarner le renouveau, mais qui finit lui aussi par devenir le symbole d’un système verrouillé. En 2022, quinze internationales, dont les stars Bonmatí ou Guijarro, claquent la porte pour dénoncer ses méthodes et l’incompétence du staff.
🗣️ En nuestra primera 𝗽𝗿𝗲𝘃𝗶𝗮 de la #WEURO2025 hablan @Patri8Guijarro y @montse_tome.#JugarLucharYGanar pic.twitter.com/m6NGUpU8Tu
— Selección Española Femenina de Fútbol (@SEFutbolFem) July 2, 2025
À travers une lettre envoyée à la fédération, elles pointent du doigt ses pratiques de management qui affecteraient de manière significative leur « état émotionnel » et leur « santé ». La fédé, elle, soutient le coach espagnol en assurant qu’elle « ne permettra pas aux joueuses de remettre en cause la continuité de l’entraîneur national et de son staff technique ». Puis arrive l’affaire Rubiales lors de la Coupe du monde 2023 remportée par la Roja. Son baiser imposé à Jennifer Hermoso, son refus de démissionner, sa conférence d’autosabotage… L’Espagne doit beaucoup plus souvent se battre contre ses dirigeants dans les coulisses que face à ses adversaires sur le terrain, et c’est toujours un problème.
→ Parce que les hommes raflent déjà tout
Sur les quinze dernières années, l’Espagne est sans doute la nation dominante du foot, hommes et femmes compris. En l’espace de 16 ans, la Roja a ramené trois Euros à la maison (2008, 2012, 2024), une Coupe du monde (2010) et (dans une moindre mesure) une Ligue des nations. Comment les filles pourraient-elles faire mieux ? Ces succès répétés pourraient-ils mettre une certaine pression sur les épaules des joueuses espagnoles ? Bof, elles font leur vie et jouent leurs compètes sans y penser, mais imaginez un peu si l’ultra,domination venait à se poursuivre ces prochaines années : des célébrations à gogo, des « olé ! » à foison, des musiques de Paco Ibáñez, de la sangria… Et si on laissait un peu les autres profiter : au hasard, les Bleues !
→ Parce qu’il fallait attendre cette génération et l’Euro 2025
Cette fois, ce n’est pas juste une question de talents individuels ou une question de fierté. Après la victoire en Coupe du monde (1-0 face à l’Angleterre) dans un climat plus orageux qu’un été galicien, les Espagnoles savent maintenant gérer la pression et encaisser les coups durs. À l’image de la déclaration à l’AFP de leur capitaine Olga Carmona, unique buteuse lors de la finale du Mondial 2023 : « Championnes du monde, c’est une fierté mais aussi une responsabilité. Tout le monde nous considère comme les favorites de l’Euro, mais nous gardons la tête froide. »
L’Espagne s’appuiera également sur sa double Ballon d’or Aitana Bonmatí, tout juste remise d’une méningite et qui a rejoint la sélection lundi, de quoi booster la confiance de ses coéquipières. Autre signe qui pourrait rassurer les joueuses de Montsé Tomé, elles partent favorites selon une simulation menée par des chercheurs des universités de Dortmund et d’Innsbruck, qui avaient déjà prédit la victoire de l’Angleterre à l’Euro 2022. Selon le modèle basé sur 100 000 scénarios, qui combine résultats passés, cotes des bookmakers et données de performance, la Roja aurait 27% de chance de remporter enfin son premier Euro. Il suffit de patienter jusqu’au 27 juillet.
Quand c'est l'heure, c'est l'Euro !Par Titouan Aniesa