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La Biélorussie en sortie de ban
Samedi prochain, la Nati affronte la Biélorussie. Alors que le CIO a exclu les athlètes biélorusses de la plupart des compétitions internationales, comme les Russes, le football a décidé de se montrer plus tolérant envers le régime d’Alexandre Loukachenko, le petit frère de Poutine.
Les instances sportives sont actuellement en train de se déchirer autour du retour ou non des athlètes russes ou biélorusses dans les stades ou les gymnases. En France, la question a pris une tournure extrêmement symbolique, avec les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 en ligne de mire. Dans le petit monde du ballon rond, il ne fait guère de mystère pour personne que Gianni Infantino souhaiterait revoir rapidement sur les pelouses les crampons de son grand ami Poutine. La confédération asiatique serait prête à les accueillir, si l’UEFA et certains de ses membres continuent de faire la fine bouche. Toutefois, le foot européen ne s’avère pas si intransigeant qu’il le laisse paraître.
En effet, les Biélorusses (dont le gouvernement reste un des alliés les plus fidèles du voisin russe) continuent pour le moment de participer aux compétitions continentales. « Nous sommes face aux limites des sanctions actuelles, puisque le football ne s’est pas aligné dès le départ sur celles du mouvement olympique, signale Jean-Baptiste Guéguan, spécialiste en géopolitique du sport et coauteur de L’Atlas géopolitique du sport (Autrement). L’UEFA a considéré que la Biélorussie n’était pas un pays belligérant, malgré le fait que le pays sert de base de repli aux troupes d’invasion russes. Seul bémol, les rencontres ne peuvent se dérouler sur son territoire. » De la sorte, les Biélorusses recevront à domicile en Serbie, à Novi Sad. Dès le départ, cette décision avait soulevé le scepticisme, notamment de la part des plus farouches opposants occidentaux au nouveau tsar du Kremlin. En septembre 2022, dans une lettre adressée au président de l’UEFA, Aleksander Čeferin, la ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, se désolait de cette situation et de l’hypocrisie qui la fondait : « Non seulement la Russie, qui mène une guerre en violation du droit international, mais aussi la Biélorussie, en tant que soutien majeur des dirigeants russes, devraient être exclues de tous les matchs et tournois de football internationaux. » En vain !
Le sport : missile longue portée
La pression diplomatique et politique n’a pas cessé, néanmoins. Des parlementaires suisses ont réclamé que le match contre les Biélorusses ne puisse « avoir lieu ». Pour mémoire, les sièges de la FIFA et de l’UEFA sont basés, avec des conditions fiscales extrêmement avantageuses, à l’abri des verts pâturages de la Confédération helvétique. En outre, une centaine d’eurodéputés, issus de tous les groupes parlementaires, ont également adressé une nouvelle supplique au président de l’UEFA, rendue publique par le site Politico, qui mettait le football face à ses responsabilités, puisque cette participation à la phase qualificative de l’Euro 2024 « sera plus tard utilisée par Loukachenko et son équipe de propagande pour prouver qu’il est bien perçu par la communauté internationale ». Nul besoin d’en rajouter sur la nature du pouvoir à Minsk, une dictature de plus en plus répressive, qui avait autorisé son championnat à se poursuivre pendant la crise du Covid et qui n’a rien à envier à ce qui se passe du côté de Moscou ou Saint-Pétersbourg.
Jean-Baptiste Guéguan partage l’analyse des élus européens : « L’attention sur les matchs de la Biélorussie va être disproportionnée au regard des seules conséquences du résultat au tableau d’affichage. On imagine bien que le pouvoir biélorusse saura mettre en scène la moindre victoire. Imaginez d’ailleurs le poids et la pression qui doivent peser sur les joueurs au passage, surtout connaissant les méthodes du régime. Cela dit, le ver était dans le fruit dès qu’il a été établi une différence entre les deux pays. » La Russie s’en servira probablement également pour demander sa réintégration ou vivra ses succès par procuration comme une revanche sur l’Occident décadent. Petit clin d’œil : avec le Kosovo et Israël comme adversaires, la Biélorussie complète une poule particulièrement marquée par les crispations géopolitiques. Le sport est désespérément politique. Il y aura bien d’autres considérations qui viendront hanter les bords du terrain d’un Euro qui se prépare alors que la guerre sévit sur le Vieux Continent. « Les hommes sur la ligne de front ont besoin de nos victoires », avait déclaré Oleksandr Petrakov, sélectionneur ukrainien. Une considération qui pourrait être vraie aussi de l’autre côté.
Par Nicolas Kssis-Martov
Propos de Jean-Baptiste Guégan recueillis par NKM.