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Ligue 1+ : des lendemains qui chantent, vraiment ?
Après une première journée de championnat, Ligue 1 + a parfaitement réussi son lancement. La chaîne a annoncé compter déjà 600 000 abonnés, mais il va maintenant falloir tenir sur la longueur car les maux du foot français sont encore loin d’avoir disparu.

« Positif. » Le mot est lâché d’emblée par Nicolas de Tavernost, directeur général de LFP Media, pour évoquer le départ de Ligue 1 +, dans un entretien accordé à L’Équipe et Le Parisien. Difficile de lui donner tort, le premier week-end de cette chaîne était encourageant, avec une diffusion sans (trop de) problèmes, des émissions qui ont le mérite d’exister par rapport aux dernières années, mais qui devront encore élever le niveau en termes d’expertise, et des nouveautés franchement rafraîchissantes : les interviews des deux entraîneurs avant la deuxième période, celle de l’arbitre Jérémie Pignard avant le coup d’envoi de Rennes-OM, la caméra embarquée dans les vestiaires ou encore les vidéos disponibles sur les réseaux sociaux (le temps du week-end, seulement). C’est peut-être ce qui a déjà séduit 600 000 personnes. Un chiffre impressionnant, qui fait sans doute désespérer les dirigeants de DAZN un an après leur fiasco commercial, mais qui ne doit pas laisser penser que le football français est enfin sauvé.
Les abonnés sont là, comment les garder ?
Ce ne sont pas les supporters de l’AC Ajaccio qui diront le contraire. Ils ont vu leur club déposer le bilan, lundi, après de longues semaines d’incertitude causée par une situation budgétaire alarmante, fruit d’une crise impitoyable dans l’ensemble de l’écosystème tricolore. Ligue 1 + est justement censé aider les clubs à remonter la pente et les acteurs ne s’y sont pas trompés en mettant toutes les choses de leur côté pour convaincre les Français de s’abonner. « À titre personnel, c’est la première fois que je mets la pression à tous mes proches pour qu’ils s’abonnent. Je pense que c’est une manière de supporter une équipe, mais aussi tout un écosystème. Dans le vestiaire, on est quelques-uns à avoir obligé les joueurs à s’abonner parce que c’est un enjeu très important. J’ai l’impression que ‘la vibe’ est en train de bien prendre », confiait Adrien Thomasson. Le Lensois a d’ailleurs joué le jeu avant le match contre l’OL (diffusé sur beIN Sports) en acceptant d’être interviewé une vingtaine de secondes au sortir de son échauffement.
C’est la promesse de @ligue1plus : une immersion au plus près des acteurs 👀#FCNPSG pic.twitter.com/Brb3pRVZ1R
— L1+ (@ligue1plus) August 17, 2025
Car pour que les clubs se redressent, il faut que tout le monde lève la tête. Culpabiliser le téléspectateur qui préfère regarder deux matchs de championnat par week-end via l’IPTV ou sur Telegram n’est pas suffisant. Il est essentiel que les entraîneurs continuent de s’exprimer à la mi-temps, même en cas de résultat défavorable, et que les vestiaires restent ouverts toute la saison. Si les arbitres pouvaient également se présenter davantage devant les micros et les consultants parler plus de jeu (d’un point de vue technico-tactique, parce qu’on avait déjà compris qu’Adil Rami et Souleymane Diawara venaient avec la principale mission de divertir), le contenu ne pourrait en tirer que des avantages.
« L’esprit que nous voulions donner à Ligue 1 + a été parfaitement respecté. (…) Ce n’est qu’un début. Les innovations vont se poursuivre. Nous allons par exemple essayer prochainement de connecter l’ensemble des caméras dans un stade aux réseaux sociaux pour proposer les images qui ne sont pas vues à la télé. Cette immersion dans le bureau des arbitres, les vestiaires, pour les échauffements, va se poursuivre et s’intensifier. Ces innovations sont au bénéfice du football en général et de chaque club en particulier. Les clubs vont continuer à s’ouvrir car c’est leur chaîne. Le public a aussi compris que Ligue 1 + n’est pas simplement une nouvelle antenne, mais un esprit nouveau pour le foot pro. Les gens se sont appropriés cette chaîne. Ils ont compris qu’il valait mieux s’abonner avec ces tarifs préférentiels que de tenter de pirater », a annoncé Nicolas de Tavernost, laissant entrevoir une saison intrigante.
L’horizon flou des droits TV
Il faudra tout de même régler d’autres soucis, pas inhérents à la chaîne, mais toujours liés à l’interminable feuilleton des droits TV. Le directeur général de LFP Media assure que les clubs sont derrière ce projet, mais jusqu’à quand ? En effet, les détails de ce que leur rapportera Ligue 1 + sont encore flous et il n’est pas dit qu’un nouveau putsch soit organisé dans les prochains mois par quelques dirigeants mécontents. « On a beaucoup d’ennemis », nous glissait-on par exemple ce week-end. Dans son interview au Parisien, Nicolas de Tavernost a bien tenté de distiller quelques chiffres rassurants : « Dans les revenus, il y a l’indemnité DAZN cette année, on a quand même 85 millions d’euros qui tombent en cash dans les caisses des clubs » ; le match diffusé par beIN Sports « même s’il n’est payé que partiellement pour le moment, c’est 78,5 millions » ; les propres revenus de Ligue 1 +, qui sont estimés « grosso modo 170 millions d’euros, auxquels il faudra retirer les coûts de production, etc. Il restera 120 millions, donc ça fait quand même des revenus ». Les prélèvements au bénéfice de la FFF, au bénéfice de la taxe Buffet et de CVC sont encore attendus, ce qui oblige les clubs à patienter, après un été passé, pour certains, à compter chaque pièce.
Si Ligue 1 + se gargarise de ses premiers pas, Canal + et beIN Sports continuent leur bras de fer avec la LFP. Le diffuseur historique du championnat de France campe sur ses positions en misant sur la politique de la chaise vide, tout en semblant mettre quelques bâtons dans les roues de ses anciens protégés, avec, notamment, la diffusion en clair du match d’ouverture de Premier League, Liverpool-Bounemouth, en même temps que celui de la Ligue 1, Rennes-OM, ou celle du documentaire consacré à Samir Nasri, le 31 août prochain, alors que les Marseillais seront opposés à l’OL ce soir-là.
Selon les informations de L’Équipe, l’accord entre LFP Media et Canal + n’a pas pu être finalisé à cause du contentieux judiciaire entre la Ligue et la chaîne. De son côté, la chaîne qatarie refuse de payer l’intégralité du montant. La dernière raison en date est l’obligation de ne pas programmer deux fois de suite le même club lors du seul créneau pris par le diffuseur, celui du samedi après-midi. En somme, impossible de ne tourner que sur les rencontres de Paris, Marseille et Lyon durant l’intégralité de la saison. Ces quatre millions d’euros vont-ils arriver un jour ? La suite au prochain épisode.
Les Monuments Men de l’AC AjaccioPar Enzo Leanni