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La chaîne de la Ligue 1 : une révolution et beaucoup de questions
Alors que la LFP vient d’annoncer le lancement d’une plateforme 100% Ligue 1, les clubs et le football français vont tenter un grand saut dans l’inconnu. Si ce projet est nourri par de bonnes idées, il n’en reste pas moins qu’il y a encore de grandes zones d’ombre.

Le 14 juillet 2024, un président de Ligue 1, « l’un des rares, sinon le seul, propriétaire de club à avoir construit sa richesse sur des technologies liées au divertissement, la distribution de contenu numérique, le streaming OTT, la réalité virtuelle, les médias de jeux vidéo et les plateformes de télévision/multidiffusion », signait déjà un communiqué en faveur de la création d’une plateforme 100% Ligue 1. Il y expliquait notamment que « DAZN et Bein ont construit des modèles commerciaux traditionnels qui seront obsolètes au moment où leurs contrats proposés expireront ». Selon lui, la Ligue aurait dû profiter du marasme des droits TV « comme d’une opportunité d’innover et de construire une plateforme qui répond aux attentes de nos consommateurs aujourd’hui et pour demain ». Ce discours sensé et avant-gardiste, on le doit à l’immense John Textor, qui ne peut aujourd’hui qu’observer de loin le lancement officiel du projet d’une plateforme exclusivement dédiée à la diffusion du championnat de France.
Un saut dans le vide
Arrivé à la tête de LFP Media (la filiale commerciale de la Ligue) il y a à peine deux mois, Nicolas de Tavernost n’a pas chômé. L’ancien patron de M6 a réussi à trouver une issue à l’imbroglio avec DAZN, qui vient de verser les 70 derniers millions d’euros qu’il doit, et qui s’apprête à virer 85 millions supplémentaires en guise de dédommagement pour la rupture prématurée du contrat. Et il vient de piloter, pour l’instant avec succès, la naissance de la plateforme 100% Ligue 1, tant attendue. Le programme est prometteur : « La plateforme diffusera dès la reprise du championnat le 15 août prochain les dix plus belles affiches de la saison, huit matchs en direct en exclusivité chaque journée du vendredi au dimanche, accompagnés d’un grand magazine disponible – proposé en clair – le dimanche soir », a assuré la LFP dans son communiqué. Le tout pour un prix fixé à 14,99 euros par mois avec engagement, et potentiellement avec une offre à moins de 10 euros pour les moins de 26 ans. Loin donc de l’offre de lancement à 40 euros de DAZN il y a un an. On passe du prix d’un bon restaurant, cher à Laurent Nicollin, à celui d’un McDo bien généreux.
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— Ligue 1 McDonald's (@Ligue1) July 1, 2025
Dans une interview parue dans les colonnes de L’Équipe ce mercredi, De Tavernost affirme qu’il y aura une rupture avec l’aspect low cost des plateaux de DAZN : « On mettra les moyens pour avoir un produit de qualité. Nous souhaitons des experts et des présentateurs performants. L’enjeu est important. Les clubs sont derrière nous et on va beaucoup s’appuyer sur eux. Il y a une charte média en cours d’élaboration pour faire davantage de choses avec les clubs. » Tout cela est bien beau, mais il y a encore de grandes zones de flou concernant ce concept, novateur au sein des cinq grands championnats. Déjà, il y a le montant des droits TV. La saison prochaine, les clubs ne pourront se partager que les 78,5 millions annuels de Bein Sports pour le match du samedi après-midi, et les 85 millions de dédommagement de DAZN. Soit 163,5 millions d’euros pour 18 clubs. « Il y aura certainement deux années difficiles », a averti De Tavernost.
Comme je l’ai dit au président d’un club plus important : “(3 millions d’euros), c’est la jambe gauche d’un de tes joueurs. Mais on n’a pas de quoi se payer la jambe droite.’’
« Pour le SCO, on a seulement 3 millions d’euros de droits télé assurés dans notre budget. Comme je l’ai dit au président d’un club plus important : “(3 millions d’euros), c’est la jambe gauche d’un de tes joueurs. Mais on n’a pas de quoi se payer la jambe droite’’ », a précisé Saïd Chabane, le propriétaire d’Angers, dans L’Équipe. Les clubs devront également faire sans Canal+, qui a annoncé « jeter l’éponge », et qui ne distribuera même pas cette nouvelle plateforme, disponible chez tous ses concurrents (Orange, SFR, Bouygues, Free, etc.). D’après le patron de LFP Media, la chaîne cryptée n’était prête qu’à garantir 100 millions d’euros par an pour une diffusion privilégiée. Trop peu selon lui, qui assure qu’« il ne peut pas y avoir 490 millions d’euros pour la Ligue des champions d’un côté et 100 millions d’euros seulement pour la L1 ». Mais les dirigeants de Ligue 1 veulent toujours croire au retour de Canal : « La saison prochaine, ce sera plus mûr, et je suis persuadé que nous pourrons trouver un accord », a estimé Pierre Ferracci, le président du Paris FC.
Cette absence est un sacré contretemps pour l’objectif fixé à un million d’abonnés la première année. Un autre bémol est l’affiche toujours détenue par Bein Sports, et qui devrait certainement y rester encore pour une saison. La plateforme 100% Ligue 1 ne diffusera donc que huit matchs sur neuf en direct chaque week-end. Et puis tout simplement, ce pari ressemble à un grand saut dans le vide, jamais tenté de la part d’un championnat majeur. « Cette solution a été adoptée avec efficacité aux Pays-Bas et a considérablement valorisé les droits du championnat néerlandais », a tout de même rassuré De Tavernost, qui estime que ce challenge le « rajeunit ». Attention, parce que ça pourrait avoir l’effet inverse.
Ce que les Bleues ont gagnéPar Léo Tourbe