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Deschamps : on ne prend pas exactement les mêmes et on recommence
Depuis le siège de la FFF et pour sa première conférence de presse en 2023, Didier Deschamps s'est lancé dans une mission de déminage. Benzema, Le Graët, Diacre : tout a été soigneusement éteint par le maître en la matière, bien qu'il apparaisse plus isolé que jamais.
Quel sortilège a bien pu lancer Emiliano Martínez à Deschamps et son cercle proche ? En détournant l’ultime frappe de Randal Kolo Muani et en faisant dérailler les Français lors de la séance de tirs au but de la finale de Coupe du monde, le gardien argentin a fait plus que priver les Bleus d’une troisième étoile : il semble avoir fait éclater pas mal de totems d’immunité et d’invincibilité. Depuis cette soirée dohanaise, un moment « pas anodin », qui « a marqué beaucoup de personnes » et dont il « faut se nourrir, même si on ne vit pas avec le passé », selon le général tricolore, plusieurs de ses certitudes se sont volatilisées. Cette fameuse gagne déjà, mais aussi plusieurs cadres partis à la retraite, un président de fédération avec lequel le sélectionneur semblait avoir scellé un pacte indéfectible, une directrice générale encombrante, les derniers espoirs de voir sa relation avec Karim Benzema se normaliser et une forme d’impunité qui pouvait durer tout le temps que les sacro-saints résultats pouvaient suivre. Trois mois plus tard, de retour sur le plancher des vaches, Didier Deschamps peut faire un rapide tour d’horizon : il ne lui reste autour de lui que son palmarès, un staff encore fidèle, cinq champions du monde dans la liste (Areola, Pavard, Giroud, Griezmann et Mbappé) et une langue de bois, toujours bien accrochée.
Comm’ de crise, niveau 23
Une fois rendu l’hommage à un dirigeant disparu pour de vrai – Claude Simonet, décédé mardi à l’âge de 92 ans, avec qui Deschamps a eu « le privilège de partager dans [sa] première vie des moments inoubliables » dont le titre mondial de 1998 –, une fois listés les 23 noms qui l’accompagneront dans l’écriture d’une nouvelle page internationale, le boss des Bleus a passé son temps à slalomer entre les questions qui fâchent. Le premier sujet explosif à être posé sur la table : le cas Benzema. Une passe d’armes par médias ou réseaux sociaux interposés se joue entre les deux protagonistes, à propos de l’histoire de son départ en pleine nuit du Qatar une fois le forfait du Nueve acté, et dans laquelle le Basque est présenté par ce dernier comme un clown et/ou un menteur. Ce à quoi Didier Deschamps a répondu « très tranquillement », mais non sans crispation : « Je sais que c’est un sujet qui vous intéresse, qui peut mener à des débats et des polémiques. J’ai eu à m’exprimer dernièrement pour dire ce qu’il s’était passé. C’est un sujet qui pour moi est clos. […] Pour moi ce qui est important, c’est ce qui est devant nous, c’est l’avenir et ces deux matchs qui nous attendent avec les 23 joueurs appelés aujourd’hui. » Une relance sur les conséquences que cela pourrait avoir sur l’institution bleue ? « Des perturbations, on en a connu, il y en a toujours eu, mais vous n’aurez pas un mot de plus de ma part. »
On passe à la suite ? Le Stade de France qui pourrait être vendu. « Oh bah tiens, je m’étais préparé à tout, mais à celle-là un peu moins », rougit Deschamps, invité à enfiler sa casquette de trésorier. « Ce stade représente beaucoup de choses, mais dans le fonctionnement et l’intérêt des uns et des autres… Je sais qu’on m’octroie des pouvoirs de décision là où je ne mets même pas le petit doigt, que voulez-vous que je vous dise. Je ne m’occupe pas de tout ça. » Alors le rabibochage avec Benjamin Pavard, qui avait traversé un drôle de Mondial et présent dans cette liste, il y est peut-être pour quelque chose ? « On en a beaucoup discuté avant, pendant et après la Coupe du monde. On ne va pas y revenir, ça appartient déjà au passé. Moi je sais, lui il sait, donc l’important est ce qu’il y a devant. » Next.
Grincer au rideau
Next ? Il faut attendre la toute fin de la conférence de presse pour tomber sur les deux sujets épineux, abordés comme autant de boss finaux : Noël Le Graët et Corinne Diacre, deux noms rayés des listes fédérales ces dernières semaines. Concernant le départ du magnat guingampais et le changement de gouvernance : « Je n’appréhende pas [la suite] mais, le maître mot, je m’adapte. Il y a un fonctionnement qui peut être différent, même si j’ai évidemment discuté à plusieurs reprises avec le président Philippe Diallo. On a un intérêt commun, celui que l’équipe de France marche bien. Ce n’est pas quelque chose de négatif qui me pèse : je prends acte et je m’adapte. » Au moment d’un dernier « pas de côté » pour évoquer la fronde des joueuses responsable de l’éviction de son homologue à la tête des Bleues, c’est un « aïe aïe aïe » qui lui échappe spontanément. « Ah vous ne m’épargnez rien ! Je n’ai pas envie d’en rire, il faut que je pèse chacun de mes mots, déjà que je n’ai pas les tenants et les aboutissants. Je ne parlerai pas de la décision, mais il y a le fond et la forme. En tant que sélectionneur et entraîneur, sur la forme, ça me gêne. Je ne vais pas en dire plus, mais vous m’avez compris. » Garder la face, coûte que coûte, avant que le terrain reprenne ses droits, voilà tout le défi du premier entraîneur de France. Et dès le prochain coup d’envoi (contre les Pays-Bas, le vendredi 24 mars à 20h45), les mots « résultats », « expérience » et « performance » pourront reprendre leur fonction de paratonnerre.
Par Mathieu Rollinger
Propos de Deschamps recueillis en conférence de presse par MR.