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L'équipe de France tourne la page Diacre dans la douleur

Par Anna Carreau
Diacre excommuniée

Un peu moins de six ans après sa nomination à la tête de l'équipe de France, Corinne Diacre quitte son poste de sélectionneuse à la suite d'un putsch réussi de certaines de ses cadres. N'ayant ni garni l'armoire à trophées ni marqué les Bleues de son empreinte, l'ancienne de Clermont s'en va au gré d'une ultime polémique.

Étaient-ce déjà les fantômes de Corinne Diacre qui planaient au-dessus de Wendie Renard et d’Amandine Henry ce week-end lors du quart de finale de Coupe de France face à Reims, quand l’une a totalement manqué son pénalty et l’autre est sortie blessée au genou ? Les deux leaders, chacune à leur époque, de ce conflit ouvert avec Corinne Diacre, peuvent au moins se satisfaire ce jeudi d’avoir été entendues concernant l’avenir de leur sélectionneuse et de son staff. Bien que celui-ci ait officiellement été décidé par le comex, l’accumulation de polémiques au gré de ses six années bleues n’a sans doute pas joué en sa faveur au moment de juger le coût/bénéfice d’un licenciement à moins de cinq mois d’une Coupe du monde. Une page se tourne pour l’équipe de France, qui a traversé avec Corinne Diacre l’une des périodes les plus décisives du football féminin mondial sans que cela n’ait le moindre impact sur la discipline au sein de l’Hexagone.

« Gagner un titre avec cette sélectionneuse me paraît impossible »

Venant prendre la relève d’Olivier Echouafni, celle qui était devenue quelques années plus tôt la première Française à diriger une équipe masculine a pris les rênes de la sélection tricolore le 30 août 2017, après avoir refusé le poste un an plus tôt. Prenant part à ce phénomène qui veut que des entraîneurs moyens chez les hommes auraient le droit à une seconde chance chez les femmes, Corinne Diacre ne comptait alors que deux expériences sur un banc, l’une réussie à Soyaux avec deux montées (et une descente) en D1 Arkema, l’autre un peu plus mitigée à Clermont, où elle n’a pas fait mieux qu’une 7e place en Ligue 2. Tout juste arrivée à Clairefontaine, la néosélectionneuse avait fait un choix fracassant, qui ne sera finalement qu’un parmi tant d’autres durant presque six années, en retirant à Wendie Renard le brassard de capitaine qu’elle portait depuis trois ans. « À Lyon, tu te balades, le niveau est facile, en Coupe d’Europe aussi, mais le niveau international, tu ne l’as pas encore franchi », lui aurait alors dit la nouvelle cheffe du football féminin français, dans un appel téléphonique expéditif de moins de cinq minutes. Une marque de fabrique pour la suite. 

Le passage de Corinne Diacre sur le banc tricolore ne s’écrira ensuite qu’à coups de conflits ouverts avec certaines cadres, devenues parias de la sélection sans que la FFF n’y voie le moindre problème. Après l’échec lors du Mondial 2019 ayant eu lieu en France, Eugénie Le Sommer est pointée du doigt comme étant LA responsable de l’élimination prématurée en quarts de finale, n’ayant soi-disant pas respecté le schéma tactique fixé par sa boss. La sélectionneuse semble même en vouloir à un club en particulier, l’OL, qui l’avait éconduite par le passé pour le poste de coach. Elle s’empresse d’ailleurs d’accuser les Lyonnaises de ne pas avoir « optimisé leurs temps de récupération ». Après des réunions infructueuses avec celles-ci, Diacre se met en plus à dos Wendie Renard, Amandine Henry et Sarah Bouhaddi, qui déjà en 2020 se met en retrait des Bleues sur cette déclaration visionnaire : « Je ne regrette pas d’arrêter, car gagner un titre avec cette sélectionneuse me paraît impossible. On vit dans un climat très négatif. Je peux mettre mes deux mains à couper que l’équipe de France ne gagnera pas l’Euro si Corinne Diacre reste. »

Des crises à répétition 

Deux semaines plus tard, Amandine Henry, tout juste sacrée championne d’Europe pour la sixième fois, reçoit alors un coup de fil lapidaire de « 14-15 secondes » de la part de Diacre qui lui annonce qu’elle ne fera pas partie de la prochaine liste, « en raison de ses performances actuelles ». Ç’en est trop pour celle qui était devenue capitaine des Bleues entre-temps et qui, dans ce cadre, avait fait remonter quelques problèmes de management. « Je voyais des filles pleurer dans leur chambre, moi je pleurais dans ma chambre, raconte la milieu de terrain dans une interview pour Canal+. Ça a été un chaos total. C’est le ressenti de la majorité de l’équipe. Certaines filles n’osent pas parler. Il y a de la crainte. […] Je les comprends. J’ai 31 ans, je suis capitaine, si je ne parle pas, qui va parler ? » Les joueuses de l’OL peuvent tout de même compter sur le soutien de leur président Jean-Michel Aulas, estimant que Corinne Diacre « est sortie du cadre institutionnel et professionnel » : « Vous vous rendez compte si des gens de l’OL avaient dit publiquement ce qu’ils savent de ce qu’il s’est passé durant cette préparation en équipe de France ? »

Tandis que la presse se fait l’écho d’un management « presque militaire », que Reynald Pedros, ancien entraîneur de l’OL, explique que ses joueuses vont en équipe de France « par obligation, pas par plaisir, mais avec la boule au ventre », celle qui est surnommée « Attila » ne voit qu’une « minorité » de joueuses se plaignant et rétorque : « J’ai un poste qui fait des jaloux et qui fait rêver ! C’est de bonne guerre ! » Malgré les demandes répétées de Jean-Michel Aulas et certaines joueuses d’une « réunion au sommet de toute l’équipe, la sélectionneuse et le président de la FFF, Noël Le Graët, pour repartir du bon pied », le boss de la 3F préfère l’option « aller droit dans le mur », menace brandie par le président de l’OL. « Aucun match perdu, voilà ce que je retiens. Donc elles peuvent se tirer les cheveux, ça m’est égal », répondait Noël Le Graët après avoir prolongé unilatéralement sa sélectionneuse. Et même si les résultats sportifs ne sont pas si bons qu’un simple bilan comptable entre victoires et défaites.

Un palmarès vierge avec une génération dorée

Durant ses six années à la tête de la sélection, Corinne Diacre aura vu passer entre ses mains le gratin du football féminin mondial : entre 2017 et 2023, l’OL a remporté quatre Ligue des champions, porté par un XI majoritairement tricolore, alignant notamment Sarah Bouhaddi, Wendie Renard, Griedge Mbock, Amel Majri, Amandine Henry, Delphine Cascarino, Selma Bacha et Eugénie Le Sommer. Avant l’arrivée sur le banc de l’ancienne manager, la France pointait à la 3e place du classement FIFA, derrière les États-Unis et l’Allemagne. L’ancienne de Clermont avait donc de l’or entre les mains et un groupe majoritairement issu de la locomotive française du football féminin qu’est l’Olympique lyonnais, se connaissant donc déjà très bien sur le terrain. Les joueuses lyonnaises sont pourtant les premiers boucs émissaires de Corinne Diacre à l’aube d’une Coupe du monde 2019 ratée où la France se fait sortir dès les quarts par les Américaines à domicile (défaite 2-1). Une compétition qui était pourtant l’objectif même de la nomination de la nouvelle boss en 2017. 

« On ne peut pas dire qu’on a eu un collectif performant, constatait-elle dans une interview au Parisien. Ça veut donc dire que nos individualités n’ont pas été performantes. » La sélectionneuse campe sur ses positions : elle a une part de responsabilité oui, mais ne regrette ni ses choix ni sa méthode. Et tant pis si une première tentative de putsch au sein de l’équipe de France intervient juste après le Mondial pour dénoncer justement ces deux mêmes points. Faute d’unité et entravées par les interventions successives de Noël Le Graët et Corinne Diacre, la contestation échoue, et les Bleues se projettent donc sur l’Euro 2021 dans un contexte morose. Décalé d’un an en raison de la pandémie, celui-ci ne sera pas plus une réussite pour l’équipe de France. Éliminé aux portes de la finale par l’Allemagne (défaite 2-1), le groupe de Diacre peut au moins se targuer d’avoir brisé ce fameux « plafond de verre » qui bloquait systématiquement la France en quarts de finale. Mais pour une génération dorée qui atteint les 30 balais sans avoir remporté le moindre trophée international, ce n’est pas suffisant. « On voulait aller à Wembley, c’est forcément de la déception, avouait Renard après cette défaite. Il y a de la frustration de ne pas passer, il y avait la place. Que tu arrêtes en quarts ou en demies, ça ne change rien, l’objectif est de gagner. »

La nécessité de changement

La Martiniquaise, qui avait déclaré quelques semaines plus tôt ne pas vouloir être « championne du monde des amicaux », ne compte en effet que des trophées en bois avec les Bleues : le fameux Trophée de France, tournoi amical de prestige remporté en 2020, 2022 et 2023 par la France. Mais même dans son domaine de prédilection, l’équipe de Diacre est remise en cause. En octobre dernier, l’EDF enchaîne deux défaites lors d’amicaux contre l’Allemagne (1-2) puis la Suède (0-3), affichant au grand jour les carences d’une équipe de France n’ayant jamais pris le pli d’un football féminin international se professionnalisant de jour en jour. « Je n’ai pas d’explication, disait Renard, très touchée après la gifle contre les Suédoises. Ça fait longtemps qu’on n’avait pas fait ce genre de prestation. Ce n’est pas possible. Ça doit alerter. » Jamais entendue ni comprise par son supérieur Noël Le Graët, qui maintient en poste coûte que coûte une sélectionneuse au palmarès vierge, la capitaine des Bleues a donc vu comme unique solution un retrait fracassant.

Les échecs sportifs s’expliquent peu à peu aujourd’hui, RMC Sport et L’Équipe se faisant l’écho d’un manque de travail à l’entraînement : des séances pas forcément préparées, des schémas tactiques mal anticipés, des refus de rab d’exercices devant le but aux attaquantes, des séances vidéo légères voire inexistantes… Le staff lui s’est séparé de quelques éléments au fur et à mesure des saisons, n’étant jamais remplacés. Aujourd’hui celui-ci ne compte que trois personnes : Corinne Diacre, Gilles Fouache, entraîneur adjoint en charge des gardiennes de but, et Anthony Grech-Angelini en charge de la prépa physique. Dans des pays ayant pris le virage enclenché par le football féminin international, et avec succès, ils sont trois à quatre fois plus nombreux à encadrer leurs joueuses. « Quand on est en équipe de France, on se doit d’atteindre le très haut niveau, rappelle Wendie Renard au micro de RMC. Le très haut niveau, c’est quand tu affrontes des joueuses de classe mondiale. Dans tout ce que tu fais, tu dois amener de l’exigence, dans tout ce que tu fais tu dois être performante. » Aujourd’hui déclassée au 5e rang du classement FIFA, la FFF va devoir s’appuyer sur ses joueuses expérimentées ayant tout gagné à l’échelle européenne avec leur club pour fixer un cadre propice à la performance, y compris en équipe de France. Le départ de Corinne Diacre semble être la première pierre d’un chantier qui se doit d’être réussi, sans quoi nos voisins européens rattraperont tous l’avance qu’avait initialement le football féminin français.

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