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Comment je suis tombé·e amoureux·se de...

Par Léna Bernard, Anna Carreau et Matthieu Darbas

Parfois, il suffit d'une action pour tomber amoureux d'une joueuse. En voilà trois qui nous ont tapé dans l'œil après la première journée de la Coupe du monde féminine : Melchie Dumornay (Haïti), Ary Borges (Brésil) et Chiamaka Nnadozie (Nigéria)

Comment je suis tombé·e amoureux·se de...

Melchie Dumornay (Haïti)

L’action qui nous a fait succomber :

L’ensemble de son match face à l’Angleterre a été un récital malgré la défaite des Grenadières sur le plus petit des scores. Mais s’il ne fallait sauver qu’une seule action, ce serait sa récupération de balle à la 80e dans sa moitié de terrain et le caviar en profondeur délivré pour Nérilia Mondésir, une action qui aurait pu permettre à Haïti d’accrocher les Anglaises si Mary Frohms ne s’était pas imposée face à Roseline Eloissaint. Les Three Lionesses ont eu les plus grandes peines à repartir avec la victoire du Suncorp Stadium de Brisbane. Cette action n’aurait pas pu avoir lieu si cinq mois auparavant, la Néo-Lyonnaise de 19 ans n’avait pas éclaboussé de son talent le barrage qualificatif au Mondial face au Chili : 90 minutes et deux buts dans la musette pour permettre aux Grenadières de participer à leur première Coupe du monde. A star is born.

Pourquoi elle est si captivante ?

Parce qu’elle est capable de performer dans tous les secteurs du jeu et qu’il s’agit d’une joueuse complète. Milieu de terrain sur le papier capable de franchir la barre des 20 buts par saison, elle parvient du haut de son mètre 57 à allier physique et technique pour faire danser les défenses adverses au cours de ce Mondial. Une pépite déjà convoitée par les plus grandes écuries européennes et américaines, mais qui a décidé d’écrire la suite de sa carrière du côté du Rhône et de l’Olympique lyonnais.

Et elle vient d’où ?

Mirebalais, à 55 kilomètres de la capitale Port-au-Prince, au cœur des terres haïtiennes. C’est pourtant en France, avec le Stade de Reims, qu’elle est parvenue à se faire un nom sur la scène du football mondial. Révélation de l’année en D1 Arkema cette saison grâce à ses 23 buts en 39 matchs du côté de la Champagne. Une région qu’elle a rejointe en 2021, les bougies de son 18e gâteau d’anniversaire à peine soufflées en provenance de l’AS Tigresses, son club formateur. Véritable idole en Haïti, celle que ses camarades ont surnommée dès l’enfance « Corventina » n’a cessé de faire parler de ses capacités déjà en catégories jeunes. Elle s’est déjà adjugé le soulier d’or du Tournoi Concacaf U20 en 2020, le trophée de meilleure joueuse de ce même tournoi en 2018, mais avec la sélection U17 cette fois et donc celui de révélation de la saison 2022-2023 de D1 Arkema. Celle qui ambitionne un jour d’être la meilleure joueuse du monde a déjà l’occasion de marquer l’histoire de sa sélection en cas de qualification pour le prochain tour de la compétition. Pour cela, il va falloir se débarrasser de la Chine et du Danemark.


Ary Borges (Brésil)

L’action qui nous a fait fondre :

Après une entame de match 100% réussie, le Brésil ouvre enfin la marque face au Panama. Au second poteau, Ary Borges réceptionne un très bon centre brossé de Debinha et pousse simplement de la tête. La numéro 17 brésilienne, 23 ans au compteur, fond en larmes : elle vient d’inscrire son premier but en Coupe du monde, le premier de la Seleção dans l’édition océanienne. Celle qui a marqué presque un but par match la saison passée avec Palmeiras va même signer un triplé face au Panama auquel elle ajoute une passe décisive presque plus belle que son triplé. À la conclusion d’une action collective digne du City de Guardiola, Ary va contrôler un centre qui lui arrive pleine balle de la gauche et remettre en retrait d’une talonnade pour Zaneratto dans son dos.

Pourquoi elle est si incroyable ?

Parce qu’en plus de pleurer à chaudes larmes avant d’être écrasée par toutes ses coéquipières, Ary Borges est une adepte de la célébration cœur avec les doigts comme Florian Thauvin, à laquelle elle ajoute quelques petits pas de danse. Et puis quand tu démarres ton premier Mondial en te classant meilleure buteuse après seulement un match, en devenant la première joueuse depuis 2015 à marquer un triplé lors de ta première rencontre en Coupe du monde et la première Brésilienne à réaliser un tel exploit, tu entres dans un cercle restreint qui ne peut que t’obliger à faire mieux. D’autant que si on la regarde bien de profil, l’attaquante du Racing Louisville ressemble étonnamment à… Ronaldinho. Mêmes yeux, même visage et même vista quand on la voit tenter un retourné ou enchaîner un double contact dans la surface. Ary Borges, c’est le Brésil.

Et elle vient d’où ?

La native de São Luís do Maranhão a une histoire similaire à ceux des gamins du Nordeste, dont les parents doivent bien souvent abandonner le domicile familial pour bosser à São Paulo et pouvoir nourrir les bambins élevés par les grands-parents. Pour Ary Borges, c’est « Dona Lindalva », mamie qui tolère qu’elle aille taper dans un ballon derrière la maison une fois les devoirs finis. Dans une tribune pour The Players Tribune, Ary raconte ces parties jouées parce que le tonton est gardien du stade ou celles qui finissent sur la plage, quand la marée n’est pas trop haute. « Le football m’a permis de retrouver mes parents », raconte celle qui se bat pour la moindre cause sociétale au Brésil et qui a ouvertement fêté la victoire de Lula lors des dernières élections. Poussée par son amour du ballon, elle rejoint ses parents à São Paulo, où elle tâte le cuir au milieu des garçons, son père étant même obligé de signer une décharge pour ne pas engager de poursuites en cas de blessure. Rentrant ensuite dans le rang d’un football féminin brésilien en plein développement, elle découvre la Seleção la boule au ventre en septembre 2020, lorsque le Brésil sous cloche à cause du Covid ne sélectionne que des joueuses locales. « Lorsque j’ai été appelée pour la première fois, mon père pleurait et ma mère disait : “Ariadina, ma fille, prends une photo avec Marta ! N’oublie pas de prendre une photo avec Marta !” Et je n’ai pas pu. Je n’avais pas le courage de demander. » Ce lundi, après avoir inscrit son triplé, elle a été autorisée à sortir durant le dernier quart d’heure afin de reprendre des forces pour la suite de la compétition. Qui l’a remplacée ? Marta, évidemment.


Chiamaka Nnadozie (Nigeria)

L’action qui nous a fait vriller :

Voler la vedette, c’est bien. Voler la vedette à une légende, c’est mieux. Mais voler la vedette à une légende à deux doigts de rentrer dans l’histoire de son sport, c’est stupéfiant. Voilà très exactement ce qu’a réalisé la gardienne Chiamaka Nnadozie, star de la partie lors de l’entrée en lice réussie du Nigeria face au Canada vendredi dernier (0-0). Une poignée de minutes après le retour des vestiaires, la capitaine et légende canadienne Christine Sinclair tombe dans la surface après une intervention tardive de Francisca Ordega. À la 50e minute de jeu, la numéro 12 à la tunique rouge et blanc décide de se faire justice elle-même. Et celle qui dispute sa sixième Coupe du monde, record codétenu avec la Brésilienne Marta, aurait pu devenir la première joueuse de l’histoire à marquer dans six éditions du plus beau tournoi du monde. Manqué. L’excellente Nnadozie, pensionnaire du Paris FC, plonge du bon côté et sort ce penalty. Deux-trois parades dans le jeu plus tard, et elle tiendra son clean sheet jusqu’au bout. Super Super Falcon.

Pourquoi elle est si envoûtante ?

« C’est un arrêt incroyable, et une gardienne incroyable ! » Cette phrase vient de la bouche de son homologue canadienne, Kailen Sheridan, de l’autre côté du rectangle vert lors de la rencontre. Réputée pour son niveau de jeu, la Nigériane a aussi fait parler d’elle pour sa détermination. Elle racontait notamment dans les colonnes du Parisien il y a un peu plus d’un an : « Chez nous, au Nigeria, et aussi en Afrique, beaucoup de gens pensent que les filles ne peuvent pas réussir dans le foot. Un jour, mon père m’a même dit : “Le foot, ce n’est pas pour les filles”… » Après avoir vu sa fille réaliser une telle performance au plus haut niveau, papa a sûrement dû retourner sa veste.

Et elle vient d’où ?

Né à Orlu, Chiamaka Nnadozie fait ses débuts dans le plus grand club féminin du pays : les Rivers Angels, situés non loin de là, à Port Harcourt, une des plus grandes villes du sud du Nigeria. Ses débuts seront vite remarqués puisqu’elle disputera le Mondial U17 avec le Nigeria en 2016, puis le Mondial U20 en 2018. Des efforts encore une fois payants puisqu’elle connaît la même année sa première sélection avec l’équipe première. Un an plus tard, elle passe devant tout le monde dans la hiérarchie et devient le dernier rempart des Super Falcons lors du Mondial organisé en France. Le meilleur moment pour se faire remarquer. Celle qui aime bien griller les priorités s’engage au Paris FC à l’hiver 2020 où elle s’impose vite comme titulaire. Elle n’a depuis plus perdu sa place. « À son âge (22 ans, NDLR), c’est tout simplement l’une des meilleures au monde. Même si elle doit encore progresser », a même confié en janvier 2021 sa coach Sandrine Soubeyrand au micro de RFI. Liée au club parisien jusqu’en 2025, Nnadozie pourrait ne pas aller au bout de son bail si elle continue d’impressionner son monde. Ce n’est en tout cas pas en arrêtant des penaltys de Christine Sinclair que la hype risque de se calmer.

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