Évidemment, il y avait d'autres poissons plus coriaces sur le plateau de la Ligue Europa : le champion en titre Séville, des cadors construits pour la C1 (Roma, Napoli, Ajax, Zénith), quelques belles équipes (Villarreal, Fiorentina) ou encore Everton, Beşiktaş ou le Dynamo Kiev. Mais il y avait aussi moins effrayant que l'Inter de Roberto Mancini, de Bruges au Dnipro, en passant par le Torino. Alors, pourquoi l'Inter ? En pleine confiance, les Allemands voulaient certainement la tête des Nerazzurri pour la distance actuelle entre la richesse de son histoire et la pauvreté de son présent. En clair, se payer la tête d'un grand sans avoir à affronter sa grandeur. Sauf que…
Revanche italienne
Sauf que l'arrogance n'a jamais vraiment réussi aux Allemands. Et la suffisance, encore moins. Combien de fois dans l'histoire les Allemands se sont-ils présentés face aux Italiens avec les pectoraux gonflés à bloc et la tête déjà qualifiée ou championne ? Oui, on a déjà vu les Allemands faire les fanfarons et se faire sortir par des Italiens qui n'avaient pas l'air très malins. Mais après le légendaire 3-4 perdu en 1970 à Mexico, après le 1-3 de la finale du Mondial espagnol en 1982, après l'élimination inattendue à Dortmund, à la maison, en prolongation, en 2006, la leçon n'a jamais été apprise. Même la demi-finale de l'Euro 2012 à Varsovie, cette fois où l'Italie s'était présentée avec Balzaretti en arrière droit, cette fois où l'Allemagne s'autoproclamait meilleure équipe du monde, cette fois où l'Allemagne ne voulait se mesurer qu'avec l'Espagne et snobait la paire Balotelli-Cassano, même cette fois-ci, ça n'a pas suffi.
Car après toutes ces défaites et ces leçons, après toutes ces violentes redescentes sur terre, les grands Allemands chantent encore avec fierté le fameux « rentre chez toi avec tes pizzas ! » quand un petit Italien brun et moustachu sonne à sa porte pour lui proposer un match. Cette fois, il s'agit de club. Mais ça ne change rien. En 2011, le Bayern de Van Gaal affronte l'Inter de Leonardo en huitième de finale de C1. Après avoir gagné l'aller 0-1 sur un but de Mario Gómez à la dernière minute, Bild n'avait pas hésité à titrer « Revanche ! » Uli Hoeness avait alors renchéri : « Nous avons confiance en nous et nous n'avons pas à le cacher. Nous sommes convaincus que nous allons nous qualifier » . Louis van Gaal possède aussi un savoir-faire en la matière : « Ils ont joué comme lors de la finale de l'an dernier à Madrid, et nous avons encore été supérieurs à eux. La différence, c'est que cette fois-ci, on a marqué. » L'Inter, avec pour seules armes Eto'o et Sneijder, renversait le retour à l'Allianz Arena en transformant Goran Pandev en héros : 2-3. Une leçon de plus oubliée.
Une confiance fondée ?
Mais nous sommes en 2015, et le football allemand, aussi bien en sélection qu'en club, semble avoir plusieurs kilomètres d'avance sur son homologue italien dans sa course vers le football du futur. Alors, et si les Allemands avaient raison d'aborder cette double confrontation contre l'Inter avec confiance et sérénité ? D'une part, Wolfsburg est en train de surfer sur une véritable vague de confiance faite d'individualités brillantes – Kevin De Bruyne, Ricardo Rodríguez, André Schürrle, Ivan Perišić, Luiz Gustavo – et d'exploits collectifs, avec une victoire 4-1 sur le Bayern de Guardiola en janvier. D'autre part, cette Inter, à première vue, s'est bien éloignée de sa glorieuse période 2005-2011.
Mais quelques indicateurs devraient tout de même inquiéter les Allemands. D'une, l'Inter a bien changé depuis le retour de Roberto Mancini. Elle s'est renforcée en matière de qualités individuelles, avec surtout les insertions de Xherdan Shaqiri, Marcelo Brosović (non retenu dans la liste UEFA) et Davide Santon, mais aussi le retour de Rodrigo Palacio. Mais elle a surtout grandi dans la maturité de son projet collectif : un jeu cohérent, le passage à la défense à quatre a été digéré, le milieu à trois Medel-Guarín-Brosović/Hernanes enchaîne les bonnes performances, et le 4-3-1-2 donne des munitions suffisantes à Icardi, Palacio et Shaqiri. De deux, l'Inter du Mancio vit peut-être aujourd'hui sa meilleure période depuis des lustres. Avant la défaite contre la Fiorentina – lors de laquelle l'Inter n'a pas démérité dans le jeu – elle restait d'ailleurs sur trois victoires consécutives en Serie A. La panenka de Mauro Icardi dans les dernières minutes du match contre le Napoli dimanche dernier peut en témoigner : si l'Inter ne dégage pas une assurance germanique, elle n'est plus moribonde. Avec le temps, les Allemands devraient le savoir, il faut toujours se méfier d'une Italienne blessée…
Par Markus Kaufmann À visiter :
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