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Tactique : Adrien Rabiot, le casque bleu

Par Matthias Ribeiro
Tactique : Adrien Rabiot, le casque bleu

Joueur clivant avant le début de cette Coupe du monde au Qatar, Adrien Rabiot traverse la compétition en grand et livre jusqu’ici des copies très fournies dans un rôle essentiel à la survie de l’équipe de France. S’il n’a pas tout réussi face à l’Angleterre, samedi soir, il a de nouveau été précieux.

Une gueule d’ange, des cheveux longs bouclés, des yeux bleus, un look élégant… Adrien Rabiot, plus souvent comparé à un terminal L qu’à un milieu de terrain hargneux et généreux, a rapidement été qualifié comme le fils à maman du football français. Pourtant, alors que le joueur de la Juventus a basculé, à 27 ans, dans la deuxième partie de sa carrière, les choses ont changé. Grâce à qui, à quoi ? À Rabiot lui-même, déjà, mais aussi à Massimiliano Allegri, qui a su aider son poulain à passer la vitesse supérieure : « Je vis la meilleure période de ma carrière et je dirais que sur les deux saisons passées avec Allegri, j’ai réussi à développer mon jeu. Il est très important pour moi, me pousse à attaquer, me répète souvent que je suis quelqu’un qui peut marquer pas mal de buts, être décisif… On travaille aussi pas mal à la vidéo avec son staff, ça m’aide énormément. » Après avoir fait forte impression en étant, en plus, buteur et passeur décisif face à l’Australie, Adrien Rabiot a enchaîné les performances de haut niveau et les kilomètres dans ce Mondial, s’imposant sans débat en soldat majeur dans un secteur amputé de deux références (N’Golo Kanté et Paul Pogba). On l’a naturellement retrouvé au premier plan, samedi soir, contre l’Angleterre. Paradoxalement, ce match est probablement aussi le plus nuancé de l’ancien joueur du PSG depuis son entrée dans le tournoi. Moins précis à l’heure de ressortir certains ballons et souvent mis en difficulté au sol par la mobilité de Bukayo Saka, comme sur le décalage qui a mené au penalty de l’égalisation anglaise, le match du numéro 14 des Bleus n’a pas été aussi exemplaire que ceux livrés précédemment. Heureusement, son volume énorme ne l’a pas quitté et a été essentiel à la survie de l’équipe de France dans un quart de finale de Coupe du monde joué sur un fil fragile.

Les chevauchées du Duc

Comme il est venu le raconter cette semaine, Adrien Rabiot, ancien numéro 10, est quelqu’un qui aime avoir de grands espaces à attaquer. La configuration de ce match contre l’Angleterre lui en a offert dans un couloir gauche où il a de nouveau dû épauler les deux bombes que sont Kylian Mbappé et Theo Hernandez, et le Turinois a enfoncé les portes tête la première. C’est notamment à la suite de l’une de ses projections (77e) qu’Olivier Giroud a pu claquer une volée, repoussée en corner par Jordan Pickford, avant de venir placer son coup de tête vainqueur sur la séquence suivante. Rabiot avait déjà pu se mettre en évidence plus tôt dans la rencontre.


Dans le premier quart d’heure, on l’a notamment vu sortir sur une passe de Jordan Henderson et dévorer Saka au duel avant de démarrer…


… il a a lors pu emmener dans son sillage une transition française avec Kylian Mbappé et Olivier Giroud…


… au bout de sa course, Saka, Walker et Stones sont venus lui fermer la fenêtre et il est donc forcé à un autre choix…


… il va donc décaler Mbappé, dont le centre au second poteau pour Ousmane Dembélé sera trop long.


En deuxième période, sur la séquence faisant suite à l’égalisation de Kane, Jules Koundé va allonger vers Giroud…


… le ballon va finir sa course dans l’espace ouvert entre Walker – occupé par sa gestion de Mbappé – et Stones. Rabiot peut s’engouffrer…


… et envoyer une frappe pleine de spontanéité, en une touche, qui forcera Jordan Pickford à s’employer.

Souvent pointé du doigt pour sa trop grande sobriété balle au pied, Adrien Rabiot, qui a eu du déchet dans ses passes samedi soir (78% de réussite), montre une grande variété dans son jeu dans ce Mondial et un énorme caractère. Il peut faire valdinguer un bloc grâce à ses percussions et offrir des munitions à son clan. Des munitions qu’il est parfois capable de créer de toutes pièces.


Séquence pleine de personnalité qui amènera au premier frisson bleu : à la suite d’une touche de Luke Shaw, Dayot Upamecano et Harry Kane se disputent un ballon qui va finalement revenir sur Rabiot…


… D’un contrôle poitrine, il maîtrise et pose le ballon au sol pour le rendre exploitable…


… avant de claquer une belle passe, pied droit s’il vous plaît, vers Ousmane Dembélé. Le Barcelonais combinera ensuite en une touche avec Antoine Griezmann pour offrir à Giroud sa première occasion du match.

L’équilibriste

Fermeture à l’intérieur, couverture sur le côté… Rabiot et Henderson ont longtemps joué au chat et à la souris, à l’Al Bayt, alors que l’Anglais a régulièrement tenté d’apporter un surnombre dans le dos de Saka côté droit pour espérer profiter d’un espace souvent délibérément délaissé par Kylian Mbappé, que Rabiot a eu, de nouveau, la responsabilité de venir fermer. Cette dévotion l’a parfois amené à se muer en dernier rempart, comme sur ce dégagement salvateur à la demi-heure de jeu où le Duc de Saint-Maurice a soulagé tout le pays en sortant un ballon de la surface après un cafouillage monstre à la suite d’un corner. Ironie du sort, celui qui voulait choisir les zones dans lesquelles il évoluait il y a quelques années est aujourd’hui devenu l’un des principaux équilibristes de cette équipe de France. Il est désormais de ceux qui jouent avec le cerveau allumé et les yeux grands ouverts pendant 95 minutes pour rafistoler chaque trou du bateau afin de lui permettre de mieux fendre les vagues au lieu de les prendre de plein fouet. S’il n’est pas le capitaine à tribord, il est néanmoins celui qui aide le côté gauche à ne pas trop tanguer, surtout quand les deux speedboats partent à l’aventure.

Par ailleurs, le nouveau binôme d’Aurélien Tchouaméni dispose encore de certains axes d’amélioration clairs. L’un des principaux, visible samedi soir, est son utilisation du ballon à la récupération. Quasiment irréprochable sans ballon depuis le début de la compétition, Rabiot manque cependant parfois de lucidité au moment de faire redémarrer le moteur. Pas forcément mis en difficulté dans ce secteur face à l’Australie, au Danemark ou à la Pologne, le constat a été différent face à l’Angleterre. Plutôt logique quand on sait qu’au fil des matchs, l’adversité augmente, la pression sur le porteur s’intensifie, et le temps pour prendre une décision diminue.


Exemple avec cette diagonale de Harry Maguire vers le côté gauche français, une arme souvent utilisée par les Anglais en première mi-temps afin de trouver Jordan Henderson dans le dos de Mbappé…


… Adrien Rabiot coulisse pour venir couvrir, et le milieu de la Juve est à l’heure pour espérer freiner la progression anglaise…


… derrière, Saka, trouvé par son numéro 8 et bien cadré par Theo Hernandez, gagne une touche, tandis que Rabiot ne lâche pas Henderson à l’intérieur…


… sur la remise en jeu suivante, il intercepte le ballon, récompensant ainsi ses efforts et sa bonne couverture…


… mais se précipite au moment de transformer sa récupération. Le ballon va être récupéré par Saka, alors que Mbappé pouvait être envoyé en transition.

Premier sur les seconds ballons

Dans un match qui a pu rappeler le France-Belgique de 2018 dans la forme plus que dans le fond, les Bleus auraient eu besoin de l’aspirateur à ballon que pouvait être N’Golo Kanté en Russie. Sans comparaison aucune, Rabiot a plus ou moins joué ce rôle, dans un domaine précis qui méritait l’attention qui lui a été portée. Nul doute que le domaine aérien allait aussi jouer un rôle majeur dans cette partie, vu les attributs et les qualités de certains Anglais dans l’exercice, autant dans le jeu que sur phases arrêtées. En plus de remporter quatre duels sur les six disputés dans les cieux, Adrien Rabiot a excellé dans la gestion des seconds ballons, rayon cher à Didier Deschamps. Pour apprivoiser le jeu long des Britanniques convaincus par leur supériorité physique ou des Français visant Olivier Giroud pour ressortir, le joueur de la Juve a livré une partition exemplaire, permettant à son bloc de récupérer le ballon pour calmer le jeu ou de gagner plusieurs précieux mètres quand le cuir ne pouvait pas être dominé au sol. Une activité qui renforce encore un peu plus l’impression combative laissée par monsieur VMA, bien plus mobile et agressif qu’Aurélien Tchouaméni, plus stationnaire derrière lui.


Touche de Kyle Walker qui joue long pour forcer le danger sur la charnière française et éloigner le ballon du camp anglais…


… Adrien Rabiot, bien placé et alerte, remporte le second ballon. D’un contrôle poitrine, il le maîtrise…


… avant de jouer en retrait pour le conserver malgré le pressing de Harry Kane.


Quelques minutes plus tard, long ballon de Raphaël Varane, pressé, vers Kylian Mbappé. Le Parisien ne touche pas le ballon et voit Kyle Walker facilement le remporter…


… mais aussitôt, Rabiot entame sa course pour gêner le latéral anglais et ne pas lui offrir de mètres faciles…


… le joueur de Manchester City est forcé de jouer en retrait sur Pickford, le bloc français peut alors remonter d’un cran et respirer.

En pleine mutation pour potentiellement passer dans une nouvelle dimension en s’offrant un statut primordial dans la chasse à la troisième étoile, Adrien Rabiot pourrait enfin faire taire les débats et mettre tout le monde dans sa poche une bonne fois pour toutes. Il semblerait que celui qui s’annonçait comme l’un des points d’interrogation majeurs de ce voyage au Qatar devienne aujourd’hui l’un de ses piliers. Alors que la demi-finale face au Maroc devrait plus se diriger vers un combat mental et technique où il ne faudra pas tomber dans la précipitation et l’agacement, la « capacité de résilience, à souffrir tous ensemble » soulignée en après-match par le milieu bleu pourrait bien être précieuse. Cependant, aujourd’hui, plus aucun doute : après avoir longtemps défendu les siens sur la pointe des pieds, Adrien Rabiot sera prêt à en découdre casque sur la tête et couteau entre les dents.

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