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Quand la Botte marche sur le Rocher
Par Chris Diamantaire
6 minutes
Anglais, Allemands, Espagnols... Dans son histoire européenne, l'AS Monaco n'a baissé les yeux devant personne. Hormis devant ses plus proches voisins : ces maudits clubs italiens. Tour d'horizon des confrontations entre le Rocher et la Botte.
1963/64 : AS Monaco-Inter, huitième de finale de C1 (0-1, 1-3)
Pour sa deuxième participation à la Coupe des clubs champions, l’AS Monaco doit se mesurer à l’ogre interiste, après avoir écarté sans peine l’AEK Athènes. Le tout sans l’un des plus grands entraîneurs de son histoire, Lucien Leduc, parti à l’intersaison. Les stars de l’ASM s’appellent alors Biancheri, Théo ou Hidalgo. Après une courte défaite en Italie, les Monégasques croient à leur premier grand exploit européen. Mais l’ancien stade Louis-II n’étant pas homologué pour accueillir une rencontre de cette envergure, c’est au Vélodrome que l’ASM découvre le fossé qui la sépare des grands d’Europe version sixties. Hidalgo se blesse sérieusement dès l’entame et est contraint de laisser ses partenaires à dix, les changements n’existant pas à l’époque. L’AS Monaco est vite mise à terre par le moustachu Sandro Mazzola, qui goûtera au podium du Ballon d’or en 1971, bien calé entre Johan Cruyff et George Best. Luis Suárez « le vrai » (qui a son Ballon d’or, lui) clôt le match en humiliant la défense asémiste. L’Inter d’Helenio Herrera ira jusqu’au bout, confirmant la fin de l’hégémonie des clubs de la péninsule ibérique.
1989/90 : AS Monaco-Sampdoria Gênes, demi-finale de C2 (2-2, 0-2)
Si elle n’avait pas l’aura du grand Milan, la Sampdoria de l’époque était une magnifique équipe, emmenée par le duo Mancini-Vialli. Elle gagnera d’ailleurs cette Coupe des coupes, avant de conquérir le Calcio la saison suivante et d’aller en finale de C1 en 1992. Les supporters gênois mettent le feu à Louis-II. Weah ouvre le score, mais la Samp’ renverse la tendance en cinq minutes grâce à Gianluca Vialli, brillant, mais auteur d’une grotesque simulation. L’attroupement autour de l’arbitre en fin de match n’y changera rien. Les Italiens plient tranquillement l’affaire à Luigi-Ferraris. Premier dernier carré et premier rêve brisé pour l’ASM. Mais chaque hiver a droit à son printemps : Enzo Scifo, admiratif du jeu déployé par les hommes de Wenger, déclarera que c’est en regardant le match contre la Sampdoria qu’est née son envie de jouer un jour pour l’AS Monaco.
1991/92 : AS Monaco-AS Roma, quart de finale de C2 (0-0, 1-0)
Une parenthèse enchantée, une anomalie de l’histoire, l’exception qui confirme la règle… C’est en tout cas la seule fois où Monaco est parvenu à éliminer un de ses voisins transalpins, sur sept tentatives. Mais une question se pose tout de même : la Roma est-elle vraiment un club italien ? Une Coupe des villes de foires pour seul palmarès européen et une tradition de lose inimitable. Non, désolé, ce club n’est pas plus italien que Monaco n’est français. C’est donc en toute logique que l’ASM leur a marché dessus avec un but de la tête de Rui Barros. Un grand joueur certes, mais qui mesurait un mètre cinquante-neuf. Un club italien qui prend un but de la tête par un mec plus petit que le plus petit de tous, ça n’existe pas. Considérons donc que l’AS Monaco est à zéro sur six contre les clubs italiens et à un sur un contre la Louve, ce sera plus rationnel. Et comme le club de la Principauté a aussi l’ADN du perdant magnifique, il parviendra jusqu’en finale et s’inclinera contre le Werder de Brême, gâchant là l’occasion de ramener à l’Hexagone un premier trophée européen qui aurait eu un arrière-goût étrange, le drame de Furiani étant survenu la veille.
1993/94 : AS Monaco-AC Milan, demi-finale de C1 (0-3)
Klinsmann, Scifo, Djorkaeff… Sur le papier, l’ASM avait une sacrée gueule. Sur le terrain aussi. Mais, déjà en poule, l’écart avec les vrais cadors européens s’était vu contre le Barça de Cruyff. Finissant deuxièmes, les Monégasques se voyaient contraints pour décrocher la finale d’aller défier l’AC Milan, premier de l’autre groupe, sur un match unique à San Siro. Mais, même réduit à dix, ce Milan est injouable, et les regrets ne sont pas de mise, tant l’équipe coachée par Fabio Capello est au-dessus. Le joli parcours se conclut par une cinglante défaite, comme celle que subira le FC Barcelone en finale sous les yeux ébahis de l’Europe entière.
1996/97 : AS Monaco-Inter, demi-finale de C3 (1-3, 1-0)
Traumatisme. Alors qu’il roule sur le championnat de France, emmené par une attaque qui pue la classe (Anderson, Henry, Ikpeba, Benarbia, Scifo…), le onze de Jeannot Tigana se prend à rêver d’un premier sacre européen. Après s’être notamment débarrassée du Mönchengladbach d’Effenberg et du Newcastle de Ginola, l’ASM joue son destin face à l’Inter du fidèle Bergomi. « L’Inter est grand lorsqu’il est au pied du mur » , prévient Djorkaeff. Pas aidés par l’arbitre, les Monégasques vivent une première période cauchemardesque à Giuseppe Meazza et rentrent au vestiaire avec trois buts dans le cavu. On craint alors le pire quand, à la 47e minute, Grimandi gifle un Interiste et laisse ses partenaires à dix. Mais ils reprennent le contrôle du match et de leurs nerfs, parvenant même à réduire l’écart par Ikpeba. Deux buts à remonter à la maison au retour, rien d’insurmontable pour l’un des meilleurs Monaco de l’histoire. C’était compter sans monsieur Van der Ende, l’arbitre néerlandais, qui refusera un premier but à Djetou et un second à Henry – alors qu’il l’avait accordé dans un premier temps – sous la pression du banc italien. Sans doute pas assez courageux pour réaliser la passe de trois, il valide finalement un dernier but, pour le coup entaché d’une main, dans un Louis-II déchaîné comme jamais. Mauvais diront les utopistes, acheté pensent encore les Monégasques, vingt ans après.
1997/98 : AS Monaco-Juventus, demi-finale de C1 (1-4, 3-2)
C’est face à la grande Juventus de la fin des nineties que Monaco appréhende un second carré de suite, cette fois dans la compétition reine. Moins rayonnante que la saison précédente et fragilisée par la perte d’éléments forts, l’ASM est tout de même parvenue à écarter Manchester United en quarts grâce à un but badaboum du tout jeune David Trezeguet. Mais la marche est trop haute pour les champions de France en titre. Avec un onze très défensif, les hommes de Campora cèdent au Stadio delle Alpi devant le talent et la malice de l’équipe de Lippi. Un grand Del Piero, quatre buts à un et deux penaltys à zéro, les jeux sont faits. « C’est vrai que c’est plus facile quand on est à la Juve ou à l’Inter qu’à Monaco ou Auxerre » , admet Deschamps au micro de TF1, sous les yeux d’un Guy Roux d’humeur complotiste. Au Louis-II, les Monégasques y mettent du cœur, mais tombent face à un grand Peruzzi. Une victoire 3-2, quelques larmes et la fin d’une histoire pour un club qui ne reverra pas une demi-finale de Coupe d’Europe avant 2004, alors qu’il vient d’en vivre cinq en huit ans.
2014/15 : AS Monaco-Juventus, quart de finale de C1 (0-1, 0-0)
Encore dans toutes les têtes. La jambe de Carvalho qui effleure celle de Morata, Martial qui ne sait pas tomber et voilà l’affaire mal embarquée. Au Louis-II, Chiellini et même Pirlo redonnent ses lettres de noblesse à l’art de l’anti-jeu. Les Monégasques, eux, sont un peu tendres offensivement, malgré l’éclosion du trio Carrasco-Silva-Martial. La team de Jardim ne parvient pas à arracher à la Vieille Dame le sac contenant les clés de la gloire. Le voyage s’arrête, la fierté demeure et les regrets s’en vont avec le temps. Évra, plein de tendresse pour son ancien club et jamais avare de bons mots, déclarera ensuite que « c’était plus dur contre Monaco » que face au Real Madrid, avant de perdre une quatrième finale de Ligue des champions. Sa part d’ADN monégasque, sans doute.
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