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LOSC, (bientôt) les disparus ?
Le doublé pétaradant ? La parade chez Martine Aubry ? Tout ça, c'est du passé car c'est déjà demain. Et le plus dur commence pour Lille...
Et tout est bien qui finit bien… C’est un peu le sentiment qui a escorté le sacre lillois cette saison : meilleure équipe, meilleur joueur (Hazard), meilleur entraîneur (Garcia), meilleur buteur (Sow), et plus beau jeu. Last but not least, ils sont vachement sympas ces Nordistes. On ne déconne pas. L’état d’esprit affiché par les joueurs du Losc aura beaucoup contribué à l’enthousiasme dont a fait l’objet leur titre de champion de France. Un couronnement comme une bouffée oxygène dans un contexte nauséabond depuis dix-huit mois dans le football français : main de Thierry Henry face à l’Irlande, affaire Zahia, Knysna, les primes, les quotas, et une petite pépite tchétchène signée Boghossian pour finir. Il faut donc être honnête, c’est aussi par contraste que Lille aura brillé même s’il ne faut rien retirer à leur épatante saison. Et du coup, on se demande : cette réussite ne comporte-t-elle pas sa part de trompe-l’œil et n’annonce-t-elle pas des lendemains qui déchantent… ?
Le spectre bordelais
Car ce qui se profile est à la fois excitant et terrifiant. Excitant car la perspective de figurer en Ligue des champions est une manière d’aboutissement pour un groupe en place depuis trois saisons maintenant. Mais terrifiant car la C1 ne pardonne pas et vous facture chaque faiblesse comptant, à fois dans la compétition mais aussi en championnat où on ne compte plus les équipes qui ont perdu pied sur le plan domestique, rincées, essorées par ce terrible révélateur qu’est la Champions’. Cette saison, si Lille avait un onze bien rôdé et quelques remplaçants idoines, il n’avait pas une profondeur de banc exceptionnel et il ne faut pas chercher tellement plus loin les raisons qui ont poussé Rudi Garcia à bazarder la Ligue Europa. Un bon calcul pour cette saison, une idée inquiétante dans la perspective de l’an prochain. Car il ne faut pas se mentir : avec un banc aussi cheap et une compétition aussi exigeante que la C1, Lille ne figurera même pas sur le podium la saison prochaine et on sait que pour pérenniser la progression, il faut enchaîner les qualifs dans la plus prestigieuse compétition de club de la planète. C’est grâce à cette spirale vertueuse que Lyon s’est installé au sommet du football hexagonal, imité depuis par Marseille. Et, a contrario, les Lillois doivent scruter à la loupe l’exemple de Bordeaux qui, pour avoir raté le podium l’an passé, doit quasiment tout reprendre à zéro aujourd’hui.
Gare aux départs
Toutefois, on prendra quelques précautions avant de tenter un rapprochement entre le Losc et Bordeaux. Car contrairement aux Girondins qui avaient dû se débattre dès l’hiver 2009 (alors qu’ils étaient en tête) avec les rumeurs de départ de Laurent Blanc, les Dogues peuvent, eux, compter sur Rudi Garcia. C’est une différence fondamentale. De même, l’imminence du grand stade de Lille propose une perspective qui aura sans doute manqué aux Bordelais. En revanche, dans la gestion contractuelle, quelques similitudes avec les champions de France 2009 peuvent inquiéter. Entre les réévaluations de contrat susceptibles de couper le goût de l’effort et quelques départs majeurs, le spectre girondin existe. Adil Rami est d’ores et déjà à Valence et on ne voit pas bien qui pourrait remplacer l’international français. Marko Basa du Lokomotiv Moscou ? On connaît ce bizarre phénomène physique qui fait qu’après un passage en Russie, un joueur revient souvent avec quarante kilos de plus et la tête à l’envers. Idem pour Yohan Cabaye. Eh ouais, l’international français, tenté par un départ depuis deux ans déjà, a dévoilé son lourd secret samedi à ses potes : il joueur en Premier League la saison prochaine. Mais pas dans le Big Four. Plutôt dans le ventre mou, à Newcastle. Ah, le goût du challenge…
Du coup, chez le Dogues, la priorité s’appelle Gervinho. Le « vrai » meilleur joueur de la saison. Annoncé en Angleterre, l’Ivoirien serait tout bonnement irremplaçable pour un club comme Lille et, effet de dominos, plomberait en partie l’autre phénomène de l’équipe, Eden Hazard, largement bénéficiaire de l’attention adverse sur l’homme au cuir chevelu le plus étrange de L1. Enfin, le banc déjà un peu léger pourrait davantage être délesté avec les départs de Frau (fin de contrat) voire d’Obraniak (en manque de temps de jeu) de Tulio De Melo (grosse cote au Portugal). Oui, c’est notamment dans cette capacité à ne pas s’appauvrir que l’on va voir si Lille est de la veine des deux Olympiques. Car, peut-être plus que Lyon et Marseille, la réussite nordiste tient à son jeu, cette fluidité, ces automatismes, bref une identité plus compliquée à maintenir en cas de départs multiples. Prospérer par le jeu avant de périr par le jeu ? Le football est suffisamment cynique pour ça. Et Lille, pour s’installer durablement, va sans doute devoir délaisser un peu de sa fraîcheur pour s’acoquiner avec cette dose de cynisme. Oui, ce Lille victorieux et insouciant est peut-être d’ores et déjà mort et enterré.
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