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Defoe, le sirop de cerise

Par Maxime Brigand
7 minutes
Defoe, le sirop de cerise

Après deux saisons et demie passées à Sunderland, Jermain Defoe s'est engagé il y a quelques semaines avec Bournemouth, histoire de rester en Premier League et de se donner quelques cartouches pour voir la Russie l'été prochain. Un transfert qui cache surtout l'histoire d'un retour où tout a finalement commencé pour l'ancien enfant prodige du Royaume. C'était lors de la saison 2000-2001. Souvenirs.

Étant né un 7 octobre, Jermain Defoe ne pouvait qu’avoir un amour certain pour le rythme. Bernard Lavilliers en sait quelque chose. L’histoire raconte que c’est d’ailleurs sur un pas de danse parfaitement maîtrisé que le gamin sorti des entrailles du quartier de Beckton, à Londres, a un jour fait craquer un homme de trente-cinq ans son aîné. « Il avait seize ans et, à cette époque, j’essayais de l’intégrer dès que possible avec les pros à l’entraînement, racontait alors il y a quelques années Harry Redknapp dans l’une de ses nombreuses autobiographies. Je me rappelle en particulier d’une séance de finition. Il était là, dans un coin, et enchaînait les volées. C’était si parfait que je me suis tourné vers les gars et je leur ai dit : « Regardez ce gamin, c’est ce qu’il faut faire. » » Il existe des centaines de flashs similaires à celui du vieux Redknapp qui aura accroché, tout au long des années 2000, Defoe à sa ceinture comme un porte-clef, que ce soit à West Ham, à Portsmouth ou à Tottenham. Peut-être parce que celui qui a longtemps voué un culte sans limite aux belles plantes – celles qui possèdent un solide 95E et qui ont connu le plaisir des télé-crochets avant tout – n’a jamais été totalement comme les autres. Il y a par exemple cet ancien professeur qui raconta un jour avoir été « obligé de mettre un terme à un match à la mi-temps car Jermain prenait le ballon et humiliait tout le monde tout seul » . Il y a aussi ces anciens amis qui n’ont jamais caché la volonté du jeune Defoe de se faire surnommer « Wrighty » en référence à son idole, Ian Wright, passé par West Ham à la fin des années 1990. Tout cela explique pourquoi Jermain Defoe s’est un jour retrouvé sous les yeux d’Harry Redknapp à Rush Green, le centre d’entraînement de l’équipe première des Hammers.

Le petit format, Anelka et Mrs Sullivan

En réalité, Jermain avait un rêve : briller. Cela suffit pour se faire un nom quand on n’est qu’une simple promesse, parce que c’est ce qu’était Defoe lorsqu’il était à Charlton. Puis, le gosse a souhaité changer de dimension en 1999 et donc rejoindre West Ham pour « prendre exemple sur Frank Lampard et Rio Ferdinand » , débarqués en équipe première quelques années plus tôt. Ceux qui soulèvent alors le Boleyn Ground s’appellent Paolo Di Canio, Paulo Wanchope ou encore Frédéric Kanouté. Harry Redknapp a conscience du produit qu’il vient de récupérer, ne se cache pas pour s’émerveiller, le laisse s’éclater quelques mois avec l’académie – West Ham remporte même la Football League Academy avec ses U19 pour la seconde année consécutive au printemps 2000 –, mais souhaite lui donner de la place pour s’exprimer.

En septembre 2000, le coach « nourrisseur compulsif d’oiseaux » lâche donc quelques minutes à Defoe lors d’un tour de League Cup à Walsall. Il reste quinze minutes, West Ham est accroché. Puis, un mouvement et la répétition du pas de danse : une volée parfaite. Jermain Defoe ne peut plus attendre, alors Harry Redknapp le convoque dès le lendemain dans son bureau. La suite, c’est Sean O’Driscoll qui la raconte : « Après ce match, Harry, qui connaît tout le monde à Bournemouth et qui a surtout connu de nombreux succès avec le club dans les années 1980, a eu une conversation avec le propriétaire, Trevor Watkins. Il disait qu’avec Jermain, il possédait un joueur d’un potentiel extraordinaire, mais il voulait surtout voir comment il pourrait réagir loin de son confort, loin de Londres, dans une division où les contacts sont plus musclés. On avait déjà ce qu’il fallait dans le groupe, mais on avait envie de faire confiance à Harry. Finalement, l’histoire est simple : Bournemouth a été le bon club pour Defoe, au bon moment. »

Seul détail, à l’automne 2000, Jermain Defoe n’a aucune idée de ce qu’est Bournemouth et est encore moins capable de pointer le Dorset sur une carte. Au point que sa mère, Sandra, n’hésitera pas à allumer par téléphone Harry Redknapp pour comprendre le prêt de son fils, confié une saison aux Cherries avec pour nouveau tuteur O’Driscoll. « La première fois qu’on l’a vu, c’était dans le vestiaire, rembobine William Huck, noyau du Bournemouth de l’entre-deux-siècles. Il venait de signer et était venu se présenter. On était en troisième division et quand on l’a vu

C’était un timide, on avait surtout face à nous quelqu’un qui avait une sérénité, une confiance en lui assez impressionnantes. C’était plus un Anelka qu’un Henry. Rien ne pouvait le toucher.

arriver, on s’est tous fait la même remarque : il était petit, assez frêle et on trouvait cette signature un peu bizarre vu qu’on avait déjà deux attaquants dont un hyper expérimenté (la légende Steve Fletcher, qui compile plus de 600 matchs avec les Cherries et est encore au club aujourd’hui, ndlr). On a finalement compris rapidement. C’était un timide, on avait surtout face à nous quelqu’un qui avait une sérénité, une confiance en lui assez impressionnantes. C’était plus un Anelka qu’un Henry. Rien ne pouvait le toucher. » Jermain Defoe a alors été placé entre les mains d’Audrey Sullivan, la femme de l’intendant du club. De l’avis de tous, c’est à Bournemouth que sa vie a changé, peut-être encore un peu plus à partir du 28 octobre 2000.

« Who let Defoe out ? »

« Ce jour-là, on avait rendez-vous au Britannia Stadium, à Stoke-on-Trent. J’avais titularisé Jermain avec Steve Fletcher alors qu’il ne s’entraînait avec nous que depuis 24 heures. Je voulais voir ce qu’il avait dans le ventre. C’était un match assez important pour nous, un gros test à l’époque en troisième division, surtout que Stoke était hyper à l’aise à domicile. Finalement, j’ai eu les réponses que je voulais avoir et à la mi-temps, j’ai dit aux gars : « Filez-lui le ballon ! » » , reprend Sean O’Driscoll. Bournemouth s’incline (1-2), mais Jermain Defoe vient de s’allumer. Pour ne plus s’éteindre. Huck : « Il avait commencé ce premier match sûr de lui. La clé, c’est qu’il est arrivé dans une famille qui avait confiance en lui, qui le respectait. Bournemouth, c’était déjà spécial à l’époque, tout le monde est proche et on avait surtout une réputation à tenir : on jouait vraiment au foot, ce qui était rare en troisième division. Derrière, il y avait Eddie Howe, mais aussi Jason Tindall, qui est l’assistant d’Eddie aujourd’hui. Qu’il marque d’entrée, tu peux te dire que c’est de la chance. Mais ça a duré, duré et, à un moment, on commençait le match en se disant : « C’est bon, on gagne 1-0. » »

Durant l’exercice 2000-2001, Jermain Defoe va en effet fracasser ses limites, mais surtout égaler le record de John Aldridge, l’ancien buteur de Liverpool, en claquant dix buts sur dix matchs consécutifs de championnat. Ses dix premiers.

Il était tranquille alors que tout le monde autour de lui ne parlait que de ça. On se demandait simplement : va-t-il le faire ?

« S’il fallait retenir un match, ce serait celui à Cambridge où il a égalé le record. Jermain n’était pas le genre de mec qui allait faire le show, complète William Huck. On était tous stressés pour lui, sauf lui. Il était tranquille alors que tout le monde autour de lui ne parlait que de ça. On se demandait simplement : va-t-il le faire ? » La réponse est oui, sous les yeux de l’assistant d’Harry Redknapp – qui fera de nombreux allers-retours pour aller voir Defoe –, un certain Frank Lampard père, et ce, alors que de nombreux T-shirts « Who let Defoe out ? » viennent de fleurir.

La suite est connue et se chiffre : 19 buts en 31 apparitions avec les Cherries, mais surtout un peu moins de 160 pions en 468 matchs de Premier League qui suivront. Il y a eu West Ham, Tottenham, Portsmouth, une nouvelle fois Tottenham et finalement Sunderland. Jermain Defoe a désormais 34 ans et souhaitait cet été commencer à « fermer la boucle » d’une carrière riche, mais qui aurait pu être bien plus belle si l’attaquant international anglais s’était mis plus tôt au véganisme et au yoga, qui sait. Alors, après la relégation de Sunderland en Championship en mai dernier, Defoe est revenu à Bournemouth il y a quelques semaines pour retrouver Howe, Tindall, Fletcher et les autres. D’entrée, il a assumé vouloir se servir de cette expérience pour commencer à apprendre d’Eddie Howe et imaginer son futur en tant qu’entraîneur. Il a également avoué avoir « hurlé dans sa voiture » au moment où il a appris la fin des négociations. Mais, comme un tel retour ne peut être anodin, Jermain Defoe a surtout pris un rendez-vous. Dans quelques jours, il sera autour d’une table, prêt à discuter. Avec Harry Redknapp, forcément.

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403 jours après, Beth Mead marque à nouveau
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Propos de Sean O'Driscoll et William Huck recueillis par MB.

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