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Damien Perquis : « Je suis plutôt chien, campagne et chevaux »

Propos recueillis par Maxime Brigand
14 minutes
Damien Perquis : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je suis plutôt chien, campagne et chevaux<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Arrivé dans la foulée de Philippe Montanier à Nottingham Forest cet été après une aventure en MLS, Damien Perquis récupère la patate dans un calme retrouvé après une période difficile sur le plan personnel. Entre l’idée d’arrêter le foot et un confort qui lui a posé des questions. Pause fraîcheur avec le trentenaire.

Il y a quelques mois, tu expliquais qu’au moment de ton départ pour Toronto en janvier 2015, tu avais perdu le goût du foot, que tu étais moins bien dans ta tête. Pourquoi ?Je venais de connaître une année très compliquée au Bétis au niveau sportif et personnel, avec une grosse blessure à la mâchoire (le 3 novembre 2013, lors d’une défaite à Málaga 2-3, Perquis était sorti d’un duel aérien avec une commotion cérébrale, une perte de conscience temporaire et une double fracture de la mâchoire, ndlr). On venait de descendre en deuxième division. La saison suivante, je commence par jouer et, pour des raisons contractuelles, j’ai été sorti de l’équipe. Il fallait que je trouve une solution, mais tous ces événements m’avaient enlevé le plaisir de jouer.


Tu as pensé à arrêter le foot à un moment donné ?Oui, j’y ai pensé après ma blessure à la mâchoire. C’était un moment difficile. Là, ce n’était pas une simple blessure aux ischios.

Comment on se relève de ces périodes-là ?

Pendant ma blessure, je n’étais plus vraiment un footballeur, j’étais sorti de cette bulle-là et j’ai retrouvé une vie normale. Ce sont des moments où tu peux retrouver les vrais amis, ceux sur qui tu peux compter.

Il y a peu, j’écoutais une interview de Víctor Valdés qui expliquait qu’au moment de sa blessure au genou avant la Coupe du monde 2014, il avait redécouvert ce qu’était être un citoyen normal. Il était parti se soigner en Allemagne. Pendant ma blessure, je n’étais plus vraiment un footballeur, j’étais sorti de cette bulle-là et j’ai retrouvé une vie normale. J’en ai profité pour voir des gens que je ne voyais plus, ma famille, j’ai fait des choses à côté qui m’ont fait du bien. J’ai passé des vacances sereines avec mes enfants. En fait, j’ai retrouvé pendant cette période des choses qui étaient mon essentiel et que j’avais perdues de vue avec le foot, où tu es à 100% dedans et tu en oublies les à-côtés. Ce sont aussi des moments où tu peux retrouver les vrais amis, ceux sur qui tu peux compter.

Tu as consulté aussi ?Oui, les médecins, les kinés m’ont beaucoup aidé. Et il y a eu Cécile Traverse, la compagne de Jean-Marc Furlan, qui est ma préparatrice mentale depuis maintenant douze ans, qui m’a aussi beaucoup soutenu.

Comment travaille-t-on avec une préparatrice mentale ?Je ne la définis pas comme une psychologue. On partage une même vision de la vie. On travaille par des appels, des messages, des rencontres. On a beaucoup discuté. Je me rappelle d’un matin où j’étais sur Troyes et où j’avais passé deux heures à lui raconter mon mal-être. Elle a su trouver les mots pour me dire, il y a ça, il y a ça, tout en retirant tout le positif du négatif. C’étaient des mots importants. Elle m’a aussi donné des textes à lire, des phrases, un livre… Ce ne sont pas des choses qui te font douter, mais plutôt qui te font beaucoup réfléchir sur la place de ton bonheur.

Est-ce que tu as l’impression qu’être pro te coupe d’une forme de réalité ?

Víctor Valdés l’expliquait : le foot, c’est une bulle. Il disait qu’il ne savait même pas ce qu’était acheter un ticket de métro. Moi, à un degré moindre, c’est la même chose.

Oui et, encore une fois, comme Valdés l’expliquait bien, le foot, c’est une bulle, tu t’enfermes dedans et tu oublies tout ce qu’il y a à l’extérieur. Il disait qu’il ne savait même pas ce qu’était acheter un ticket de métro. Moi, à un degré bien moindre, c’est la même chose. Quand j’étais au Bétis, que t’es dans la charrette pour te maintenir, que t’es blessé et que tu ne veux pas sortir par peur que les gens te disent quelque chose, ça te coupe du monde aussi. C’est quelque chose qui peut être un confort, mais qui a des aspects négatifs.

Pour sortir de ce confort, tu avais donc décidé de partir à Toronto. Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience ?Pour ma famille, ça a été génial. En quittant l’Espagne, mes enfants parlaient espagnol. En arrivant au Canada, ils se sont mis à apprendre l’anglais. C’était magique et j’ai eu beaucoup de fierté de voir mes enfants passer aussi rapidement de l’espagnol à l’anglais et au français avec nous. C’est aussi une nouvelle culture. On était dans une grande ville, c’était le business, beaucoup de cultures mélangées, des restaurants partout… C’était la grande ville, quoi. Nous, on avait jamais connu ça. Je suis plutôt dans l’idée d’avoir un chien, à la campagne, avec des chevaux autour, ça m’a fait bizarre.

La vie est aussi accélérée en permanence…Oui, et ça me stressait, en fait. Les gens vivaient à 2000 à l’heure, ils couraient partout, mangeaient le midi un sandwich à la va-vite… Et le soir, il fallait qu’ils soient au restaurant à 18 heures pour dîner. En Espagne, c’était une autre histoire. Si t’es au plat principal à 22h30, c’est déjà bien.

Tu es finalement revenu en Europe cet été en signant à Nottingham Forest. Le retour du calme.Oui, ça change, mais ça m’a fait revenir à un cadre de vie auquel j’étais plus habitué. Je préfère être ici pour ça et pour le football aussi.

Qu’est-ce que tu gardes de la MLS ? Je ne sais pas, parce que c’était une belle expérience, la découverte d’un nouveau championnat, avec des grands joueurs que les gens considèrent en pré-retraite. J’ai vraiment été surpris par le niveau sur certains matchs. Je pense que ce championnat est sous-estimé. Après, il va falloir qu’il progresse dans certains domaines, notamment au niveau de la MLS. C’est surtout dans la manière de gérer les joueurs, le salary cap, ça en freine certains… Il faut peut-être trouver d’autres chemins pour ouvrir encore plus le championnat et le faire encore plus progresser.


Comment s’est passée ton arrivée à Nottingham ?

Un jour, je reçois un message de Serge Romano qui me dit qu’il a signé à Nottingham Forest avec Philippe Montanier, qu’ils cherchent un central et qu’il peut parler de moi.

L’entraîneur adjoint, Serge Romano, me connaît depuis mes années à Troyes. Quand j’avais dix-sept ans, que je m’entraînais avec Alain Perrin, il était déjà dans le staff. C’est lui qui m’a contacté, on s’était vus à Séville en décembre et je lui avais fait part de mon envie de rentrer en Europe. J’étais prêt à revenir. C’était une discussion entre nous, lui n’avait pas de club à l’époque. Un jour, je reçois un message où il me dit qu’il a signé à Nottingham Forest avec Philippe Montanier, qu’ils cherchent un central et qu’il peut parler de moi. Après, le coach m’a appelé, tout était ok. Le premier appel était début juillet et je crois que ça s’est fait le 20.

Depuis le début de saison, tu es devenu un indiscutable au cœur d’une équipe plutôt en difficulté. Montanier a installé un 3-5-2 assez nouveau en Championship. Quel est ton rôle dans ce groupe ?Le coach a été clair avec moi. Il voulait que j’apporte mon expérience et que j’encadre un peu tout ça. On a beaucoup de jeunes joueurs après, le changement tactique, c’est son choix. Avec mon expérience, j’ai déjà joué dans ce système-là. Je me sens à l’aise dans une défense à quatre ou à trois, donc ma vision des choses n’a pas trop changé.

L’Angleterre était une destination qui t’intéressait depuis un moment. D’où vient cette attirance ?Elle vient d’Éric Cantona. J’ai baigné avec, j’ai même dormi avec sur ma couette. J’avais des cassettes sur lui et c’est comme ça que j’ai découvert le football anglais. Il y avait cette foule autour du terrain, ce monde qui explosait quand il y avait un but… Je trouvais ça génial. J’ai toujours eu ce rêve de jouer en Angleterre et je n’en avais, jusqu’ici, jamais eu l’opportunité, donc quand ça s’est présenté… C’est ce que j’ai dit en arrivant à Nottingham, j’ai eu l’impression de signer mon contrat pro. D’ailleurs, sur mon contrat, je n’ai pas chipoté, ça s’est bouclé en deux mails.

Cantona, ça représentait quoi exactement pour toi ?C’était tout. Il avait des fulgurances avec un ballon, mais aussi avec ses gestes dans la vie quotidienne. Quand il faisait ses conférences de presse, que personne ne le comprenait, qu’il se comprenait tout seul, c’était génial. Quand il allait sur un plateau télé, qu’il disait qu’il pissait au cul de certaines personnes… C’est quelqu’un d’entier. Je suis un peu pareil. Si demain, j’ai envie de dire merde à quelqu’un, je lui dirai merde. Si je t’aime pas, je t’aime pas. Je suis fan de tout ça : de ses buts, de son charisme.


Le monde du foot est pourtant devenu un peu plus lisse. Est-ce que c’est quelque chose qui te dérange ou tu essayes de cultiver un peu ce côté franc que tu as toujours eu ?

Quand je regarde parfois certains jeunes aujourd’hui faire certaines conneries, je me dis que si on avait fait ça, à l’époque, on se serait fait défoncer par les plus anciens.

Tout dépend. Quand je regarde parfois certains jeunes aujourd’hui faire certaines conneries, je me dis que si on avait fait ça, à l’époque, on se serait fait défoncer par les plus anciens. Oui, ce côté-là me dérange. Après, le reste, ça a toujours existé. Il faut toujours bien parler, ne jamais dire toute la vérité pour ne blesser personne… Je sais que je suis pareil aussi. Je ne vais pas te mentir : dans la presse, je ne vais pas casser quelqu’un. Ça ne sert à rien, je préfère lui dire en tête à tête.

Tu as eu des touches pour revenir en France ?Oui, j’ai eu des pistes, avec des beaux projets de reconversion avec des clubs de Ligue 2. La reconversion, je commence forcément à y penser, je commence à me faire vieux.

Quand tu parles de reconversion, tu penses à devenir entraîneur ?Coacher, oui. Je vais passer mes diplômes en Angleterre. C’est un truc qui me branche bien. Intégrer un centre de formation par exemple, aider les plus jeunes, apprendre et gravir les échelons comme ça. Entraîner et jouer, c’est complètement différent.

Ton avantage, c’est que tu as souvent joué avec des coachs qui aiment le jeu : Pepe Mel, Jean-Marc Furlan, Philippe Montanier… Tu partages cette philosophie ?On m’a souvent collé cette image de joueur rugueux, mais, finalement, je ne pense pas avoir pris beaucoup de cartons rouges pour un défenseur central (cinq, ndlr). Pareil, pour les jaunes, et, si j’en ai pris, c’est surtout parce que j’ouvrais ma grande gueule. J’ai été formé à Clairefontaine, donc l’idée de repartir de derrière, la qualité de passe, c’est quelque chose qui me parle, oui, et qui me plaît. J’ai mon idée du football et peut-être que ça me servira pour le futur.

Pour parler un peu de la Pologne, tu n’es plus allé en sélection depuis février 2013. Tu as encore des contacts ?Non. Je n’ai plus de contacts. Je pense que c’est lié au fait qu’il y a eu un nouveau président de la Fédération depuis 2012 (Zbigniew Boniek, ndlr). Dès sa prise de fonctions, il a dit qu’il ne voulait pas des binationaux qui ne parlaient pas la langue. J’ai compris totalement. Je ne lui en veux pas. Après, je suis sélectionnable, j’ai mon passeport, je me sens polonais par ma grand-mère, donc je suis toujours là. Pourquoi pas ?

Il y a aussi eu cette histoire avec Jan Tomaszewski en septembre 2011 qui avait dit que tu n’étais qu’une « ordure française qui n’a pas réussi chez elle » . C’est quelque chose qui t’a fait mal ? Oui, ça m’a fait mal et ça s’est terminé devant la justice. Avant d’aller au tribunal, il avait retiré ses propos en public.

Quand je suis allé faire l’Euro, j’étais content, je représentais ma famille. C’était le bout d’un long travail où j’avais eu envie de retrouver mes racines.

Il s’est rendu compte qu’il était allé trop loin. Je me rappellerai toujours du moment où j’ai appris ça. C’était un matin, à Sochaux, on me l’avait dit dans le vestiaire. Ça m’avait choqué. Moi, j’étais fier de moi quand j’allais en Pologne. Quand je suis allé faire l’Euro, j’étais content, je représentais ma famille. C’était le bout d’un long travail où j’avais eu envie de retrouver mes racines. J’ai toujours été proche de ma grand-mère, surtout à mes débuts à Troyes où j’allais manger tous les midis chez elle. Elle commençait à me raconter son histoire et on avait élaboré, avec mon agent de l’époque, un travail pour remonter cette histoire. L’objectif était d’être éventuellement sélectionnable. Certains m’ont qualifié d’opportuniste parce que l’Euro arrivait, mais non. Je n’ai jamais été taper à la porte. On est venu me chercher, chez moi, à mon appartement de Belfort. On avait essuyé plusieurs refus des consulats et c’est reparti sur cette visite d’un délégué de la Fédération.

Tu te rappelles ton premier voyage ?C’était spécial, car personne ne devait savoir que j’étais là. Je suis arrivé à l’hôtel en pleine nuit et on m’a fait sortir tôt le matin pour que j’aille au ministère pour faire mon passeport. J’ai rencontré le Premier ministre de l’époque, j’ai passé toute la journée avec sa secrétaire pour faire les démarches, les photos… Je ne pouvais pas retourner à l’hôtel, car la presse était là, donc elle m’avait fait visiter la ville avec son chauffeur. C’était un peu bizarre comme première journée, mais, à la fin, j’avais mon passeport.

Tu te rappelles la réaction de la presse polonaise ?Le truc était de se demander qui on était allé chercher, est-ce qu’il a le niveau pour être là ? Après, c’était à moi de prouver sur le terrain, mais tout ça m’a aidé. On a pas mal échangé là-dessus avec Ludo Obraniak. Il connaissait les joueurs, ceux qui étaient pour ou contre la venue des binationaux, mais je n’ai jamais ressenti une mauvaise ambiance. Il y a peu, j’ai même recroisé Tomasz Kuszczak qui est aujourd’hui à Birmingham, j’avais l’impression d’être son ami de toujours.

On sait que tu es aussi un homme de foi. La religion, c’est quelque chose de central pour toi ?Mon histoire avec la religion a commencé à la mort de mon oncle quand j’avais treize ans. C’était quelqu’un que j’adorais, qui était pour moi quelqu’un de très fort. Cette perte a été un gros coup, surtout que je partais dans la foulée à Clairefontaine. En allant à l’église lors de l’enterrement, je ne te dis pas que ça m’a retourné le cerveau, mais ça a placé Dieu dans ma vie. À Sochaux, on avait des médecins qui étaient très pieux, on échangeait beaucoup.

Ma femme est très pieuse aussi. Moi, j’en ai besoin dans ma vie de tous les jours. J’ai besoin de cette force et je crois à une forme de destin.

Pareil avec mon meilleur ami qui est musulman pratiquant. C’est quelqu’un avec qui j’adore échanger autour de la religion. On a tendance à prier Dieu pour qu’il nous vienne en aide. Or, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Bafé Gomis disait récemment qu’il allait tous les jours à l’église parce qu’il en a besoin pour sentir cette force. Je ne te dis pas que je fais comme lui, je le fais souvent, mais quand on était à Toronto, j’allais avec mes enfants à la messe… Ma femme est très pieuse aussi. Moi, j’en ai besoin dans ma vie de tous les jours. J’ai besoin de cette force et je crois à une forme de destin.

Tu es dans les dernières années de ta carrière. C’est quoi justement ton destin, selon toi ?Je ne sais pas du tout. Je m’éclate ici, c’est certain, je prends du plaisir dans ce championnat, je fais de bonnes performances, j’ai deux ans de contrat, qui l’aurait cru à trente-deux ans ? L’Angleterre m’apporte ce fighting spirit. Il y a aussi cette ambiance où même en déplacement, en deuxième division, tu as mille personnes qui viennent. C’est rare. Le football est né dans ce pays donc, pour eux, leur football est le meilleur. Il faut continuer à les faire vibrer, surtout dans un club comme Nottingham, et c’est aussi notre boulot. Je ne me prends plus la tête à savoir où je serai demain. Je veux profiter de mes dernières années sur un terrain.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Maxime Brigand

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