Bilan des joutes françoises
La saison à peine commencée, les têtes sont vites tombées. Dont celle de Franck Passi, dit Franck le Faible, le fidèle écuyer de Marcel le Fou. En succédant à son suzerain, Franck n’a pas réussi à faire de Marseille une place forte de la soule française. Piteusement condamné à l’exil, il évite de peu d’être ébouillanté en place publique. Merci à la princesse Margarita, qui a choisi de le gracier pour son nosble comportement. Deux jours plus tard en Bretagne, Sylvain Ripoll, dit Sylvain le Fidèle, n’a pas la même chance. Après une nouvelle défaite face à Dijon, il est écorché vif, puis écartelé, puis éparpillé façon
jigsaw puzzle. La veille, le bailli de Lorient, Loic Féry, avait pourtant affiché un parchemin sur les remparts du port déclarant : «
Sylvain le Fidèle n’est point menacé. » Une félonie qui n’est pas sans rappeler celle dont le vil Ganelon fut coupable envers Roland à Roncevaux deux cent ans plus tôt. Au Parc des Capétiens, le Paris Saint-Germain n’est plus aussi à l’aise qu’en 1015. Le fait que l’équipe qui porte l’écusson de la capitale françoise soit dirigée par des Sarrasins dérange en haut lieu. Le comte de Lyon, Jean-Michel le Téméraire, crée même une affaire d’état en déclarant : «
Le sieur Charles Martel ne les a pas repoussés en 732 à Poitiers pour qu’ils reviennent dans nostre cité royale. »
Est-ce l’épidémie de peste bubonique qui frappa récemment la région ? Ou les invasions maures ? Toujours est-il qu’à Monaco, malgré le beau jeu offert par les hommes du maistre lusitanien Léonard du Jardin, et les prouesses en tournois de Kilyan le Précoce et Radamel le Revenant, les arènes ont du mal à faire le plein. Ce qui n’empêche pas l’escouade ligure de remporter le championnat de France. Et ce, malgré les doléances de Nasser Cousu d’or, le préfet de Paris qui s’insurge que Monaco ne soit pas soumis à la dîme royale comme les autres équipes du Royaume. Quoi qu’il en soit, après leur titre, de prodigieuses agapes attendent les vainqueurs sur le Rocher. Les cygnes parfaitement poivrés, les bœufs gras égorgés le matin même, les sangliers tout juste chassés, rien ne manque autour du banquet. Tout a été prévu pour que la fête soit belle. Troubadours et bouffons régalent l’assistance. Chacun se délecte du spectacle offert par les jongleurs et les montreurs d’ours. Le tsar Vadym a même envoyé de dodues prostituées slaves et de la vodka polonaise. Seul Kylian le Précoce ne semble pas festoyer pleinement. Avant la nuit tombée, il enfourche sa monture et se rend à la capitale. Il a été convoqué par Didier Petites Dents pour affronter les Anglois.
Le Languedoc est en deuil. Louis le Paillard n’est plus. C’est au cours d’un banquet somptuaire où l’hypocras coulait à flots que le duc de la Paillade a cassé sa pipe. Taquin, à l’heure du jugement dernier, il aurait incité Saint Pierre à se poignarder le crépion avec de la mangeaille. Il laisse derrière lui des milliers d’orphelins et une superbe collection de cottes de maille. Puisse Dieu veiller sur son âme. Celle de Simone l’immaculée aussi.
Bilan des joutes angloises
La Perfide est en alerte. À la surprise générale, les Renards ont remporté le tournoi de l’année 1015-1016 et les Anglois ont dû descendre quelques outres de cervoise pour accepter cette réalité. Mais dès la reprise, alors que la jacquerie est déjà éteinte et que la saison des moissons bat son plein, un nouvel esclandre secoue le royaume. Sam le Gras, tout juste nommé à la tête de la sélection angloise, doit faire face à un procès en sorcellerie. Soumis à la question et auteur d’une défense peu convaincante, il est condamné au bûcher par l’archevêque de Canterbury. Le peuple de Londres, trop occupé à festoyer autour des cendres encore fumantes du supplicié, ne réalise pas l’invasion viking en cours. Le Roy Edmond Côtes de fer en sera pour ses frais, vaincu par le Danois Knut qui lui prend le trône. Incapable de laver l’affront, il décède quelques semaines plus tard. De mort naturelle ? L’hypothèse de empoisonnement, à la mode cette année, n’est pas à exclure.
En tout cas, le peuple d’outre-Manche endeuillé ne demande qu’une grande et belle joute pour oublier le trépas du sire. Heureusement pour eux, Antoine le Conte avait tout prévu pour saccager les lignes ennemies. Entre Diego le Costaud pour transpercer les murailles et David Louis, Thibaut le Courtois et N’Golo sans Fatigue pour bétonner et assurer les grandes manœuvres, les Bleus de la Tamise ont trouvé l’équilibre parfait. Et tant pis pour José le Mou et ses hordes rouges, ou pour les Canonniers d’Arsène le Vengeur qui ont à peine eu droit aux miettes du festin. Mis à part ça, l’Angleterre nous a encore offert un spectacle indécent de dépenses inconsidérées. Mercenaires recrutés pour des soldes hallucinantes, prix beaucoup trop élevés pour entrer dans les arènes, pennies dépensés sans compter pour un oui ou pour un non… C’est peu dire que la monnaie a sonné et trébuché, pendant que les François se battaient à coups de transactions de quelques deniers.
Bilan des joutes germaniques
Les Teutons ne sont pas des gens compliqués. Ils aiment la stabilité et la régularité, et les grands seigneurs du royaume de Germanie répondent presque toujours au rendez-vous. Le comté de Mönchen, en plus de tirer de gros profits de la vente de sel, a vite pris le commandement des opérations pour ne plus lâcher le siège. Qui pour terrasser les hommes de Charles Ancelot ? Le pire, c’est que ce dernier veut faire croire à tout le monde qu’il est un cousin éloigné de Lancelot. Un usurpateur tout juste bon à jouer avec ses sourcils, mais qui a tout de même réduit ses adversaires au rôle de vassaux. Dortmund, place-forte aux armoiries jaune et noir, a encore baissé son pont-levis en signe de reddition et s’est même fait damer le pion par Leipzig, bourgade surprenante tenue par un marchand d’hydromel qui rend les chevaliers plus forts. Mordiable. Mais la fiabilité germanique a ses limites. Même s’ils construisent des carrioles que l’Europe entière leur envie, les hommes d’après le Rhin sont en difficulté dès qu’il s’agit d’emprunter les grands chemins et de faire route vers la France, les provinces italiennes ou l’Hispanie. À Madrid et à Monaco, Mönchen et Dortmund tombent sur le champ de bataille. Pas grave. Plus que cinq cents ans à attendre, et les Teutons se vengeront en envoyant Martin Luther, sa réforme et son protestantisme entre les pattes des autres royaumes européens qui ne sauront pas comment s’en défaire.
Bilan des joutes hispaniques
Les jongleurs et les ménestrels ont une nouvelle fois été à leur avantage. Le Lusitanien Cristian le Bien Coiffé, moins intrépide qu’auparavant, mais toujours aussi cruel au moment de tuer, n’a fait qu’une bouchée de ceux qui voulaient se mettre en travers de son chemin. Quant à Zinédine le Chauve, il a montré aux chansonniers et à tous les troubadours que l’on pouvait réaliser de grandes choses tout en restant silencieux. Une bonne nouvelle pour tous les coupables de crimes de lèse-majesté, parjure ou blasphème qui ont été condamnés à avoir la langue coupée. En Castille, en Aragon et dans le califat de Cordoue, ils ont été bien peu à pouvoir résister à la maison au fanion blanc. Même si les Catalans de Barcelone sont tombés les armes à la main, notamment grâce aux 37 gardiens occis par leur soldat le plus efficace, Lionel la Puce. Et que dire des assauts répétés de l’équipe d’Antoine l’Homme Gris, valeureux chevalier françois exilé de l’autre côté des Pyrénées qui ne rechigne jamais à croiser le fer. En vain.
Bilan des joutes italiennes
La Vieille Dame, ce qui en 1016 correspond à une femme âgée d’environ trente-deux ans, s’est défait de tous ses assiégeants. Naples, menacé aussi bien par les Byzantins que par le Vésuve, a dû calmer ses ardeurs légendaires et rentrer dans le rang. Rome, enfin remise de la chute de l’Empire et érigée au rang de capitale du monde chrétien depuis que les États pontificaux sont unis et puissants, a bien tenté quelques coups d’épée, dans l’eau. La cité papale était bien trop occupée à pleurer la retraite de François Tout, dit l’Éternel, qui, à quarante ans, a remisé sa côte de mailles au vestiaire. Son remplaçant, Edin le Slave, dangereux barbare venu des provinces macédoniennes, a eu beau trancher tête sur tête, celle de Jean-Louis le Bouffon est restée solidement plantée sur ses épaules.
Coupe des villes de foires
En coupe des villes de foires, c’est Turin, couronnée en ses terres, qui surprend toutes les cités d’Europe avec une tactique audacieuse : le château
fortaccio. Les Piémontais érigent une véritable forteresse devant leur propre but. Derrière les meurtrières, Sami le Teuton et Miralem de Tuzla cueillent les envahisseurs à coups d’arc. Dans les douves, Alex Sandro et Dani Alves ont le pied marin. Ils sont arrivés du Nouveau Monde en pirogue et noient les impudents. Et si les téméraires adversaires passent les deux premières lignes de fortifications, ils sont impitoyablement ébouillantés par les gardiens du temple, Andrea, Giorgio et Leonardo. Une fois les adversaires estourdis, Paulo le Divin et Gonzague au gros nez les achèvent sans coup férir. Mais Zinédine le Chauve connaît la ritournelle. Le comte de Madrid est familiarisé avec le château
fortaccio, lui-même ayant fourbi ses premières armes à Turin. Alors, en terre galloise, le jour de la finale, il sait que la forteresse piémontaise ne résistera pas à la puissance de feu de ses soldats. Il commence le siège du but de Jean-Louis le Bouffon. Après avoir affaibli les remparts adverses à coups de catapulte, il envoie un bélier forcer le pont-levis. Le ver est dans la pomme d’Ambre, Cristian le Bien Coiffé s’empare de la couronne. Sacré Graal.
Au fait, c’est quoi cette Coupe intercontinentale ?