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  • 24 décembre 1968… Le jour où George Best a gagné le Ballon d'or

Best 68 : Golden boy et Ballon d’or !

Par Chérif Ghemmour
6 minutes
Best 68 : Golden boy et Ballon d’or !

S'il n'a jamais disputé de Coupe du monde ou d'Euro avec l'Irlande du Nord, le grand George Best aura au moins été champion d'Angleterre et vainqueur de la C1 1968. C'est même grâce à elle que la rock star du foot remporta le prestigieux Ballon d'or cette année-là. Magnéto, Serge !

Plus Stones que Beatles

Pour ses 22 ans, Georgie (né le 22 mai 1946) s’était offert un beau cadeau d’anniversaire. Le mercredi 29 mai 1968, à Wembley, il inscrivit le but du 2-1 qui allait donner la victoire à Manchester United en finale de Ligue des champions contre Benfica (4-1 a.p). On jouait la deuxième minute de la prolongation (1-1) quand un long dégagement du gardien Stepney avait atterri sur le crâne d’Aston qui renvoyait la boule dans l’axe profond vers le génial n° 7 : Best se débarrasse de Jacinto aux 20 mètres avant de dribbler le gardien Henrique en crochet du droit et de pousser le cuir blanc du gauche au fond des filets… MU plantera encore deux fois (Kidd et Charlton) et remportera sa première C1 qui fut aussi la première pour l’Angleterre, un an après le Celtic, premier club britannique à décrocher ce trophée continental.

Bizarrement, ni le Benfica ni Man-U ne jouèrent ce soir-là avec leurs traditionnels maillots rouges. Lisbonne joua en blanc et les Red Devils… en bleu ! Mais en bleu foncé, pas en bleu clair comme les Citizens, faut pas déconner ! C’est donc le but de légende de Georgie qui restera pour l’éternité comme le fait de gloire ultime de cette finale. Et ce but pèsera lourd au moment du vote pour le Ballon d’or France Football 1968 sept mois plus tard. Et pourtant… Bobby Charlton avait inscrit un doublé, complétant son palmarès d’une C1 en plus de la Coupe du monde 66. Et que dire des deux arrêts d’Alex Stepney en toute fin de match, dont notamment cette reprise à bout portant d’Eusébio bloquée à la dernière minute de jeu ? Mais la vérité était ailleurs : en cette année 1968 explosive, comment ne pas distinguer un des symboles de cette jeunesse mondiale, rebelle, sexy et rock’n’roll ? Alors va pour George Best, première rock star du football, baptisé « Cinquième Beatle » pour ses cheveux longs, lui qui préfèrait les Rolling Stones…

Simply the Best…

L’Europe avait découvert cet ailier droit supersonique un soir de quart de finale retour de C1 1966, contre Benfica (déjà). À l’aller, à Old Trafford, MU avait peiné pour battre le géant portugais (3-2). Au stade de la Luz, le 9 mars 66, le coach Matt Busby avait martelé ses consignes : « Jouez serré, ne vous ruez pas vers le but adverse et gardez bien le ballon. » George Best fit exactement le contraire ! À l’image des Who dynamiteurs d’amplis, le foot-rocker de 19 ans fit exploser la défense du Benfica de ses raids dévastateurs : 2-0 au premier quart d’heure. Doublé de Best à la 6e et à la 13e ! Man-U l’emporta 5-1 et du jour au lendemain, le jeune Nord-Irlandais (on le croyait souvent anglais) devint rockstar à son tour. La presse portugaise flasha sur le beau gosse aux cheveux de jais et aux bleus yeux de loup et le baptisa « O quinto Beatle » .

Ce surnom pas si idiot lui restera acollé durant toutes les sixties. Désormais, la nouvelle vedette du foot britannique squatterait les unes des journaux pour un bon paquet d’années. L’immense Matt Busby avait confié à la fin de sa vie : « Chaque entraîneur cherche tout au long de sa vie un joueur exceptionnel, en priant pour qu’il finisse par le trouver un jour. Juste un. Et j’ai été plus chanceux que mes confrères en en trouvant deux : le regretté Duncan Edwards et George Best. » L’histoire est restée célèbre… Parcourant l’Irlande en 1961, le scout-recruteur de Manchester United, Bob Bishop, fit halte à Belfast où il découvrit un gamin de 15 ans pétri de classe, mais qui n’avait pas été retenu par Glentoran, grand club local. Bishop envoya alors à son boss Busby ce célèbre télégramme demeuré célèbre : « Je crois vous avoir déniché un génie » . L’affaire fut conclue rapidement : George signa pour Man-U. Mais il dut attendre deux saisons avant d’intégrer pleinement l’équipe première lors de la saison 1963-64.

La onzième fois…

Le reste appartient à la légende… Sorcier du dribble et sprinter droit au but, bon des deux pieds et intrépide malgré sa petite taille, il atomisa les défenses de D1 anglaise. Une terreur absolue qui faisait dire au grand Bill Shankly, coach des Reds de Lilly Pool, à ses gars : « Ne lui laissez jamais un centimètre. Il est intelligent, mais il est aussi costaud. Vous pouvez l’étendre une fois, vous pouvez l’étendre dix fois, mais à la onzième, c’est lui qui vous passera. » Bien vu, Billy ! Lors de la fameuse finale de C1 68 face au Benfica, les défenseurs firent de George du petit bois à au moins dix reprises. Mais la fine lame demeura silencieuse jusqu’à cette 92e minute où elle éventra l’arrière-garde lisboète. Georgie était tout simplement inarrêtable, s’ouvrant des percées que lui seul savait entrevoir dans le bloc massif adverse ou en s’envolant sur les ailes avant de crucifier le gardien. Inarrêtable sur les terrains et irrésistible avec les filles : elles tombent comme des mouches, beautés fatales, top models, Miss Monde…

De gamin timide débarqué de sa Belfast natale qui ne fréquentait que les salons de billard d’Old Trafford, il s’affiche désormais en boîte avec des canons, roule en Ferrari ou en Jaguar, suit assidûment la mode au point d’ouvrir un magasin de fringues. La coqueluche de la jeunesse anglaise est même invitée au célèbre rock show TV Top of the Pop en 1965. Moins glamour, certains notent déjà son goût immodéré pour l’alcool. Mais en décembre 1968, ça ne se sait pas trop au moment où le jury de France Football lui attribue le Ballon d’or. Il le recevra d’ailleurs quelques semaines plus tard au soleil d’Old Trafford, avant un match de MU. Sous les yeux de Busby, il porte haut son trophée personnel, entouré de deux autres lauréats du prix France Football, Dennis Law et Bobby Charlton, respectivement Ballon d’or 1964 et 1968. Best, Law et Chalton, The United Trinity

Johan après George…

Classé sept fois à la première place (sur 25 votants), Georgie eut pour principal rival son partenaire de club Bobby Charlton, cinq fois premier ! George Best totalisa 61 points, devant son aîné qui n’en obtint que 53. Après son cadeau d’anniversaire en mai, Best s’offrit donc un joli cadeau de Noël ! Il était écrit que le Ballon d’or n’échapperait pas à un Red Devil cette année-là. Et ce fut « the Best » qui l’emporta ! Bizarrement, après ce trophée, le Belfast Boy commencera à décliner lentement. À l’image de Manchester United qui ne gagnera plus le championnat avant 1993. Honte suprême, MU descendra même en D2 à la fin de la saison 73-74.

Noceur invétéré et alcoolique désormais « visible » , Georgie altèrera progressivement son talent malgré des perfs encore plus que correctes (meilleur buteur de MU en championnat anglais de 1967 à 1972). Mais surtout, peu de temps après avoir reçu son Ballon d’or en début 1969, un autre météore va ravager le foot européen et ringardiser Georgie pour de bon. En quart de finale retour de C1 69, un certain Johan Cruijff (22 ans, comme Best) de l’Ajax Amsterdam subjugue l’Europe en terrassant à lui tout seul le Benfica (tiens, tiens) au Stade de la Luz (3-1). À l’aller, l’Ajax avait perdu 1-3. Le match d’appui à Colombes consacrera (3-0 a.p) Johan Cruijff comme the next big thing avant que le MU de Best se fasse sortir en demies de cette C1 par le Milan AC. Johan, rock-footeux lui aussi et fumeur enragé, ira beaucoup plus loin que George. Mais ça, c’est une autre histoire…

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