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Simon Mignolet : « C’est à Bruges que j’ai atteint mon meilleur niveau »
Loin d’être fini à 37 ans, Simon Mignolet est aujourd’hui une légende vivante du Club Bruges. Ce mercredi, les Blauw en Zwart sont condamnés à créer l’exploit face à Aston Villa en Ligue des champions. L’occasion de revenir sur le projet sportif des Brugeois, mais aussi sur les années du portier belge à Liverpool entre 2013 et 2019.

Tu as fêté tes 37 ans cette semaine. Comment tu te sens, mentalement et sportivement ? Je me sens très bien. Je suis surtout heureux de maintenir mon niveau de performance année après année, je n’aimerais pas me sentir en déclin. Normalement, à 37 ans, tout le monde te parle de ta fin de carrière. Là, je joue au plus haut niveau en Ligue des champions, je suis bien physiquement, et il me reste encore une année de contrat à Bruges. Il est possible que je prolonge, ça va dépendre de comment je me sens d’ici là.
On aurait pu penser que tu étais sur la fin lors de ton retour en Belgique à l’été 2019, mais ton passage au Club Bruges s’est au contraire révélé être une grande réussite. Au moment où je suis revenu en Belgique, j’avais le sentiment que c’était trop tôt. J’avais 31 ans, j’étais remplaçant à Liverpool, ça me semblait être un pas en arrière. Mais je voulais à tout prix jouer, et le Club Bruges a été le seul à s’aligner sur la somme réclamée par Liverpool. Ils ont fait un gros investissement pour moi, tant au niveau du prix du transfert que du salaire. Je suis satisfait de le leur avoir rendu avec les années, avec notamment quatre titres de champion, des belles campagnes européennes et des récompenses individuelles (cinq fois gardien de l’année en Pro League, une fois meilleur joueur, NDLR). C’est à Bruges que j’ai atteint mon meilleur niveau. Les trois choses les plus importantes pour un gardien sont la confiance, l’expérience et le savoir-faire en matière de positionnement. Ces trois conditions ont été remplies quand j’étais ici.
En Belgique, on affronte chaque semaine un club qui dispute son match de la saison. C’est un peu plus facile pour nous de jouer en Europe.
Le Club s’est qualifié pour la finale de Coupe de Belgique et est en huitièmes de finale de C1. Seule ombre au tableau : l’actuelle deuxième place en championnat derrière Genk. Nous avons une équipe talentueuse, qui mixe des jeunes joueurs et un axe d’expérience composé de Brandon Mechele, Hans Vanaken et moi-même. En Belgique, c’est difficile de gagner chaque match, car nous sommes considérés comme la meilleure équipe et que tout le monde veut nous battre. Chaque semaine, on affronte un club qui dispute son match de la saison. C’est un peu plus facile pour nous de jouer en Europe. On fait face à des équipes qui veulent construire le jeu et qui laissent des espaces, ce qui n’est pas toujours le cas en Pro League. Les adversaires européens sont plus forts, bien sûr, mais c’est dans ce genre de matchs qu’on montre le plus nos qualités. C’est aussi un contexte où nous n’avons rien à perdre, ce qui permet à l’équipe de jouer de façon libre.
Qui est le plus gros crack à suivre à Bruges d’après toi ? Ardon Jashari. Il a eu des débuts compliqués ici, mais il s’est rapidement transformé. Dans le futur, il va jouer au plus haut niveau possible. Pareil pour Joel Ordóñez.
L’écart entre Bruges et le reste des clubs belges ne serait-il pas en train de se creuser ? Surtout avec la fin des play-off prévue pour 2026-2027…
Sur le plan économique, oui, la différence est claire. Mais au niveau sportif, il y a encore une bonne concurrence pour le titre. On le voit cette année : tout va se jouer en play-off entre Genk, Bruges, l’Union saint-gilloise, ou même une autre équipe. C’est spécial, les play-off, ça offre toujours un grand spectacle jusqu’au bout et ça permet aux joueurs de disputer de grands matchs, ce que l’on préfère par-dessus tout. Mais les supprimer, ça permettra aussi d’alléger le calendrier et ainsi de mieux préparer les matchs européens.
Ce mercredi, vous affrontez Aston Villa en huitièmes de finale de Ligue des champions après une défaite frustrante à l’aller (1-3). Qu’est-ce qui a coincé ?
Au niveau du contenu, on a fait une vraie performance. Mais contrairement aux matchs face à l’Atalanta en barrages, on n’a pas su concrétiser nos occasions. On a concédé un but contre son camp et un penalty évitable dans les dix dernières minutes. Perdre 1-2 n’aurait pas été un mauvais résultat ; là, ça va être dur à Villa Park. Mais si on marque rapidement, si on va en prolongation, tout est possible. On est à notre place dans cette compétition. Quand je repense à toutes les équipes que nous avons affrontées en phase de ligue (Borussia Dortmund, AC Milan, Juventus, Manchester City… NDLR), je considère que c’est Bruges qui présentait le système de jeu le plus solide.
Revenons sur tes années à Liverpool. Tu te souviens de ta première saison ? Oui, mon premier match (face à Stoke City, NDLR) était très spécial, un de mes meilleurs souvenirs. Toute ma famille était au stade, et j’arrête un penalty à la 89e minute pour valider une victoire 1-0. Cette année-là, je me retrouve directement dans une équipe qui se bat pour le titre, alors que je n’avais jusque-là joué qu’à Saint-Trond et Sunderland, deux clubs qui luttaient surtout pour le maintien. Avec le recul, il aurait été préférable que je joue dans une autre équipe qui joue la gagne avant de rejoindre Liverpool. Là, en une très courte période, j’ai dû apprendre beaucoup de choses, ce n’était pas idéal. Mon plus grand défaut en tant que gardien, c’est que j’ai commencé très tardivement. Quand je joue en Premier League à 23 ans (à Sunderland, NDLR), ça ne fait que huit ans que je suis dans les buts.
Happy Birthday, Simon Mignolet 🎉
Signed from Sunderland in 2013, the Belgian goalkeeper kept 6⃣6⃣ clean sheets in 204 #LFC appearances
Mignolet made an instant impact as a Red 🙌pic.twitter.com/Jjq165dtGG
— The Redmen TV (@TheRedmenTV) March 6, 2024
Tu n’as enfilé des gants qu’à l’âge de 15 ans ? En effet. Et en seulement deux ans d’expérience, je me suis retrouvé en équipe première à Saint-Trond. En tant que gardien, il y a eu beaucoup de situations durant des matchs où j’aurais pu être mieux positionné, mais seulement parce que je n’avais pas encore vécu la même situation auparavant. Ça a surtout été difficile au début de ma carrière, mais heureusement, j’ai une « bonne tête » pour assimiler beaucoup de choses en un court laps de temps.
Liverpool manque malheureusement le titre pour deux petits points. On se souvient tous de la malheureuse glissade de Steven Gerrard contre Chelsea lors de la 36e journée…
En réalité, on n’a pas perdu le titre contre Chelsea, mais une semaine plus tard, face à Crystal Palace. On mène 0-3 et on se fait rattraper dans le dernier quart d’heure, 3-3. On a pris un gros coup mentalement. Tu sens que tout s’effondre et tu ne peux rien y changer. Ça a été difficile de nous en remettre, mais année après année, on a amélioré l’effectif et on a changé les choses. Je suis arrivé dans une équipe en transition en 2013, et lors de mon départ en 2019, elle était devenue la meilleure d’Angleterre. Jürgen Klopp était un vrai meneur. Sa plus grande force, c’est qu’il connaissait le rôle de chacun. Mais on ne devait pas notre succès qu’à lui, le management en général était excellent.
Le football n’est pas toujours juste, logique ou honnête.
Lors de la saison 2017-2018, comment as-tu vécu le choix de Jürgen Klopp de privilégier Loris Karius au poste de gardien ?
C’est la seule déception que j’ai eue avec Klopp, parce que je n’ai pas reçu de véritable explication. Dans le vestiaire, je n’avais jamais eu le sentiment que ce n’était plus à moi de jouer. Le football n’est pas toujours juste, logique ou honnête, j’ai accepté ça, car cela fait partie du monde pro. J’ai mieux compris le choix de me mettre numéro 2 quand Alisson est arrivé en 2018. C’est un des meilleurs gardiens du monde, je n’ai aucun problème à dire qu’il était plus fort et que ce n’était pas à moi d’être titulaire.
Quand Karius se loupe en finale de Ligue des champions 2018, tu l’avais vécu comment, en tant que remplaçant direct ?
J’étais déçu, comme tout le reste de l’équipe. On gagne avec le groupe et on perd avec le groupe, ce n’était pas de la faute d’un gars. Je ne parlerai jamais en mal d’un ancien coéquipier. Un an plus tard, on a fini par gagner la Ligue des champions. Même si j’étais remplaçant, je sentais que je faisais pleinement partie de ce groupe.
À ce moment-là, tu étais aussi numéro 2 avec la Belgique derrière Thibaut Courtois. C’était difficile à vivre, d’être sur le banc en club comme en sélection ? C’était compliqué, c’est pour ça que je voulais vraiment trouver un autre club pour jouer tous les matchs. Mais tout comme Alisson, Thibaut est l’un des meilleurs gardiens du monde, c’est une figure. Tu dois tout faire pour l’aider et permettre au groupe d’en profiter. J’ai d’ailleurs une relation très amicale avec lui, on se parle encore souvent. En onze ans en équipe nationale, on a vécu des grands moments avec les Diables rouges, qui n’étaient pas grand-chose au début et qui ont fini en tête du classement FIFA. Bien sûr que j’aurais voulu être titulaire durant des grands tournois, mais tu ne peux jamais changer l’histoire, il faut juste l’accepter.
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Propos recueillis par François Linden