Shakespeare in love
L'ancien marseillais Jean-Jacques Eydelie vient de semer la discorde dans le petit monde du football hexagonal, voire européen. La faute à un entretien accordé à L'Equipe Mag le week-end dernier dans lequel "JJ The Kid" balance à tout va. Il jette ainsi l'opprobre sur le glorieux passé des Olympiens, rongé par la "culpavidité"...
Beaucoup de bruit pour rien ? Ce qu’il convient d’appeler désormais l’Affaire Eydelie, après l’Affaire OM-VA, pose une tonne de questions, sans y répondre. S’il y a bien quelque chose de pourri au royaume du foot français, ce sont tous ces silences. Tout le monde savait, parait-il, mais tout le monde a fermé sa gueule. De quoi faire passer le sud de l’Italie et son habitude de l’omerta pour une tradition d’enfants de cœur.
L’OM a t-il triché à un moment donné ? Certainement. Et Jean Fenandez le reconnaît : « Ce n’était pas pour gagner ce match, mais pour qu’il n’y ait pas de blessés. Tapie avait en effet peur d’une blessure, sachant que Goethals voulait faire jouer son équipe-type lors de ce match » .
Mais le club phocéen n’était probablement pas le seul. A-t-il payé sa faute ? Assurément. Et Bernard Tapie ? Probablement pas assez, mais après une décennie, il serait temps de passer à autre chose. Ce qui choque dans cette affaire, désormais, ce sont les réactions. Tout d’abord Eydelie : « Tricher était devenu une seconde nature » . Alors pourquoi donc n’expier ses péchés que maintenant et pas à l’époque ? Ne pas vouloir passer pour une donneuse en 1993. Soit. Mais ce n’est apparemment plus le cas. Un tel revirement semble douteux. Sauf dans un but lucratif, et Eydelie semble avoir besoin de blé. L’appel au secours se transforme donc naturellement en opération mercantile. Des deux côtés, on en fait vraiment trop. La vague d’amnésie qui frappe les acteurs de cette affaire est relativement comique. Sauzée nous la joue un peu trop vierge effarouchée. « Je ne juge pas l’homme mais je trouve difficile d’être juste devant un torchon. Cette histoire de piqûre, franchement, c’est lamentable et grotesque » . Et n’apprécie guère les accusations de dopage : « J’ai eu mon avocat. Je n’accepterai pas d’être sali de la sorte (…). Tout va être fait pour attaquer cette personne, qui ferait mieux de réfléchir de manière saine avant de balancer ce genre d’info » .
Quant à ceux qui retrouvent subitement la mémoire, ils sont tout autant risibles. Arsène Wenger savait…et le fait savoir, dans L’Equipe : « Ce sont des choses que je savais, que beaucoup de gens savaient. On parle ici de la pire période qu’a connue le football français. Il était gangrené de l’intérieur par l’influence et les méthodes de Tapie à Marseille. (…) Ce qu’Eydelie dit rejoint tout ce que les gens pensaient » . Et joue le chevalier blanc : « J’avais essayé d’alerter. Pour qu’on fasse attention. Je ne pouvais rien prouver. C’était très dur. À l’époque, on vivait dans le sentiment de la corruption et du dopage. Il n’y avait rien de pire que savoir que les dés étaient pipés » . Encore une victime du syndrome « j’ai tout vu, tout entendu ». Seulement, c’était en 1993 qu’il fallait causer. « J’ai eu des doutes et j’en ai fait part à certains d’entre eux. (…) Ce n’est même pas la peine de lever le pied. Il suffit de tirer un corner un mètre un peu plus à gauche ou un peu plus à droite, de ne pas être très bien placé. Ça suffit et on peut même donner l’impression de faire un bon match par ailleurs » . On a envie de crier « des noms ! Des noms ! » Et pourtant, cela ne l’avait pas empêché de déclarer au début des 90’s qu’il était impossible d’être champion face à l’OM. Mais pour la simple raison qu’il s’agissait d’une « équipe magnifique, avec des joueurs exceptionnels. Elle aurait pu se faire un palmarès sur ses seules qualités » .
Il n’en fallait pas plus pour que les Milanais, qui n’ont jamais accepté cette défaite, reviennent à la charge et profitent de la situation. Daniele Massaro saute d’ailleurs sur l’occasion : « Si ce qu’a dit Eydelie est vrai, Marseille doit être destitué de sa Ligue des Champions 1993. Et le trophée devrait être remis à l’AC Milan » . Tout comme l’avocat des Rossoneri qui requiert une enquête de l’UEFA : « Si l’UEFA ne le fait pas, nous le ferons » . Ces déclarations l’étonnent malgré tout. « Pour le moment, il faut rester très prudent. Un joueur qui, de son propre chef, révèle de telles pratiques, c’est rare » . Et ce qui est rare est cher.
VR
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