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L’insaisissable Hamza Igamane
Pour l’instant remplaçant d’Olivier Giroud au LOSC, Hamza Igamane a tout pour cartonner en Ligue 1 et avec le Maroc. Le néo-international a récemment beaucoup fait parler de lui par ses buts plein de spontanéité et de puissance. Il faut revenir au commencement pour comprendre la trajectoire qu’il connaît aujourd’hui. Suivez-nous.

C’est l’histoire d’un jeune homme (22 ans) qui aime montrer très vite qu’il n’est pas là pour rigoler. Première entrée avec le LOSC, fin août, à la mi-temps, à Lorient : doublé, dont une chevauchée avec des appuis qui rappelaient le grand Ronaldo Fenomeno. Six jours plus tard : il vient de commencer sa carrière internationale avec le Maroc qu’il décolle plus haut que tout le monde pour inscrire son premier but après trois minutes de présence sur le terrain face au Niger. Sans compter cette incroyable demi-volée des 30 mètres dans la foulée en Zambie. « C’est quelqu’un qui a encore beaucoup de fraîcheur mentale car il est arrivé tard dans un centre de formation, analyse Fernando Da Cruz, son ancien entraîneur à Rabat. C’est cette fraîcheur qui lui permet d’être spontané dans le jeu. Il ne se pose pas de questions. »
Et que vive le football de rue
La fusée Igamane est lancée et c’est à se demander où elle va s’arrêter. Lui qui a débarqué en Europe il y a à peine un an quand les mythiques Glasgow Rangers ont aligné un peu plus de 2 millions d’euros pour le faire venir. Un grand saut dans la marmite du foot européen pour celui qui n’a jamais douté de lui, mais qui vient de loin. Témara, exactement, dans la région de Rabat. Et le quartier populaire de Massira 2. Soufiane Ringa tombe sur lui, un jour de 2012. Igamane a 10 ans, à peine : « Il jouait dans la rue, un trois contre trois avec des petits buts. J’ai tout de suite été impressionné par sa manière de jouer, son aisance avec le ballon. Techniquement, il avait déjà un tir puissant, un excellent jeu de tête. Et, mentalement, ce qui ressortait, c’était sa motivation, sa confiance en lui, son leadership naturel. »
J’étais parfois pieds nus avec les cailloux. Il y a beaucoup de talents dans les rues marocaines. Il faut aller voir. Ils n’ont pas forcément la chance que j’ai pu avoir.
Le formateur sent qu’il vient de tomber sur un joyau : « Ce jour-là, je lui ai demandé de me présenter son père pour qu’il puisse intégrer mon équipe. Son père m’a répondu simplement : “Tu peux le considérer comme ton fils.” » « J’ai joué dans les rues populaires du Maroc, racontait Igamane en arrivant au LOSC. J’étais parfois pieds nus avec les cailloux. Il y a beaucoup de talents dans les rues marocaines. Il faut aller voir. Ils n’ont pas forcément la chance que j’ai pu avoir. Je suis un exemple pour tous ces jeunes-là. »
⚽ Hamza Igamane marque sur son premier ballon ! #lequipeFOOT pic.twitter.com/K7sKF9A62H
— L'Équipe (@lequipe) September 5, 2025
Un quartier d’enfance qu’il n’a pas du tout oublié. « Ce n’est pas un quartier chic, raconte Nasreddine Nabi, son ancien coach à Rabat. Il aide beaucoup les familles et ses amis là-bas. » Sous la houlette de Soufiane Ringa, Igamane intègre une première structure, avant de jouer pour le Wydad Temara. « On s’entraînait sur un terrain en terre battue en plein milieu de la forêt du quartier, dévoile Ringa. Avec lui, j’ai beaucoup insisté sur le travail individuel devant le but, car il avait déjà cette soif de marquer et de progresser. »
Il a fallu qu’il se batte pour exister, et il savait que le foot était la principale manière de s’en sortir.
C’est en 2019 que tout s’accélère, quand il rejoint un centre de formation à 16 ans. Et dans le club le plus cher à son cœur : l’AS FAR de Rabat. « Un des avantages du Maroc, constate Fernando Da Cruz, c’est que le football de rue est encore très présent. Il faut être honnête : on l’a développé et accompagné à partir de 16 ans, mais lui est arrivé avec un bagage acquis principalement dans ce football de rue. Là, il fallait lui donner les règles du foot à onze, qu’il appréhende les grands espaces et les associations avec ses partenaires. » Mais Fernando Da Cruz a également vite compris la motivation intérieure de son poulain : « Il n’est pas issu d’une famille aisée. Il a fallu qu’il se batte pour exister, et il savait que le foot était la principale manière de s’en sortir. Il avait aussi cette faim de réussir pour ça. Il sait d’où il vient. Sa maman a toujours été derrière lui et il est très attaché à son passé, à son quartier. » « Il était très fier de me montrer où il jouait à Rabat, le stade, les supporters, confirme Nicolas Raskin, ancien coéquipier aux Rangers. Tu sens qu’il a beaucoup de fierté à représenter là d’où il vient. Il avait aussi très hâte de jouer pour le Maroc. »
Igamane, Adriano et Ronaldo
Mais, à l’image de ses débuts au LOSC ou avec les hommes de Walid Regragui, n’allez pas croire que tout a été simple pour celui qui appréciait Ronaldo R9, George Weah ou encore le Roi Pelé dans sa jeunesse. La transition vers l’équipe première de l’AS FAR se fera en deux temps. « Iga » l’intègre, avant d’être rétrogradé en réserve. Avec les blessures qui n’arrangent rien et qui ne lui permettent pas de trouver son rythme de croisière pour performer. Fernando Da Cruz le récupère : « Il avait pris un coup sur la tête. On ne comptait pas sur lui. À côté, il avait quelques kilos en trop. Il a fallu le remobiliser en Espoir, lui faire comprendre qu’il ne fallait pas qu’il lâche. Il a vite senti qu’on s’occupait de lui. Il a mis 30 buts. »
Deux buts réussis pour Hamza Igamane 🇲🇦🫡 pic.twitter.com/MwTj2JqA6B
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Igamane gagne la Coupe du Maroc avec le FAR, puis la CAN U23 avec les jeunes Lions de l’Atlas, même s’il se blesse en demi-finales face au Mali, ce qui lui fait rater la finale. Il manque trois mois de compétition derrière, mais garde le cap. Fernando Da Cruz est nommé coach de l’équipe première dans la foulée et emmène Igamane sous son aile. « J’ai toujours cru en lui. Je lui avais dit qu’il avait les caractéristiques pour jouer en Europe et j’avais annoncé à mon président qu’on avait le meilleur avant-centre du championnat marocain et peut-être, un jour, celui de la sélection nationale. » Nasreddine Nabi prend ensuite les rênes du FAR. Avec encore un pépin physique qui empêche Hamza Igamane de bien finir la saison. « Son absence nous a coûté, souligne le technicien. On finit à un point du Raja Casablanca. L’avoir perdu a beaucoup influencé le fait qu’on n’ait pas été champions. »
Il pouvait y avoir des moments où tu te disais : “Ah, ça manque un peu de propreté.” Mais il enchaînait par un truc incroyable. Pour finalement lui lancer : “Tu sais quoi ? Fais comme tu le sens, Hamza.”
Le Tunisien retient un garçon « d’une grande éducation. Il avait les couleurs du club dans le sang et avait de grandes ambitions. Physiologiquement, il a peut-être tendance à prendre très vite s’il ne fait pas attention. Mais c’est un faux problème. » Fernando Da Cruz reconnaît qu’il a fallu le surveiller : « Il est un peu gourmand, Igamane, sourit-il. On faisait très attention. Il sera toujours massif. Aujourd’hui, il faut qu’il fasse attention à la prise de poids. C’est un physique qui lui sert pas mal. Dos au jeu, il est difficile à gérer. Dans le duel, il tient sur ses jambes, il résiste à la charge adverse. Il faut qu’il puisse se servir de cette morphologie dans son jeu de corps. » Igamane a même pu être comparé à… Adriano et Ronaldo. « Des similitudes, oui, avance doucement Da Cruz. La comparaison peut exister, mais ça s’arrête là ! »
Dans les pattes de Giroud
Hamza Igamane s’envole donc pour l’Écosse à l’été 2024, pour écrire son histoire, mais sans jamais oublier ce qu’il vient de vivre. « L’AS FAR, c’est mon club d’enfance et de cœur, disait-il au 360 Sport. Sans lui, Hamza Igamane n’en serait pas là aujourd’hui. Je lui serai reconnaissant toute ma vie. » Onze buts en Scottish Premiership, dont celui de la victoire dans les dernières secondes d’un Old Firm face au Celtic (3-2). « Hamza, c’est un talent, reconnaît Nicolas Raskin. Quand il est arrivé, on a vu qu’il avait un truc en plus que les autres. Il avait le flair. Il sentait les coups. Il faisait des choses que peu de gens savent faire dans des moments inattendus. Face au Celtic, tu te demandes ce qu’il fait, tu le vois s’enfermer… Puis il te la met en lucarne, tu te dis “waouh !” »
L’illustration qu’il ne faut surtout pas brider le garçon. Raskin continue : « Il pouvait y avoir des moments où tu te disais : “Ah, ça manque un peu de propreté.” Mais il enchaînait par un truc incroyable. Pour finalement lui lancer : “Tu sais quoi ? Fais comme tu le sens, Hamza.” Dans la vie, les choses bien arrivent aux gens bien. Il le mérite. » En Écosse, Igamane a ajouté quatre pions en Ligue Europa (dont deux à Nice). Avec, derrière, un transfert à moins de 12 millions d’euros, seulement, serait-on tenté de dire. « Il a des qualités de plus en plus rares dans le football en général, pose Nasreddine Nabi. Cette puissance, avoir une bonne technique et cette rapidité. Je pense qu’il va exploser à ce niveau. » Dans combien de temps Hamza Igamane va-t-il mettre Olivier Giroud sur le banc ? Vous avez quatre heures.
Il n’y avait pas penalty pour Lille contre l’OLPar Timothé Crépin
Tous propos recueillis par TC