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Thomas Frank, à la croisée des chemins
Pour son premier match à la tête de Tottenham, Thomas Frank a déjà l'occasion de remporter un trophée : la Supercoupe d'Europe face au PSG. Son prédécesseur, Ange Postecoglou, avait sauvé son bilan lors de sa dernière sortie, en soulevant la Ligue Europa. Le Danois arrivé de Brentford ne compte de toute façon pas suivre ses traces.

Ses cheveux au vent lui donnent un air de Willem Dafoe – plutôt version Spider-Man que Nosferatu -, mais Thomas Frank a l’air plus posé et méthodique que le Bouffon vert. À 51 ans, le nouvel entraîneur de Tottenham s’apprête à entrer dans la cour des grands, ce mercredi soir, en affrontant le Paris Saint-Germain en Supercoupe d’Europe. Pour son premier match officiel à la tête des Spurs, il se trouve face à une montagne, mais ne devrait pas être inquiété outre-mesure en cas de chute tant la différence entre les deux équipes paraît abyssale. Il joue néanmoins déjà gros dans un club qui compte se restructurer à vitesse grand V et qui n’a pas pour habitude d’attendre trop longtemps.
Rupture et longévité
En mai dernier, ce n’était pas lui sur le banc de Tottenham lors de la morne finale de Ligue Europa remportée face à Manchester United, mais Ange Postecoglou. Arrivé dans le nord de Londres avec une sacrée pelletée d’espoirs placés en lui, l’Australien n’a jamais vraiment réussi à mêler résultats et beau jeu. La victoire européenne n’a pas suffi à convaincre les dirigeants de le garder, notamment en raison d’une piteuse 17e place en Premier League. Moins médiatisé, Thomas Frank tranche clairement avec son prédécesseur et n’a pas hésité à remettre en cause certains principes mis en place ces deux dernières saisons. Quand Postecoglou charmait par quelques mots-clés enthousiasmant autour du jeu offensif, le Danois n’a pas peur d’évoquer avant tout la défense ou de mettre en avant une tactique « brutale » et « robuste ». Il est pourtant loin d’être un adepte du bus devant la surface, mais fait partie de ces nouveaux coachs caméléons, capables de passer du contre-pressing à la possession plusieurs fois par saison, en fonction de l’adversaire. Un pragmatique, un vrai, qui se décrit comme « terre à terre » et qui veut sans doute prouver que vivre avec ses idées restera toujours mieux que mourir en se reniant.

À Tottenham, il va surtout devoir survivre. Il est effectivement le sixième coach en six ans à passer sur le banc de ce club, après Mauricio Pochettino, José Mourinho, Nuno Espírito Santo, Antonio Conte et Ange Postecoglou (sans compter les intérims de Ryan Mason et Cristian Stellini) alors qu’il a pourtant fondé son succès sur la base de la stabilité. Thomas Frank, qui n’a jamais atteint le niveau professionnel en tant que joueur, a commencé par entraîner les catégories jeunes de nombreux clubs danois, en même temps qu’il devait jongler avec ses études de psychologie, son rôle de père de deux jeunes enfants et la recherche d’argent. Entré dans le giron fédéral en coachant les U16, U18 et U19 nationaux, il est ensuite passé au centre de formation de Brøndby IF et a pris les rênes de l’équipe première durant trois saisons, entre 2013 et 2016. S’ensuit la découverte de l’Angleterre et deux années comme adjoint de Dean Smith à Brentford avant de lui prendre sa place et de rester en poste de 2018 à 2025 avec une constance qui force le respect : plus grande longévité de l’histoire du club, une moyenne de 1,51 point par match en 317 rencontres, une montée en Premier League après 74 ans d’absence, des maintiens crânement acquis et une neuvième place en 2022-2023 lors d’une saison où les Bees avaient coupé la tête des mastodontes du championnat.
Ne pas suivre l’exemple de Graham Potter
La suite logique voulait que celui qui a mis sur les bons rails la BMW (Saïd Benrahma, Bryan Mbeumo et Ollie Watkins), Ivan Toney ou encore Yoane Wissa arrive dans un club plus structuré et avec des ambitions supérieures. « C’est juste une question de temps avant qu’il ne rejoigne un club de plus gros calibre. Je suis bon dans quelques domaines, dont celui de savoir quand un entraîneur est bon. Cela va arriver », prophétisait Pep Guardiola en septembre 2024. Le Danois a déjà battu deux fois le technicien de Manchester City et l’a tenu une fois en échec en huit confrontations, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Ce transfert vers l’un des habituels pensionnaires du haut de tableau est donc arrivé douze ans après ses débuts dans le monde pro, grâce notamment à Johan Lange, directeur exécutif danois de Tottenham, qui l’a lancé au B af 1893, à un moment où il pensait pourtant arrêter d’entraîner pour se consacrer à un métier plus lucratif dans l’enseignement.
Son cursus universitaire, ses débuts dans le football scandinave, l’apprentissage dans un club modeste de Premier League avant le départ vers un géant anglais rappelle énormément le parcours de Graham Potter. Son passage de Brighton à Chelsea, en 2022, s’est transformé en échec cuisant et tous les espoirs autour de cet OVNI ne sont plus devenus que des déceptions. Aujourd’hui à West Ham, l’Anglais de 50 ans à qui on promettait les bancs d’Arsenal et de la sélection nationale peine à relancer sa carrière et à digérer ses sept mois chaotiques chez les Blues. Recruté pour 25 millions d’euros, Potter est toujours l’entraîneur le plus cher de l’histoire du pays, mais voit Frank revenir en troisième position de ce classement honorifique, après les 11,5 millions déboursés par Tottenham pour s’offrir ses services. Pas encore suffisant pour que ce spécialiste des relations interpersonnelles ne se démonte. Pour sa première décision forte, il n’a pas hésité à sanctionner Yves Bissouma pour une accumulation de retards et à s’en priver pour affronter le PSG. Une certaine vision du pragmatisme.
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