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Corinne Diacre : « Mon caractère, je l’ai et je le garderai toujours »
Débarquée à la tête des Marseillaises, Corinne Diacre va diriger ce samedi face au Paris FC son premier match de championnat depuis 12 ans. Remise en question, Waddle, ambitions pour le club et jardinage : aucun sujet n’a été éludé par l’ancienne sélectionneuse des Bleues.

Comment avez-vous vécu les deux années qui se sont écoulées depuis votre éviction des Bleues ? Qu’avez-vous fait durant cette période ?
Beaucoup de choses. Déjà, je suis restée au contact du foot de haut niveau avec des missions diverses et variées à l’UEFA et à la FIFA. J’ai fait aussi des observations de matchs de Ligue des champions féminine. Je me suis ressourcée également dans le football amateur, puisque j’avais repris une licence dirigeant dans mon club de cœur qui était et qui restera Soyaux. Je faisais office de directrice sportive, avec un suivi des éducateurs. Au-delà de ça, j’ai perfectionné mon anglais. Enfin, c’est peut-être un peu présomptueux de le dire comme ça : j’ai continué mes cours d’anglais. J’ai fait beaucoup de jardinage aussi, ça m’a permis de mettre les mains dans la terre. Ça m’a fait beaucoup de bien. Et puis, je me suis reposée puisque j’avais du temps pour le faire. J’ai profité du temps, des amis qui étaient autour de moi et que je vois peu d’habitude, puisque quand on est en poste, c’est plus difficile.
Je sais ce qui a permis à Corinne Diacre de réussir, que ce soit chez les garçons ou en équipe nationale. Je me suis remise en question, mais je ne pense pas avoir changé.
Après la fin de votre expérience en sélection, est-ce que vous avez remis en question votre management ou votre manière d’aborder un groupe ?
Je me suis remise en question, mais pas uniquement sur ce point-là. Ma remise en question a été globale. Je ne sais pas si toutes les parties ont fait la même chose, mais en tout cas j’ai deux ans de plus, donc j’ai un peu plus de maturité aujourd’hui. Je sais ce qui a permis à Corinne Diacre de réussir, que ce soit chez les garçons ou en équipe nationale. Je me suis remise en question, mais je ne pense pas avoir changé. Mon caractère, je l’ai et je le garderai toujours. C’est ce qui me permet d’avancer au quotidien, dans ma vie et c’est ce qui me permettra encore d’avancer ici à l’Olympique de Marseille.
En mars 2024, vous aviez déclaré que vous ne regardiez plus la Première Ligue et que vous privilégierez un challenge à l’étranger. Pourquoi avoir finalement opté pour un club féminin français ?
Oui c’est vrai, c’est ce que j’avais dit à l’époque, mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Le projet des Marseillaises est arrivé et, très sincèrement, il m’a plu dans sa globalité. Le projet autour de l’équipe professionnelle bien évidemment, mais aussi celui autour de l’académie. Cette identité me plaît, même si mon rôle principal aujourd’hui, c’est de m’occuper de l’équipe professionnelle.
L'Olympique de Marseille est ravi d'annoncer la signature de 𝗖𝗼𝗿𝗶𝗻𝗻𝗲 𝗗𝗶𝗮𝗰𝗿𝗲 au poste d'entraîneure des Marseillaises. ✍️🔵⚪️ Plus d'infos 👉 https://t.co/O1KnI2DxwN pic.twitter.com/feLW0MVZeU
— Les Marseillaises (@OMfeminines) October 6, 2025
Que ce soit à Soyaux (2010-2013) ou à Clermont (2014-2017), vous avez toujours évolué dans des clubs avec des budgets serrés. Cette fois à Marseille, il y a des moyens et de l’ambition. Comment vous le vivez ?
Je crois que c’est plus facile de s’adapter dans ce sens-là que dans l’autre. (Rires.) Plus vous avez de budget, mieux c’est. Maintenant, je crois que c’est comme quand on gère son compte en banque. L’idée, c’est d’être malin, malgré tout, et c’est de faire un peu d’économies et de penser à demain, quand même. Il faut dépenser intelligemment. On avait quand même réussi à le faire à Clermont avec Claude Michy. Il faut prendre en compte le contexte. Quand on n’a pas beaucoup d’argent, il ne faut pas être dépensier. Et quand on en a, il faut être malin. Je m’adapte à chaque situation.
L’avantage que l’on a ici, c’est qu’on a du beau temps tout le temps et on voit les gens avec la banane sur le visage tous les matins. Ça donne la pêche pour venir bosser.
Vous parliez de l’ADN OM lors de votre conférence de présentation. Comment le définiriez-vous ?
Déjà beaucoup de passion, du cœur, beaucoup d’envie. Je crois qu’ils n’ont pas besoin de moi pour mettre de l’exigence. Je trouve que l’avantage que l’on a ici, c’est qu’on a du beau temps tout le temps et on voit les gens avec la banane sur le visage tous les matins. Ça donne la pêche pour venir bosser. Tout simplement, j’ai trouvé des gens chaleureux, je n’ai pas rencontré beaucoup de monde à l’extérieur du Campus, mais le peu que j’ai rencontré, tous les gens m’ont saluée, m’ont souhaité la bienvenue. J’ai trouvé des gens très bienveillants et très chaleureux.
Il y a la volonté de créer une identité propre à cette équipe féminine, au-delà de l’OM, à travers le nom des Marseillaises. Qu’en pensez-vous ?
Je trouve ça vraiment positif. Ça évite d’accoler le mot « féminin » au nom du club. Là, c’est tout le nom qui est féminisé et quand on parle « des Marseillaises », personne ne se pose la question de savoir qui c’est. La communication à ce niveau-là est très bien passée, au point que le peuple marseillais peut s’identifier complètement à cette appellation.
Vous retrouverez samedi le championnat français pour la première fois depuis 12 ans, devenu entre-temps professionnel. Quels changements avez-vous remarqués ?
Je ne le redécouvre pas vraiment. Quand j’étais sélectionneuse, j’étais souvent présente aux matchs ou en tout cas présente devant mon poste de télévision. À l’époque, c’était un peu mieux diffusé qu’aujourd’hui. Sur la professionnalisation, je n’ai pas suffisamment d’éléments pour juger le niveau du championnat, puisque la création de la ligue professionnelle est jeune. Aujourd’hui, le fait d’être chez les Marseillaises, ça va me permettre de pouvoir porter un jugement un peu plus précis d’ici quelques matchs, quelques semaines.
De la même manière, ça fait 8 ans que vous n’avez plus connu la vie d’un club, forcément différente de celle d’une sélection. Êtes-vous prête ?
C’est deux métiers différents, ça c’est sûr. Après quand vous avez un groupe sous la main, vous faites la même chose, que ce soit en sélection ou en club. Sauf qu’en sélection, vous avez moins le temps pour travailler, il faut aller à l’essentiel. L’avantage du club, c’est que vous avez votre groupe tous les jours, vous êtes au quotidien avec lui. Dans tous les cas, entraîner, c’est comme le vélo, ça ne se perd pas. En tout cas, il ne m’a pas fallu longtemps pour me remettre dans le bain. Je prends beaucoup de plaisir à être sur le terrain au quotidien.
Si j’ai une Marseillaise qui est sélectionnée, je serai d’autant plus attentive aux résultats de l’équipe nationale.
Le prochain rassemblement des Bleues est prévu pour la fin du mois d’octobre. Vous vous y intéresserez ?
Oui, bien sûr, comme j’ai regardé les dernières compétitions dans leur ensemble. Et si j’ai une Marseillaise qui est sélectionnée, je serai d’autant plus attentive aux résultats de l’équipe nationale.
Dans un entretien vidéo publié l’année dernière, vous aviez confié vous inspirer de Luis Enrique, Gian Piero Gasperini et Pep Guardiola, trois entraîneurs avec des philosophies de jeu assez éloignées. Mais vous, quel est votre style ?
Dans l’immédiat, le projet, ça va être de gagner des matchs, de prendre des points pour se maintenir le plus rapidement possible. Pour ce qui est du projet de jeu que je veux mettre en place, ça prendra un petit peu de temps. On est un peu dans l’urgence avec la préparation des matchs du week-end, donc l’essentiel, c’est d’être efficace dans les deux surfaces. Je vais m’attacher à observer les adversaires, à appliquer un plan de jeu pour les contrer, tout en mettant en place quelques principes qui collent au projet des Marseillaises et qui collent surtout aux qualités de mes joueuses.
Vous êtes réputée pour avoir lancé dans le grand bain plusieurs jeunes joueuses, durant vos années à la tête des Bleues. Comment comptez-vous utiliser les jeunes de la formation marseillaise ?
Je vais en discuter avec le directeur sportif, Antoine Ferreira, et le directeur de la formation, mais c’est l’objectif à moyen terme. Aujourd’hui, ce serait bien aussi, mais je ne sais pas si les joueuses sont prêtes. Déjà, on a toutes les semaines des jeunes joueuses qui intègrent les entraînements du groupe pro, pour leur montrer comment on travaille, pour leur montrer l’exigence qu’elles doivent avoir pour signer leur premier contrat pro à l’OM. C’est tout le mal que je leur souhaite, de pouvoir intégrer le groupe pro assez rapidement cette saison, sinon la saison prochaine.
Je ne sais pas ce que les joueuses ont lu, vu ou entendu sur moi. En tout cas, je ne les ai pas trouvées effrayées en me voyant.
Vous avez hérité au début du mois d’un groupe de joueuses que vous n’avez pas choisi, que vous découvrez petit à petit. À l’inverse, les joueuses ne connaissaient de vous que ce qu’elles ont lu, vu ou entendu de vos expériences passées. Comment s’apprivoiser et partir sur de bonnes bases ?
J’ai été moi-même. Après, je ne sais pas ce que les joueuses ont lu, vu ou entendu. En tout cas, je ne les ai pas trouvées effrayées en me voyant. Ça, déjà, c’était plutôt un bon point. Et puis, je suis restée moi-même avec de l’envie et surtout l’envie d’être performante rapidement, puisque c’est ce que je demande à mes joueuses. En règle générale, ce que je leur demande, je me l’impose aussi. C’est ce qu’on a fait avec cette première victoire à Rodez (1-2, en Coupe LFFP). Même si sur le contenu, je pense qu’on aurait pu mieux faire, vu le contexte, c’était important de ramener cette victoire.
« 𝑀𝐴𝑅𝑆𝐸𝐼𝐿𝐿𝐸, 𝐽𝐸 𝐶𝐻𝐴𝑁𝑇𝐸 𝑃𝑂𝑈𝑅 𝑇𝑂𝑁 𝐶𝐿𝑈𝐵, 𝐴𝐿𝐿𝐸𝑍 𝐿’𝑂𝑀 ! » 😍 𝐏𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞̀𝐫𝐞 𝐯𝐢𝐜𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞 𝐬𝐨𝐮𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐮𝐥𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐝𝐞 𝐥’𝐎𝐌 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐂𝐨𝐫𝐢𝐧𝐧𝐞 𝐃𝐢𝐚𝐜𝐫𝐞 : plongez-vous au coeur du groupe en déplacement à Rodez pour le 2nd… pic.twitter.com/Dkwv4hD5bk
— Les Marseillaises (@OMfeminines) October 13, 2025
Vous expliquiez lors de votre arrivée que le club vous avait choisi pour votre rigueur. Comment se manifeste-t-elle ?
La rigueur, je la mets sur le terrain, mais aussi dans toute ma préparation. J’essaye de ne rien laisser au hasard, d’anticiper un maximum de choses. Dans mon fonctionnement personnel, c’est important. Je n’aime pas être dans l’urgence, donc anticiper, ça permet de ne pas être perturbé par les imprévus, le moins possible en tout cas. C’est un peu quotidien et c’est ce que j’essaye de faire dans l’analyse de l’adversaire et sur la conception de mes séances.
Cette saison, le club a opté pour une médiatisation accrue avec notamment des insides qui sont filmés lors de chaque rencontre. Comment vivez-vous ça ?
Très bien. Après, il y a inside et inside. À partir du moment où c’est contrôlé, maîtrisé, et qu’on renvoie une image positive, ça ne me pose pas de problème. Aujourd’hui, c’est vrai que la médiatisation est importante, on ne peut pas faire sans, mais il ne faut pas que ça nuise à l’identité de l’équipe.
Chris Waddle était l’une de vos idoles quand vous étiez plus jeune. C’était donc lui, votre premier lien avec l’OM ?
C’est vrai que quand j’étais gamine, plus que de suivre des équipes, j’aimais les joueurs. Surtout les joueurs offensifs. Chris Waddle, il avait un enchaînement de passements de jambes, de dribbles qui était absolument incroyable. Et c’est vrai qu’à un moment donné, je me suis identifiée un peu à l’OM. J’avais demandé à mes parents qu’ils m’achètent la tenue de Marseille, et je l’ai eue. Il n’y a pas eu après d’autres joueurs de Marseille, parce qu’à Marseille, il n’y en avait qu’un, c’était Chris. Après, j’ai eu Philippe Fargeon, à Bordeaux. Pas forcément des joueurs très connus ou reconnus, mais avec un talent à un moment donné et des performances. Je m’étais identifiée à ces joueurs-là.
Corinne Diacre vise la Ligue des champions avec les MarseillaisesPropos recueillis par Léna Bernard, à Marseille