- Mercato
Comment foirer son mercato en cinq leçons
Ça a beau être chaque année la même musique, le mercato reste une grande foire aux illusions dans laquelle certains clubs recyclent les mêmes erreurs sans jamais apprendre. Voici la recette parfaite pour claquer beaucoup... et n’importe comment.

→ Faire confiance aux highlights sur YouTube
On n’apprend rien à personne : tout ce que vous voyez sur Internet n’est pas forcément vrai. Et il en va de même pour les compilations de skills qu’on retrouve sur les réseaux. Recruter en se fiant à une vidéo postée par un obscur twittos vous vendant le prochain Neymar, c’est à peu près aussi fiable que de commander un iPhone à 40 euros sur Wish ou AliExpress. Parce que s’il y a bien un sport où l’on peut faire passer n’importe quel joueur lambda pour un crack, c’est celui-ci. Prenez Nicolas Pallois, par exemple : sélectionnez les 30 meilleurs tacles de ses 470 matchs pros, balancez le tout en accéléré avec une musique techno dégueulasse, et on vous garantit que vous aurez l’impression de mater le regen chauve de Paolo Maldini. Pour recruter correctement, mieux vaut assister à de vrais matchs, au stade de préférence. Certes, c’est plus long qu’un TikTok de 42 secondes, mais ça vous évitera de vous retrouver avec le nouveau Hachim Mastour sous le bras.
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→ Regarder la Coupe du monde ou l’Euro
Ce n’est pas d’actualité cet été (chez les hommes, du moins), mais les années de compétition internationale riment bien souvent avec de belles arnaques. Quelques exemples à la pelle : El-Hadji Diouf, Asamoah Gyan, Marcos Rojo, Denílson, Fabio Grosso ou encore Kléberson. Et même si certains transferts post-compétition ne s’avèrent pas forcément être des flops, c’est évidemment un contexte idéal pour complètement surpayer un joueur qui aura bénéficié d’une énorme exposition en très peu de temps, avec l’intérêt de nombreux clubs en bonus. Est-ce que Chelsea aurait payé la moitié des 121 millions d’euros pour Enzo Fernández si les Blues avaient pensé à le recruter avant le Mondial 2022 ? On peut en douter.
À croire qu’enchaîner trois matchs par jour à la télévision pendant un mois ramollit le cerveau de certains dirigeants. Car c’est un fait : le football de sélection est aujourd’hui très différent du football de club, avec des styles de jeu moins complexes et une part émotionnelle plus grande qui peut parfois troubler les jugements. Il vaut donc mieux éviter de recruter un poulain en se basant sur cinq matchs, dont deux face à l’Iran et à la Bosnie-Herzégovine en phase de groupes. Ne serait-ce que pour éviter de passer pour un footix qui ne regarde le foot qu’une fois tous les quatre ans.
→ Recruter dans certains clubs bien précis
Si certains clubs ont l’étiquette de pigeon – coucou Manchester United –, d’autres savent parfaitement leur donner la becquée. Prenez l’Atalanta Bergame, par exemple : sous l’égide de Gian Piero Gasperini, on pouvait voir chaque semaine une Dea offrir un football étonnant qui révélait des petits joueurs bien sympas. Problème : tous ces gars ne sont pas toujours capables de s’exporter ailleurs que dans le laboratoire du sorcier italien. C’est ainsi qu’on se retrouve à ne pas savoir quoi faire de Rasmus Højlund (77,8 millions d’euros) ou de Teun Koopmeiners (58,3 millions).
Même chose avec les attaquants de l’Eintracht Francfort : c’est bien sympa de les regarder planter contre Holstein Kiel et Mayence en Bundesliga, mais tabler 95 patates pour Hugo Ekitike alors que Randal Kolo Muani, Luka Jović, André Silva et Sébastien Haller font office de jurisprudence, c’est à la limite de la provocation.
→ Confier les clés du camion à un agent
Quand on est directeur du recrutement, pourquoi se casser la tête à mater des matchs du championnat croate ou néerlandais quand on peut tout simplement déléguer tout le boulot à ce bon pote agent de joueurs avec qui on partage parfois un resto ? Qui n’a jamais rêvé de prendre exemple sur ces modèles de réussite sportive que sont le grand FC Mogi Bayat à Nantes ou le Jorge Mendes CF à Valence ? Les agents sportifs ont sur le papier tout intérêt à trouver la meilleure piste d’atterrissage à leurs joueurs pour tirer plus de sous par la suite, notamment sur une éventuelle revente. Sauf que quand on gère 65 joueurs en même temps, il y en a toujours quelques-uns un peu moyens qu’on va refourguer comme on peut. Il vaut donc mieux éviter de laisser son onze devenir un improbable patchwork modelé par les commissions d’un agent plutôt que par les besoins de l’entraîneur. Et ce, même si ces mêmes honoraires permettent à votre pote de payer l’addition à la fin du resto.
→ Continuer à utiliser un fax
Quand on sait à quel point les enjeux financiers dans le football sont gargantuesques, il est quand même assez fou de constater que les clubs ont cette foutue manie de boucler les deals le dernier jour du mercato – aux alentours de 23h53, sinon ce n’est pas drôle. Recruter dans le temps additionnel du mois d’août est évidemment le meilleur moyen de faire des panic buys, qui privent en plus les nouveaux joueurs d’une bonne préparation. Et comme si ce n’était déjà pas assez pète-gueule, les décideurs ont longtemps utilisé une technologie tout droit sortie du XVIIe siècle pour envoyer sur le fil les précieux documents : le fax.
Bon, heureusement, cela semble avoir plus ou moins disparu, mais on a quand même en tête quelques transferts manqués en dernière minute pour cause de fax reçu 30 secondes après le gong. Même le grand Real Madrid aurait loupé David de Gea – qui évolue pourtant à un poste légèrement important – à cause d’un papier arrivé en retard en 2015… c’est du moins ce que raconte la légende. Mieux vaut donc miser sur ce bon vieux mail, quitte à caser le très gênant « avec la pièce jointe cette fois » quand on oublie d’envoyer le PDF.
Pavel Šulc, pour vous enchanterPar François Linden