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Sabbi, son œuvre

Par Adel Bentaha

Arrivé au Havre l’été dernier, Emmanuel Sabbi s’est établi comme le buteur maison du HAC depuis sa remontée en Ligue 1. De quoi donner de la stabilité à l’Américain, qui a déjà connu cinq pays à 26 ans à peine.

Sabbi, son œuvre

Pas besoin de s’appeler Xavier Gravelaine ou Kevin-Prince Boateng pour être amateur de bourlingue. On peut en effet n’avoir fait que trois clubs dans sa carrière, mais avoir voyagé un peu partout et à seulement 26 ans. C’est le cas d’Emmanuel Sabbi, attaquant du Havre, dont il est accessoirement le deuxième meilleur buteur en cette saison de retour en Ligue 1 (5 réalisations). Quelques pions inscrits contre Lyon ou Nice – d’un missile en lucarne – célébrés par deux saltos en hommage à Nani. Des chiffres honorables pour une première expérience dans l’un des grands championnats européens, mais surtout le signe d’une carrière enfin lancée après une lente éclosion.

Brouiller les pistes sur le terrain comme dans la vie

« Il fait assez doux au Havre. La mer est calme et sombre, c’est reposant. » De bonne humeur à la sortie de l’entraînement, Emmanuel Sabbi résume plutôt bien sa nouvelle vie en Seine-Maritime, lui qui y a posé ses valises l’été dernier en provenance d’Odense au Danemark. Le week-end suivant, l’Américain prolongeait ce good mood en participant au précieux succès du Havre contre Strasbourg (3-1). Une victoire obtenue devant un stade Océane plein à craquer et avec la manière, puisque le HAC prenait alors ses distances avec la zone rouge. Dans cette course au maintien, Sabbi se dit ainsi « prêt à serrer les dents », quitte à « jouer à contre-emploi et se sacrifier pour l’équipe. » Ce discours empli de bonne volonté est donc celui d’un joueur au profil particulier, à l’origine ailier, mais souvent à la conclusion dans la surface. « C’est un joueur qui se déplace vraiment bien sur le front de l’attaque, donc c’est aussi plus facile de pouvoir jouer, combiner et aller vers l’avant aux côtés d’un joueur de cette qualité », analyse Mohamed Bayo, compère d’attaque, rejoint par son entraîneur Luka Elsner : « Emmanuel a une polyvalence rare. C’est un joueur qui peut commencer sur l’aile, puis rapidement venir épauler son attaquant de pointe. Tout comme il peut aussi reculer pour aider le bloc collectivement. »

C’est plus facile de pouvoir jouer, combiner et aller vers l’avant aux côtés d’un joueur de cette qualité.

Mohamed Bayo

Ce portrait-robot tactique a donc de quoi semer la zizanie chez n’importe quelle défense. Cela tombe bien, puisque sa trajectoire est aussi difficile à suivre. Pour en trouver les prémices, il ne faut pas tourner la tête vers les États-Unis, mais vers l’autre pays de la pizza, l’Italie. « Je suis né à Vicence, au nord du pays, détaille l’intéressé. Et j’ai grandi dans un petit village nommé Schio. C’est vraiment le village italien comme on se l’imagine, avec des rues pavées, la montagne en arrière-plan, et une grande place que l’on croirait construite exprès pour jouer au football. » Benjamin d’une fratrie de cinq enfants (trois grands frères, une grande sœur), Emmanuel tape donc ses premiers ballons sur l’oratorio, sous l’impulsion de cette culture italienne et des origines ghanéennes de ses parents : « Mon père jouait au niveau semi-pro au Ghana, donc pour lui, le football faisait partie intégrante de la vie. C’est comme cela qu’il a transmis le virus à l’un de mes grands frères, qui a lui aussi fait une petite carrière amateur en Italie. Ensuite, c’était mon tour. » La dolce vita ne va cependant durer que le temps de l’insouciance. En 2002, « Manu » a 5 ans et déménage aux USA. Ce premier déracinement, dicté par des obligations familiales, va dès lors forger la future carrière du gamin, toujours en mouvement.

American Boy

Du calme vénitien, la famille Sabbi passe à la frénésie américaine. Plus précisément à Columbus, dans l’Ohio. « J’ai vraiment senti le changement, même à 5 ans. Aux États-Unis, les écoles sont grandes, les commerces sont grands, les gens sont grands. Tu passes de ta zone de confort en Italie à un rythme de vie accéléré. D’autant que j’ai mis du temps à parler anglais. Chez moi, je parlais italien et surtout twi (prononcez ‘tshi’), l’un des dialectes ghanéens. » L’intégration se fait alors via le football et le Blast FC, tant pour apprendre la langue que pour passer le temps. À la maison, les grands frères et la grande sœur sont en effet pris par les études, tandis que le papa enchaîne les boulots. Emmanuel raconte : « C’est simple, je ne voyais pas mon père sur une journée complète. Il a toujours eu deux ou trois jobs en même temps. Pour lui, c’était primordial qu’on ne manque de rien, donc il se sacrifiait… Il a été commerçant, ouvrier, a fait de la manutention. » Réfugié dans le football, l’ado progresse, rejoint Ohio Premier – l’une des grandes structures de l’État – avant de se faire un nom à échelle nationale. Vainqueur du USYS National Championships (championnat U17 des États-Unis) en 2014 dans le Maryland, il y est également sacré meilleur buteur et MVP.

Quand j’ai annoncé à mon père que je refusais d’aller à l’université, il a failli tomber à la renverse.

Emmanuel Sabbi

Largement suffisant pour attirer les convoitises du centre de formation Chicago Magic, sa dernière étape avant le monde pro. « J’avais 16 ans à ce moment-là, et mes parents ne voulaient pas me laisser partir seul pour Chicago. Car la ville est considérée comme dangereuse, précise-t-il. C’est finalement l’une de mes belles-sœurs qui a su les convaincre. » L’expérience Chicago se déroule à merveille, permettant à Manu d’accumuler ses premières capes dans les catégories jeunes des USA (U18 et U20) et d’obtenir, à ses 18 ans, une bourse d’étude pour l’université d’Akron. Un dilemme, puisque dans le même temps, des scouts de Las Palmas venus faire une tournée outre-Atlantique s’engagent à faire signer l’ailier en Espagne. « J’avais le choix entre la fac ou signer pro en Espagne. J’ai choisi la deuxième option. Quand j’ai annoncé à mon père que je refusais d’aller à l’université, il a failli tomber à la renverse. » Débarqué sur les Îles Canaries avec sa seule lettre d’autorisation parentale comme compagnie et logé avec « un Espagnol et un Vénézuélien » l’obligeant à rapidement apprendre la langue de Cervantès, Emmanuel Sabbi goûte enfin au monde pro. Mais contrairement à Chicago, l’aventure tourne au vinaigre.

La puissance du port du Havre

Si, sur les terrains, tout se déroule comme prévu – avec des entraînements aux côtés de Kevin-Prince Boateng ou Jesé –, en dehors, l’administration le prive de tout plaisir, la faute à un permis de travail refusé par l’ambassade américaine. Comme une bouffée d’air, sa convocation pour le Mondial des moins de 20 ans à l’été 2017 lui permet de ne pas passer sous les radars de potentiels recruteurs. Les problèmes de papiers le forçant à quitter l’Espagne, la porte de sortie s’ouvre au Danemark. « Mon ancien agent avait un contact aux USA, spécialisé dans les championnats scandinaves. Il m’a donc proposé de passer une semaine d’essai à Hobro, petit club de D1 danoise, dont personne n’a évidemment jamais entendu parler. J’ai accepté, à la seule condition qu’à la fin de cet essai, je signe mon premier contrat pro. » Chose faite sept jours après son arrivée dans le nord du pays, dont il découvre la rudesse des défenseurs et le vent glacial. « Hobro, c’était l’idéal pour une première aventure en professionnel. Parce qu’il n’y avait pas grand-chose à faire dehors, que je voyais ma famille deux fois dans l’année seulement et que nous luttions pour le maintien. Cela me poussait donc à rester focus. » La vie de relégable dure trois ans, avant que Hobro ne descende en D2. Pas pour Manu, resté dans l’élite.

La période estivale de 2021 est en effet celle d’un transfert à Odense, troisième club danois derrière le FC Copenhague et Brøndby. Sabbi savoure : « C’était bizarre d’entrer dans un moment “confortable” après ces années bordéliques. À Odense, je vivais au rythme d’un grand club, avec de belles infrastructures, une course à l’Europe, et la découverte de la pression. » La découverte de la sélection A, aussi, avec une cape obtenue le 29 janvier 2023 lors d’un amical face à la Colombie. Cet ensemble positif a ainsi certainement séduit les dirigeants du Havre, au moment de boucler sa signature. Pas vraiment attendu à son arrivée, Emmanuel Sabbi peut donc légitimement savourer sa vie de joueur confirmé. « Rejoindre un grand championnat européen était un objectif, c’est désormais chose faite avec mon arrivée en Ligue 1. Il y a à peine deux ans, je regardais Ousmane Dembélé à la télévision, et aujourd’hui je joue face à lui, c’est vous dire l’aboutissement. Donc je profite de l’instant. Je veux stabiliser Le Havre en Ligue 1, et pourquoi pas voir plus grand, en devenant un membre régulier de l’équipe nationale. » Nouveau grand pari.

Les Bleus s’offrent une nuit américaine

Par Adel Bentaha

Propos d’Emmanuel Sabbi recueillis par AB. Ceux de Mohamed Bayo et Luka Elsner tirés de Foot Mercato et d’une conférence de presse.

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