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L’envol du Fenix Trophy

Par Matt Ford, à Rimini
8 minutes
L’envol du Fenix Trophy

Le week-end dernier, huit clubs amateurs se sont retrouvés à Rimini pour célébrer le Final 8 du Fenix Trophy, une compétition paneuropéenne née de la volonté de faire la nique au défunt projet de la Superligue. Remporté par le FC United of Manchester, ce tournoi qui a duré toute la saison est venu rappeler que, même en 2022, un autre football est possible. On y était.

« Are you watching, Merseyside ? » scandent, taquins, les supporters du FC United of Manchester dans la tribune principale du Stadio Romeo Neri à Rimini, sur la côte Adriatique italienne. La question est à l’intention de la région voisine de Manchester, berceau de la ville de Liverpool. On peut la traduire par : « Est-ce que vous voyez bien ? » Et puis la même question fuse, à destination d’un autre rival : « Are you watching, Man City ? » Il y a un mois, avant les demi-finales de la Ligue des champions, la probabilité que le plus grand trophée européen ne finisse dans le nord-ouest de l’Angleterre semblait réelle. Et pourtant, pour Manchester City et Liverpool, c’était compter sans le Real Madrid et Karim Benzema. Un camouflet pour la perfide Albion ? Pas sûr. Comme l’a rappelé la station locale britannique BBC North West sur Twitter, « au moins un club du nord-ouest s’est couvert de gloire européenne » cette saison.

Grâce à sa victoire nette et sans bavure contre les Prague Raptors (2-0), le FC United of Manchester, habituellement pensionnaire de 7e division anglaise, a en effet remporté l’édition inaugurale du Fenix Trophy, une toute nouvelle compétition internationale réunissant huit clubs amateurs originaires de sept pays européens. Pour les 400 supporters mancuniens en déplacement – dont beaucoup n’ont pas oublié leur premier amour, Manchester United –, c’était aussi une occasion de se réjouir du malheur de leurs rivaux traditionnels que sont Liverpool et City. Mais pour le football en général, un an après la tentative fortement critiquée de douze clubs européens – y compris United, City, Liverpool et le Real – de lancer une Superligue, et six mois avant une Coupe du monde encore plus controversée au Qatar, l’existence même du Fenix Trophy est venue démontrer que, même en 2022, un autre football est possible à l’échelle supranationale.

« Making friends, not millionaires »

Le Fenix Trophy est né dans la tête d’Alessandro Aleotti, président du Brera Calcio, un autre pensionnaire de D7, mais italienne cette fois-ci, et considéré comme le troisième club de Milan. Sous le slogan « Making friends, not millionaires », le tournoi – officiellement reconnu et autorisé par l’UEFA – a réuni huit écuries choisies pour leur « caractère social, historique et culturel exceptionnel » afin donc de se « faire des amis, pas des millionnaires », en bon français. Le nom de la compétition lui-même – Fenix donc – est un acronyme : Friendly (amical), European (européen), Non-professional (non-professionnel), Innovative (innovant) et Xenial (terme issu du grec ancien et qui désigne l’hospitalité envers les étrangers). Chaque élu est donc caractérisé par au moins l’un de ces critères. Mais qui sont-ils ? Venu d’Angleterre, le FC United of Manchester est incontestablement LA célébrité du tournoi. Fondé en 2005 par les supporters de Manchester United pour protester contre le rachat des Red Devils par la famille Glazer, le FCUM a rejoint Brera dans le groupe B, en compagnie de l’AFC DWS d’Amsterdam, sacré champion des Pays-Bas en 1964 et qui végète aujourd’hui en D6, et de l’AKS Zły (on prononce « zwé », ça veut dire « méchant » ), un célèbre club alternatif basé à Varsovie. L’AKS a été souvent ciblé par des supporters d’extrême droite en Pologne, lesquels ne goûtent guère leurs idées progressistes et ne se privent pas de régulièrement les traiter de « clowns » . En réponse à cela, la dizaine de kibice polonais venue à Rimini s’est affichée derrière une banderole pleine d’autodérision sur laquelle on pouvait lire le mot « cyrkowcy » : le cirque.

Dans le groupe A, en plus des Prague Raptors, un club international et promouvant la diversité dans la capitale tchèque, on retrouvait l’AS Lodigiani, qui n’est autre que le club de jeunesse de Francesco Totti à Rome, les Valenciens de Cuenca-Mestallistes et le HFC Falke, un club anticommercial fondé en 2014 par des supporters du Hamburger SV, et dont une cinquantaine d’aficionados étaient présents à Rimini. À travers deux groupes de quatre, tous les clubs se sont affrontés à domicile et à l’extérieur, tout au long de la saison 2021-2022, en semaine, comme les pros et, donc, en recourant à pas mal de sacrifices, à commencer par poser des jours de congé !

Ce qui n’a pas empêché quelques coups d’éclat, comme lorsque au mois d’avril, les supporters de Manchester se sont déplacés à 300 à Brera pour verrouiller leur première place du groupe B et gagner le droit de disputer la finale à Rimini. Les autres participants ont eux aussi été conviés, non pas pour faire de la figuration, mais pour jouer des matchs de classement. Même si, finalement, on devine bien que c’est le plaisir de jouer qui domine sur le reste.

Des petits problèmes bien gérés

Malgré la belle histoire, tout ne s’est pas passé comme prévu au cours de la saison écoulée et, pour sa première édition, le Fenix Trophy a dû faire face à quelques petits couacs. Pour commencer, à l’automne dernier, les mesures anti-Covid, très strictes aux Pays-Bas, ont forcé l’AFC DWS à se retirer du groupe B sans avoir disputé un seul match, privant ainsi le FC United et l’AKS Zły d’un troisième match à domicile, et les supporters d’un déplacement à Amsterdam. Mais parce que c’est le fair-play qui prime, les Néerlandais ont été invités au tournoi pour disputer le match comptant pour la septième place face à Cuenca-Mestallistes. Est-ce la fraîcheur ou le supplément de motivation qui a fait la différence ? Toujours est-il que les Amstellodamois n’ont pas fait dans la dentelle et se sont solidement imposés face à leurs adversaires valenciens (4-2), évitant ainsi une annus 100% horribilis.

Amateurisme oblige, la flexibilité est bien moins grande que chez les pros, et les Prague Raptors s’en souviendront. En déplacement à Valence début mai, les Tchèques ont vu leur rencontre reportée en raison d’une tempête qui sévissait dans la région. Sauf qu’évidemment, les billets retours étaient déjà réservés pour le lendemain. La partie s’est donc déroulée à l’arrache à 10h30 et a vu les Pragois effectuer une formidable remontada pour finalement repartir avec les trois points (2-4) et juste assez de temps pour filer à l’aéroport et attraper leur vol pour le bercail. Le jour de la finale, point de problèmes météorologiques, la joute ultime s’est déroulée dans des conditions agréables, où le mercure pointait à tout juste 30 degrés. Pourtant, le coup d’envoi a dû être retardé, mais, contrairement à celui de la dernière Ligue des champions, rien à voir avec l’organisation défaillante : la décision a été prise pour permettre à une poignée de fans mancuniens d’arriver à temps après que leur vol a été retardé.

Un pied de nez à l’UEFA

Et parce que cette année, la réussite européenne était définitivement du côté de Manchester et pas de Liverpool, le FCUM s’est épargné un round d’observation à rallonge. Droit au but, les Anglais ont scellé le score final (2-0) dès le premier acte, grâce à des réalisations signées Ali Waddecar et Joe Duckworth. Quoi qu’il en soit, on retiendra que l’exercice 2021-2022 aura été particulièrement symbolique pour les clubs d’outre-Manche. Ainsi, en C1, Liverpool disputait en effet la dixième finale d’un club anglais, dans la continuité d’une tradition instaurée lors de la saison 1956-1957 par le légendaire entraîneur mancunien Matt Busby, lequel, cette année-là, avait décidé d’outrepasser une décision de la Football Association anglaise et d’engager son Manchester United sur la scène continentale. En 1968, douze ans plus tard, et dix ans après la tristement célèbre tragédie de Munich, United devenait aussi le premier club anglais à gagner un trophée européen, à Wembley qui plus est. À cet égard, la participation et la victoire du FCUM dans ce tout premier Fenix Trophy revêtait une importance toute particulière pour le foot à Manchester.

Mais au-delà du symbole, la conception, la mise en place et la conclusion heureuse d’un tournoi rassemblant huit clubs amateurs venant de toute l’Europe nous ont rappelé pourquoi on joue une compétition européenne : pas pour des millions d’euros, pas pour des gros salaires, pas pour faire du business, mais pour le sport, pour l’amitié, la coopération entre les peuples et les échanges culturels. À Rimini, ce sont précisément ces valeurs-là qui ont gagné et, quelque part, dans leur carnet de chants, les supporters du FC United of Manchester auraient pu ajouter : « Are you watching, UEFA ? »

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Par Matt Ford, à Rimini

Photos : Matt Ford.

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