L’Antécristiano Ronaldo, chevalier de l’Apocalypse…
On saura un jour pourquoi deux Portugais, José Manuel Barroso et Cristiano Ronaldo, ont marqué la cruciale deuxième semaine de juin 2009. Parce qu'on ne lit plus Pessoa ? Frappé à son corps défendant comme son aîné de la Commission Européenne du même sceau infamant de l'ultralibéralisme, Cristiano Ronaldo le Maudit annonce tout simplement, par son transfert luciférien au Real Madrid, la Fin des Temps.
Le 2 mai 2009 Florentino Perez a cru voir l’œuvre de Dieu. Spectateur sidéré du 6-2 que le Barça a infligé à son Real dans le temple sacré de Bernabeu, il a immédiatement jalousé le Saint Pep, en qui il a vu le messager angélique du Royaume Céleste. Pure illusion, en fait : ce Real ne valait pas tripette… Mais Florentino a vu aussi l’OL, le Bayern, Chelsea et Manchester United succomber aux forces qu’il a crues divines orchestrées par Guardiola. Pour Florentino, c’en était trop : seul un pacte avec le Diable pouvait éteindre la flamme inspirée du démiurge catalan. Alors, il a invoqué les puissances maléfiques de l’Argent pour mettre à bas le Royaume blaugrana des Félicités. A la figure christique de Guardiola, il a d’abord opposé la face d’Ange forcément déchu de Kaka, vendu à l’encan 65 millions d’euros par Berlusconi, puis l’âme forcément damnée de Cristiano Ronaldo, rachetée au prix du Veau d’Or : 94 millions d’euros…
C’est bien la fixation mortelle de Florentino Salieri sur Wolfgang Amadeus Guardiola qui est à l’origine de l’inflation insensée initiée à travers les transferts record de Kaka et de CR7. Et on parle aussi de l’achat de Villa, David Silva ou Xabi Alonso pour des montants non moins onéreux… Pérez a clairement joué l’argent madrilène contre le talent catalan. On passera sur l’endettement himalayen de la Maison Blanche (on parle d’un déficit de 550 millions d’euros) et sur les modalités de paiement qui permettront l’acquisition définitive des nouvelles stars de l’écurie Meringuée. Même avec son mystérieux trésor de guerre estimé à 250 millions d’euros (d’où vient l’argent ?), Florentino Bizness va devoir sortir 170 millions cash. Petit détail : on a parlé du montant des transferts des deux stars. Mais il faut aussi comptabiliser les salaires, nets d’impôts, à leur verser. Peu importent les chiffres : on est là dans les abstractions parallèles.
Refaire le coup des Galactiques en 2009 dans un contexte économique aussi sinistré interpelle. Perez nous reparle des droits à l’image des deux cracks cédés au club et des ventes de maillots… Avec un pouvoir d’achat mondial en berne, on s’interroge sur l’appétence réelle pour les produits estampillés Real. Et puis, qui nous dit que la bulle football, en expansion constante (droits TV, publicité, merchandising), ne va pas éclater dans un proche avenir ? Pour se rembourser, est-ce que Florentino Barnum va remonter les Real Madrid World Tours épuisants chaque été en Asie et aux USA et qui laissent les joueurs exsangues bien avant la fin de la saison ? Quand Perez était arrivé sa première fois à la présidence (juillet 2000), le Real surfait alors sur sa super dynamique européenne en Ligue des Champions (vainqueur en 1998 et 2000) qui lui valait un prestige international fort. Or, depuis 2003, le Real ne dépasse plus les 8èmes et son aura mondiale (donc commerciale) a nettement chuté. Et puis sérieusement : c’est quoi un Galactique ? Zidane était le meilleur joueur du monde, Beckham était le plus bankable et le plus sexy, Ronaldo le meilleur et le plus célèbre des attaquants. Or, Kaka et Cristiano n’ont pas encore tout à fait le statut incontesté de “Galactique”, en termes d’image (l’éclipse relative de Kaka dure encore et C. Ronaldo est toujours une tête à claques), en tant que sources potentielles de succès sportifs et surtout de retombées financières.
Messi est vraiment “galactique” : c’est lui la star N°1 incontestée du foot mondial. Or, il n’est pas au Real, comme ZZ l’était. Eto’o, Henry, Ibrahimovic, Drogba, Ribéry, Rooney, Tevez, voire Iniesta, sont eux aussi potentiellement “galactiques” et ils ne sont pas au Real. Donc le Real ne possède pas l’exclusivité “galactique” qu’il détenait avant et dont il a pu largement profiter… Et puis il y a la personnalité contrastée de C. Ronaldo. Malgré son immense talent, il traînera toute sa vie l’image de “mal aimé”, de tricheur et de pleureuse. C’est assez injuste, mais c’est la vérité. Transformer C. Ronaldo en icône commerciale mondialement consensuelle, pourquoi pas. Mais y’a du boulot. C. Ronaldo n’a que 24 ans, alors que les premiers Galactiques (Figo, ZZ, Becks, Ronaldo) étaient arrivés au Real à un âge beaucoup plus mûr. Le jeune Portugais va devoir supporter l’immense pression du “plus grand transfert de l’Histoire du foot”. Pas évident. On espère que Pellegrini saura accompagner l’artiste avec la même psychologie que celle de Ferguson.
Florentino va devoir gérer aussi un timing démentiel : gagner des titres dès la première saison des néo-Galactiques. C’est jouable… mais quasi impossible. Quelle que soit la force du nouveau Real, on doute qu’il puisse inquiéter tout de suite la machine Barça en Liga et en Ligue des Champions, compétition continentale toujours infestée des requins britanniques Arsenal, Chelsea, Manchester et Liverpool. Les socios impatients n’apprécieront pas… Florentino Poker joue très gros. Fait rare pour être souligné, ces mêmes socios madrilènes sont très partagés sur la politique néo-Galactique de Perez. Leurs rêves les plus fous de grandeur footballistique s’écrasent aujourd’hui contre le mur des réalités sociales espagnoles : plus de 4 millions de chômeurs, record quasi historique au Royaume ibérique. Faut-il dépenser à ce point pour devenir, selon Perez, « le club du 21ème Siècle, après avoir été celui du siècle précédent » ? Plus prosaïquement, le président du Real n’a-t-il pas encore cédé à sa tentation coupable de vouloir aligner encore et encore plus d’attaquants sans renforcer le milieu et la défense ? Les socios pas idiots le font aussi remarquer…
Florentino Perez a fait venir Cristiano Ronaldo, l’Atlante de l’Île de Madère, caillou tellurique recraché des fonds océaniques. Diable Rouge affublé du N° 7, comme les 7 archanges de l’Apocalypse. La planète foot explosera bientôt. Let it be.
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