L’affaire Cassano
C'est la dernière polémique à savourer sans modération de l'autre côté des Alpes. Le plat du jour ? Du Cassano, évidemment. Autant dire ce qu'on fait de mieux pour occuper son monde quand on n'a pas de Serie A pendant deux semaines. L'occasion de faire le point sur un mal-aimé du football européen.
Cassano donc, ou plus précisément, son autobiographie “Dico tutto” (Je dis tout), véritable mine d’or pour les amateurs de bonne littérature. Dans un chapitre, Antonio y relate une promesse faite par Marcello Lippi avant la Coupe du Monde 2006, celle d’être convoqué en sélection à condition de jouer de manière régulière avec son club. À l’époque, Antonio est un habitué du banc de touche madrilène. Normal de ne pas le voir en Allemagne. Mais aujourd’hui, notre homme joue, et même plutôt bien.
Or, point de Cassano sur la liste de Lippi pour aller se peler les miches au Monténégro et taper le cuir contre les Irlandais. Ni une, ni deux, sondage sur le site de La Gazzetta. Résultat : presque 80 % des internautes trouvent injuste de ne pas voir le joueur sélectionné. Un véritable plébiscite. Lippi, lui, envoyait bouler son monde en conférence de presse d’un « Cassano ? Mais où est-il ? Vous savez bien que je ne parle que des présents. Et je n’ai pas à justifier mes choix. Et ce n’est pas parce que je suis arrogant, mais parce que je travaille avec ceux qui sont là » . Émotion, réaction, tralala médiatique. On connaît la ritournelle.
Mais au fait, depuis son départ du Real Madrid, c’est quoi Cassano ? Un mec qui se retrouve en slip à la fin de chaque match, c’est vrai. Mais pas seulement. Ces deux dernières saisons, l’homme a dû réapprendre à vivre. Passer du statut de star internationale en devenir au Real Madrid à chauffeur de banc tout en continuant à déconner en boîte. Deux saisons en Espagne, 24 matchs toutes compétitions confondues, 2 maigres buts. La lose. Un éternel espoir qui n’avait selon toute vraisemblance plus grand-chose à espérer de sa carrière. Un comble.
Retour en Italie en août 2007, un prêt à la Samp’ avec option d’achat et un pèlerinage sur le chemin de la rédemption: Cassano’s back in business.
Pour sa première saison, Antonio joue 22 matchs et plante dix buts. Il est même élu meilleur joueur de Serie A pour le mois de janvier 2008. Très vite, les supporters l’idolâtrent pour ses frasques sur et en dehors du terrain. Un vrai Cassano dort mais ne meurt jamais : preuve en est cet épisode magique lors d’un match contre le Torino. Antonio est expulsé, injustement selon lui. La suite ne se commente pas, elle se savoure.
Pour le plaisir, la dernière chose qu’on peut lire sur les lèvres de Cassano à l’intention de l’arbitre est : « On se retrouve après, je t’attends ici » . La sanction ne se fait pas attendre : cinq matchs de suspension. Le lendemain, Cassano s’excuse auprès des supporters et surtout, il envoie une rose à chacun de ses coéquipiers. Aussi grandiose qu’émouvant.
Alors, quoi qu’on en dise, Cassano est un type attachant, tout autant capable d’être décisif dans les moments clés que de péter une durite. Bref, Cassano est humain. Un retour en grâce parmi le monde des vivants qui s’accompagne d’un transfert définitif à la Samp’ à l’été 2008.
Pour l’exercice en cours, Antonio en est à 28 titularisations pour 29 journées de Serie A, avec 8 pions au compteur. Rien à dire, l’homme est de nouveau régulier. Aujourd’hui, il est redevenu le titulaire indiscutable qu’il aurait toujours été s’il n’était pas de la trempe de ces mecs un peu chiants à qui il ne faut pas parler comme ci, ni regarder comme ça.
Samedi, il regardera peut-être le match de l’Italie à la télé avant d’aller crapahuter dans quelque club lounge à la mode. Le 5 avril, son équipe recevra la Napoli. Numéro 99 sur les épaules, Antonio sera fidèle au poste, prêt à haranguer les siens pour les faire décoller au-delà d’une triste 14ème place.
Surtout, Cassano semble avoir pris de la hauteur. Ne s’est pas exprimé sur sa non-convocation, ne dira probablement rien en public. C’est que notre homme facture désormais les 26 printemps, un bel âge où il aura enfin compris qu’aller se tordre la cheville sur un terrain foireux du Monténégro, c’est bien. Mais laisser les collègues faire le sale boulot et être du road-trip en Afrique du Sud en 2010, c’est quand même mieux.
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