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RD Congo : la lumière au bout du tunnel

Par Kevin Mbundu
5 minutes

Tombeur du Nigeria dimanche dernier, la République démocratique du Congo a décroché son billet pour un barrage intercontinental et a ravivé son rêve mondial laissé en suspens depuis presque 52 ans. Pour un pays qui a tant souffert, cette qualification représente un symbole, une fierté et une lueur d’espoir pour tout un peuple.

RD Congo : la lumière au bout du tunnel

Il y a des soirs où un match de football ne se résume pas à un score. À Rabat, la RDC n’a pas seulement battu le Nigeria : elle a bousculé le destin, rompu une malédiction et réveillé 52 ans de silence aux yeux du football mondial. Pourtant, le but inscrit par le Super Aigle Frank Onyaka en début de rencontre (3e) est tombé comme un seau d’eau froide, un moment où l’histoire allait reprendre ses bonnes vieilles habitudes. C’était compter sans ces Léopards qui ont appris à survivre avant d’apprendre à chasser. Meschack Elia a remis les siens dans la lumière (32e), et la séance de tirs au but a achevé le travail. Et quand le gardien Timothy Fayulu, entré expressément pour cette mission, a sorti deux penaltys, quelque chose a tremblé. Comme si soudain, tout pouvait devenir possible.

Le héros Chancel Mbemba, capitaine infaillible, a posé le ballon, soufflé un bon coup et a envoyé son Congo en barrage. Un simple plat du pied, mais un geste qui a traversé les rues de Kinshasa, les collines de Kivu, les bars de Matonge et tous ses villages. Les larmes ont coulé, les bras se sont levés, les téléphones braqués vers les héros du jour. Parce qu’au-delà de la victoire, cette soirée portait la promesse d’un pays qui refuse de disparaître. Un pays torturé depuis trop longtemps par les guerres – notamment celle en cours dans le Nord-Kivu – et qui refuse d’être seulement associé à ces douleurs. Que ce soit contre la Bolivie, la Nouvelle-Calédonie, l’Irak ou encore le Costa Rica, ces barrages intercontinentaux ne seront plus un bonus, mais la possibilité réelle de rattraper le temps perdu depuis 1974. Crier « Nous sommes de retour » et surtout « Nous existons ! »

Ce pays qui chante, qui saigne, mais qui ne renonce pas

Impossible de comprendre ce que représente cette victoire sans comprendre ce qu’est le Congo. Ce pays où la musique palpite comme un second cœur, où un simple fimbu soulève des foules, où le football devient un langage et un refuge. Ici, les victoires se dansent autant qu’elles ne se célèbrent. Là où Fally Ipupa, Koffi Olomidé ou le regretté Papa Wemba ne sont pas des artistes, mais des remèdes. Mais le Congo n’est pas qu’un pays qui chante, c’est aussi un pays qui souffre. Un pays où l’Est vit dans la peur, où les familles entières sont déplacées, où les armes parlent même plus fort que la justice. Les Léopards l’ont rappelé en mimant un pistolet sur la tempe pendant l’hymne national de leur demi-finale de CAN en février 2024 : un cri silencieux qui disait « Regardez-nous, écoutez-nous, ne détournez plus les yeux. »

C’est dans ce cadre-là que cette potentielle qualification prend tout son sens. Elle offre quelque chose d’infiniment précieux : une respiration commune. Un moment où tout le monde regarde dans la même direction, un moment où le football sert autant à rêver qu’à tenir debout. Le discours du président de la République Félix Tshisekedi à l’approche des barrages de la Zone Afrique résonne encore. « Vous êtes les meilleurs, les gars. Maintenant, croyez en vous et donnez à ce peuple cette qualification, avait-il lancé. Ça va faire 52 ans qu’on a pas joué la Coupe du monde, vous portez une responsabilité énorme. » La RDC avait besoin d’y croire, donc les joueurs lui ont rendu cette confiance. Et pour quelques heures, Kinshasa chantera plus fort que les balles, Goma dansera en dépit de ses blessures, pendant que le pays entier sentira cette chaleur qu’on appelle l’espoir.

Sébastien Desabre et le projet de la renaissance

S’il faut nommer ceux qui ont changé le destin de cette équipe, le nom de Sébastien Desabre revient immédiatement. Arrivé à l’été 2022 dans une sélection fracturée, le Français n’a pas seulement recréé du jeu : il a ramené une âme. Il a appris la langue du pays, le lingala, chanté l’hymne, compris les codes, les blessures, les attentes. Il a vécu avec l’équipe pour que celle-ci puisse vivre pour lui. Son bilan est presque irréel : 25 victoires, 10 nuls et seulement 8 défaites. Sa CAN 2023, terminée en demi-finales (0-1), a remis le pays sur la carte. Une nouvelle génération qui s’est rendu compte qu’elle valait quelque chose, qu’elle valait gros et que la RDC n’était pas vouée à n’être qu’une anecdote de 1974, ni un souvenir de 14 buts encaissés lors de cette Coupe du monde.

Je suis fier d’être congolais et fier de mon choix…

Noah Sadiki

Avec Desabre, les Léopards ont formé à nouveau une équipe, une vraie, celle dont l’imprévisibilité peut faire craindre, celle dont la combativité va au-delà de la technique. Et ce barrage intercontinental n’est qu’une étape de plus dans un plan de reconstruction patient. Une qualification au prochain Mondial serait la récompense d’un peuple qui a persisté malgré tout, la cerise sur le gâteau d’un projet né dans le doute, qui s’est transformé en un accomplissement. Après la rencontre face au Nigeria, le milieu de Sunderland Noah Sadiki a lâché des mots très simples, mais qui ont frappé le cœur des supporters congolais. Une vérité sortie des tripes, une manière de rappeler pour qui il mouille le maillot. « Je suis libéré et content. Je suis fier d’être congolais et fier de mon choix, assurait le natif de Bruxelles et qui avait joué pour les sélections jeunes belges. On s’est battus comme des lions jusqu’à la fin et on mérite ce qu’on a. On était préparé à toute éventualité, mais jamais on n’a douté. »

Désormais, le Congo n’est plus seulement à 90 minutes (au moins) du Mondial, mais d’une reconquête. À 90 minutes de se débarrasser d’une unique fierté vielle de 52 ans, à 90 minutes de prouver qu’un pays meurtri peut encore briller sur la grande scène du football avec fierté. Et si ce sport ne sauve pas des vies, il peut offrir un souffle. Oui, un seul, mais parfois c’est suffisant pour remettre debout tout un peuple. Cette qualification est plus qu’un objectif, c’est un rendez-vous avec l’histoire, un acte de foi où la renaissance de la République démocratique du Congo est le principal enjeu.

Le vaudou pour expliquer la victoire de la RDC ?

Par Kevin Mbundu

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