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Brest : merci de rendre la défense dans l’état où vous l’avez trouvée
Auteur d’une saison historique, Brest peut compter sur ses individualités pour performer. Mais l’un des autres facteurs importants de cette réussite est la capacité des Finistériens à prendre peu de buts. Malgré 9 pions encaissés lors des 3 derniers matchs, Brest est la quatrième meilleure défense du championnat. D’où la nécessité de se ressaisir pour bien finir.
29, c’est le numéro du département du Finistère, mais aussi le nombre de buts pris par Brest cette saison. Moins d’un par match. Une statistique frappante à quatre journées de la fin du championnat, surtout quand on sait que les trois dernières sorties ont été marquées par une fébrilité inhabituelle dans ce secteur, avec 9 buts encaissés, soit quasiment un tiers des pions pris cette saison. Un gros avertissement, c’est sûr, mais qui n’empêche pas de reconnaître les énormes progrès réalisés par une équipe qui était en début de saison taillée pour jouer le maintien et hâtivement préposée à figurer dans les pires défenses de l’élite (53 buts pris en moyenne sur les quatre derniers exercices).
13 clean sheets, une première depuis 2010-2011
Au moment de récupérer le Stade brestois début janvier 2023, Éric Roy avait devant lui un chantier colossal. L’équipe bretonne pointait à la 17e place du classement et avait déjà pris 33 pions en 18 journées. « Si tu prends presque deux buts par match, tu dois en marquer trois. Pas simple. Pour reconstruire une maison, on commence par les fondations, donc il faut d’abord s’attacher à se retaper défensivement, rejoue l’entraîneur brestois en mars dernier dans le magazine So Foot. Ça ne veut pas dire passer à cinq, six ou huit derrière, mais se mettre en tête que le premier objectif en entrant sur le terrain est de ne pas prendre de but. » Si elle semble désuète et peu inventive, cette formule va porter ses fruits, puisque Brest parviendra à se maintenir à deux journées de la fin en réalisant un mois de mai remarquable avec quatre victoires sur cinq.
👨🚒 @BrendanC29 toujours prêt à éteindre le feu ! 🔥
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— Stade Brestois 29 (@SB29) March 11, 2024
Cet impératif de solidité ne s’arrêtera pas à l’exercice 2022-2023 puisqu’il formera le premier étage de la fusée de l’ingénieur Roy, créant progressivement « une équipe très chiante à jouer ». À ce jour, l’équipe compte 13 clean sheets, une performance qui n’avait pas été réalisée par les Finistériens depuis la saison 2010-2011 sous Alex Dupont (15). « Pour faire un différentiel avec les autres cette saison, le mot pour caractériser la défense de Brest aujourd’hui c’est la fiabilité, pose Yann, un des animateurs du podcast Brest On Air. Si on regarde, c’est une défense qui peut prendre des buts, mais il n’y a pas eu de grosses erreurs individuelles, de dingueries où les joueurs oublient de brancher le cerveau. Il n’y a jamais de mauvaises surprises et les buts que l’équipe prend sont rarement évitables. »
Un quatuor harmonieux pour mener tout un orchestre
L’une des clés de cette réussite est que, contrairement aux années précédentes, le SB29 a trouvé une défense type compacte. Pour preuve, la paire de centraux, composée de Lilian Brassier et Brendan Chardonnet, n’a pas pu être alignée que lors de cinq rencontres ; l’indéboulonnable Kenny Lala n’avait pas raté la moindre minute dans son couloir droit cette saison avant le match à Lyon (suspension) ; enfin, le précieux Bradley Locko a disputé toutes les rencontres en Ligue 1. Une harmonie qui fait toute la différence pour Gaëtan Belaud, défenseur du Stade brestois de 2014 à 2020 : « Le fait d’avoir un quatuor type en défense, cela change tout. Quand tu joues régulièrement avec les mêmes coéquipiers, tu connais leurs défauts et c’est le plus important pour gérer certaines actions plus facilement. Tu es rarement surpris, analyse le jeune retraité, qui continue de s’amuser au FC Oloron Béarn. Les quatre sont complémentaires, tout en ayant des profils bien différents. C’est une défense qu’on aimerait choisir avec un roc, un relanceur, un latéral plus offensif et un autre d’expérience. Il y a un peu de tout dans cette défense. » Au-delà de ces joueurs, guidés par l’excellent gardien néerlandais Marco Bizot, encore déterminant cette saison, c’est tout un ensemble qu’il faut valoriser. S’ils ne sont pas des machines à stats, les attaquants Steve Mounié (6 buts) et Martín Satriano (5 buts) ont un rôle primordial dans le rendement défensif de l’équipe. Tout comme le travail de sape au milieu du trio Hugo Magnetti – Pierre Lees-Melou – Mahdi Camara.
Brest a aussi su se montrer ferme lors du mercato hivernal en conservant Lilian Brassier, pourtant courtisé par de grands clubs comme l’AC Milan. Un départ avorté, comme celui de Lees-Melou, qui explique en partie la solidité bretonne. « Parfois, alors que ça fait trois ans que tu joues avec un joueur, il suffit que ça se passe bien sur une action pour qu’il y ait un automatisme qui se mette en place, décortique Belaud. Ensuite, il ne reste plus qu’à répéter ce schéma. C’est ce qu’on voit avec Brassier et Chardonnet, ils sont hyper complémentaires. Si on fusionnait les deux, ça ferait un des meilleurs défenseurs de Ligue 1. » Les Pirates peuvent aussi se reposer sur le recrutement intelligent réalisé par Grégory Lorenzi, ancien défenseur de la maison rouge et actuel directeur sportif. Avant de signer, le polyvalent défenseur Julien Le Cardinal savait pertinemment qu’il n’allait pas bouleverser la hiérarchie établie. Un rôle de second couteau, ingrat, similaire à celui de son coéquipier au milieu Jonas Martin, qu’il remplit à merveille en colmatant les brèches. Mais cette organisation bien huilée a aussi eu de la chance d’être épargnée par les blessures. Dans ce secteur de jeu, seul Brassier a manqué une rencontre pour une gêne au mollet. Un miracle quand on regarde la faible profondeur de banc de l’effectif.
Une zone de turbulence qui ne doit pas tout remettre en cause
Cet équilibre a été chamboulé lors des trois dernières rencontres. Lors de deux d’entre elles, Lilian Brassier ou Kenny Lala étaient absents, tandis que Pierre Lees-Melou, injustement expulsé lors de la 29e journée, manquait à l’appel face à Monaco, habitué au haut de tableau. Ce sont ces contraintes qui justifient en partie le choix d’Éric Roy de passer à une organisation avec une pointe offensive, permettant au virevoltant Kamory Doumbia de s’exprimer pleinement, mais laissant également plus d’espaces et d’opportunités aux adversaires. Cette baisse de régime s’explique aussi par un déplacement en terre rhodanienne, deuxième équipe qui a pris le plus de points en 2024 (25), marquée par une rencontre irrationnelle (3-4), et une fatigue qui commence à se faire ressentir, notamment pour Magnetti et Camara. Beaucoup de joueurs découvrent également la tension des matchs à enjeu, comme celui face à l’ASM (0-2), même si sept d’entre eux ont déjà disputé des matchs de coupe d’Europe. Et puis finalement, avec la perspective d’aller chercher aux forceps une qualification européenne, il est aussi naturel de relâcher la bride à l’arrière pour pouvoir répondre offensivement dans des matchs avec moins de contrôle.
Cependant, impossible de bazarder le plan d’Eric Roy et de renier une identité qui s’est forgée mois après mois. Dans ce sprint final, les Ty-Zefs vont devoir retrouver cette défense hermétique pour tenter de décrocher le graal : une place en Ligue des champions (bien qu’une place en Ligue Europa ou Ligue Europa Conférence serait déjà un exploit historique). Si la fête risque d’être moins folle que prévu l’année prochaine, il reste à Éric Roy et ses hommes quatre matchs pour conclure de la meilleure des manières cet exceptionnel exercice 2023-2024. En début de saison, les Finistériens s’étaient fixé comme objectif de finir dans les trois meilleures défenses du championnat. Pour y parvenir, il faudra commencer par garder sa cage inviolée à Rennes ce dimanche.
Par Thomas Morlec