- Vrai Foot Day
- 5e édition
Brendan Chardonnet : « Je vais voir mes potes jouer en district tous les dimanches »
20 mai 2024, Brendan Chardonnet sert des bières derrière la buvette du club de D1 de Plougonvelin dans le Finistère. Quelques heures seulement après la qualification historique, la veille au soir, du Stade brestois en C1. Un amour non feint pour le football, le vrai, à l’origine de notre demande de le voir parrain du Vrai Foot Day.

Les 22 et 23 mars prochain, le capitaine brestois se déplacera donc (comme Steve Savidan et Benjamin Nivet précédemment) avec la rédaction de So Foot dans un club de foot district pour la fête française du foot amateur. Qui célèbre comme chaque année le football du dimanche et doit permettre à tous les clubs, entraîneurs, joueurs et bénévoles qui font vivre le football français au quotidien de se faire connaître et de médiatiser leurs actions.
Quand tu repenses à tes premières années de foot, ça t’évoque quoi ?
Mes premières années foot, c’est dans mon club de Plouzané AC, le PAC, quand j’avais 5 ans. J’ai toujours mes attaches là-bas, mes racines. Un souvenir marquant ? Les petits plateaux débutants, poussins, benjamins sur le terrain de Trémaïdic. On avait la chance d’avoir des tournois internationaux dans la région, à Guipavas, Morlaix et même Plougastel. Donc on les attendait avec impatience, en avril, mai, juin.
Une journée type de tournoi, c’est quoi ?
Samedi matin, rendez-vous à 8 heures, 8 heures et demie. Il y a souvent quatre ou cinq matchs de poule sur toute la journée. On les enchaîne. Ensuite, on rentre chez nous. Souvent, on hébergeait des équipes étrangères. J’ai eu deux joueurs du Standard de Liège, une fois. Et aussi deux, trois joueurs de Rennes. Et ensuite, le dimanche matin, on repartait au tournoi pour les matchs de classement, avec les finales en fin de journée.
C’est quoi tes madeleines de Proust des plateaux ?
Ce sont les petites briquettes de jus d’orange avec le quatre-quarts entre les matchs… Et bien sûr à la fin de la journée, tu as droit à ta petite barquette de frites avec ta merguez et le ketchup. J’ai mes petits neveux et nièces en U9 et U10. Je vais les voir à leurs tournois, et c’est toujours pareil. C’est le pique-nique, le sandwich triangle à midi, les petites briquettes.
Ton coéquipier Pierre Lees-Melou, parrain d’une précédente édition du Vrai Foot Day, nous déclarait en 2021 toujours se sentir un peu footballeur amateur. Tu considères que tu as été un joueur de foot amateur jusqu’à quand ?
J’ai toujours une partie de moi qui est un peu amateur. C’est ce qui fait la beauté de ce sport. Parce que dans un monde où tout est ultra professionnalisé, où tout est calculé au gramme près, au centime près, il est important de garder cette fraîcheur mentale.
Ce midi par exemple, un food-truck de burgers est venu au centre d’entraînement. Je ne suis pas sûr que ça se fasse au PSG ou dans d’autres clubs.
Concrètement, qu’est-ce qui est encore amateur chez toi ?
Après les matchs, généralement, avec 3-4 joueurs, on aime bien prendre une petite bière, se poser dans le vestiaire pour débriefer le match. Sinon, il y a plein de choses qu’on essaye de mettre en place. Ce midi par exemple, un food-truck de burgers est venu au centre d’entraînement. Je ne suis pas sûr que ça se fasse au PSG ou dans d’autres clubs. J’ai appelé le propriétaire du food-truck fin décembre pour lui dire que ça serait bien qu’il vienne début janvier, histoire de repartir du bon pied. Avec tout ce qu’on court et tout ce qu’on transpire, c’est pas parce qu’on mange un burger le mercredi que le samedi soir on ne sera pas performant. Ce sont des petites choses qui réconfortent et font du bien mentalement. Et demain, on fera plus d’abdos.
Comment tu as eu l’idée ?
En début de saison, tous les nouveaux joueurs doivent payer un pot d’arrivée. Et avec, c’est soit des pizzas, soit des burgers. Du coup, c’est moi qui suis en contact avec le mec des burgers.
Dans un article, Gilles Boulouard, éducateur et manager sportif de ton club de Plouzané, dit à ton sujet : « Brendan, j’adore son parcours, parce qu’il est cassé. Il ne doit pas réussir. […] Il n’avait pas les qualités de vitesse, ni de finisseur, mais quand on disait “à vos marques, prêts, partez”, Brendan était déjà là où il fallait être, avant tout le monde. Je me reconnais en lui. J’ai l’impression qu’il fait partie de ce monde d’avant… » Tu comprends ce qu’il veut dire ? Le fait qu’on puisse se dire quand on te regarde que nous aussi, on aurait pu y arriver… alors qu’en fait non, hein.
Oui, je ressens ça, c’est ce que les gens m’expriment quand je vais autour des terrains de foot amateur le week-end. Quasiment tous les dimanches, je vais voir des matchs à Plouzané, à Plougonvelin, à Milizac. J’ai des amis qui jouent dans ces clubs-là, donc si je n’ai pas match, le dimanche je vais les voir. Et je pense que c’est cette proximité-là, avec les personnes qui font qu’ils s’identifient à moi.
Quel plaisir tu trouves à aller sur ces terrains-là ?
Parce que ce sont mes copains. Et que je connais quasiment tout le monde autour de la balustrade. Eux essayent de venir me voir quasiment à tous les matchs, donc je ne vois pas pourquoi moi, je n’irais pas les voir. Et puis c’est vrai que bon, il n’y a pas beaucoup plus de choses à faire à Brest. (Rires.) Donc j’éprouve beaucoup de bonheur à aller voir jouer mes amis tous les dimanches.
Est-ce que le fait que tu sois devenu pro, ça ne casse pas le rapport assez simple que tu pouvais avoir avec les gens et tes amis ? Et comment tu le vis ?
Des fois, j’ai du mal à comprendre pourquoi il y a 10 petits derrière moi qui me demandent une photo, qu’il y a les parents qui insistent : « Vas-y, fais une photo ! Fais une photo. » Pour moi, je reste un simple joueur de Brest. Mais en même temps, j’ai été petit aussi et je sais ce que c’est. Quand il y avait des joueurs de Brest qui venaient au centre d’entraînement de Plouzané nous voir, on était un peu émerveillés. Mais c’est vrai que quand on est à cette place-là, on se dit : « Mais enfin, qu’est-ce qu’ils me trouvent pour être autant en admiration devant moi ? » Avec mes amis, une bande de dix, quinze potes, du collège et du centre de formation à Brest, ça ne change strictement rien en revanche. On ne parle pas beaucoup de foot entre nous, on fait 15 minutes de débrief quand il y a eu un match, mais pas plus. On parle de la vie, de leurs métiers. Ils sont commerciaux, ils nettoient des cuves… Et même quand je suis dans mon petit village au Conquet, c’est pareil. Il n’y a plus grand monde qui me demande des photos ou des autographes. Ils me voient tellement que maintenant, je suis un habitant du Conquet et plus un footballeur de Brest. J’aime qu’ils me voient comme Brendan plutôt que comme un joueur de football.
Bien sûr que si je n’étais pas pro, je jouerais. Peut-être à Plouzané, peut-être à Plougonvelin, peut-être à Milizac.
Si tu n’avais pas réussi en pro, tu penses que tu jouerais encore à Plouzané en amateur ?
Ouais. Parce que le foot, c’est avant tout une passion. J’aime ça. Donc bien sûr que si je n’étais pas pro, je jouerais. Peut- être à Plouzané, peut-être à Plougonvelin, peut-être à Milizac. Parce que j’ai des copains dans les trois équipes. Milizac, ils sont en N3, anciennement CFA2, et ils jouent le haut du tableau depuis trois, quatre ans. Plouzané, c’est mon club formateur, anciennement en N3, mais ils sont descendus et ils sont repartis sur un nouveau projet avec quasiment que des jeunes formés au club. Et Plougonvelin, c’est vraiment le club de copains. Ils sont en D1. C’est bière et merguez. C’est ça qu’ils veulent, c’est ça qu’ils cherchent. Ils ne trichent pas, ils ne s’inventent pas une vie. Ils sont une trentaine à former trois équipes. D’ailleurs, je ne vais pas voir que les seniors A. Parfois, je vais voir les seniors B et les seniors C en D3 ou D4. (Rires.) Donc là, ça commence à être compliqué à regarder, mais on rigole, on prend du plaisir, parce qu’il y a toujours des actions marrantes, sur et en dehors du terrain, avec les spectateurs.
Et tu es quel type de spectateur justement ? Celui qui est à la buvette, celui derrière la main courante ou celui qui commente le match avec le gardien derrière le but ?
Je peux être un peu tout. Des fois, je suis tranquille, assis en tribune, avec mon chien et je ne dis rien. Parfois, on se met derrière le but et on chambre un peu nos propres joueurs et les joueurs adverses. D’autres, on est à la buvette quand on sait qu’on n’a pas entraînement ou pas match. C’est un mélange des trois, je sais m’adapter. (Rires.)
Si tu étais resté amateur, tu aurais fait quoi comme métier ?
Pompier. Avant d’intégrer le Stade brestois, donc en U17, j’avais été pris pour faire l’école des mousses. L’école de la marine. Je voulais devenir marin-pompier. C’est un métier que j’admire. C’était sur dossier : notes de l’école plus tes aptitudes physiques. Ça restait très léger parce que tu as 15, 16 ans, donc on ne te demande pas de faire 50 tractions. Mais voilà, je crois que c’était 7 ou 8 tractions, des pompes et le test Vameval (pour calculer sa VMA, NDLR), en aller-retour, avec des bips.
Et tu as déjà essayé le test – mythique chez les pompiers – de la planche ?
Oui, j’ai déjà essayé. Les premières fois, j’ai eu du mal, forcément. Mais après quand on t’explique, parce qu’il y a une technique, bah ça aide. J’ai déjà tout fait : tenu la lance pour éteindre un petit feu qu’ils avaient simulé, descendu la grande barre de trois étages… C’était lors d’un stage là-bas, super intéressant.
Est-ce que tu peux nous raconter en détail ta première avec Brest, au Parc des Princes, contre le PSG de Zlatan et Beckham ?
La veille, le coach de la réserve me dit que je vais être dans le groupe parce qu’il y a beaucoup de blessés. Nous, on était déjà condamnés à la Ligue 2, Paris était déjà champion, donc ils avaient tous les cheveux colorés en bleu et rouge. C’était la fête. Le feu d’artifice était prêt. En arrivant à Paris, on m’avait dit : « Tiens, Brendan, tes billets pour Toulouse ! » Car le lendemain, il y avait Toulouse-Brest en U19, et nous aussi, on jouait le maintien. Je me disais que c’était déjà une expérience d’être sur le banc de touche au Parc des Princes. Et finalement, Timothée Dieng, avec qui j’étais en réserve toute l’année, a eu des crampes à la 60e minute. Du coup, on me dit d’aller m’échauffer. J’ai le temps de faire trois allers-retours et ils m’appellent pour entrer… C’est allé tellement vite que c’est compliqué de décrire les émotions. J’entre, je vais à mon poste, et le premier joueur sur qui je tombe, c’est Ibrahimović. Quand tu passes de matchs avec la réserve devant 600 personnes le samedi à 18h et que tu rentres au Parc des Princes, ton adversaire, c’est Zlatan, c’est sûr que ça fait bizarre. Juste derrière, je lui ai mis un bon tacle glissé sur le côté. Mais sinon je n’ai pas eu grand-chose à faire. J’ai fait une tentative en français-anglais pour lui demander son maillot. (Rires.) Ça n’a pas été simple parce qu’en anglais à l’école, ce n’était pas terrible. C’est beaucoup mieux maintenant… (Rires.) Dans tous les cas, il m’a dit que ce n’était pas possible parce que c’étaient les maillots de l’année prochaine. Il devait le garder pour soulever le trophée. Tant pis, j’aurai essayé.
Quand tu passes de matchs avec la réserve devant 600 personnes le samedi à 18h et que tu rentres au Parc des Princes, ton adversaire, c’est Zlatan, c’est sûr que ça fait bizarre.
Coup de sifflet final. C’est quoi la suite ?
Eux partent à l’aéroport pour reprendre l’avion pour Brest, et moi, on me ramène à l’hôtel, et je devais décoller à 6 heures et demie du matin. Donc autant te dire que j’ai pas dormi de la nuit. J’ai reçu beaucoup de messages de tout le monde, ma famille, mes amis. Et après ça, avion. J’arrive à Toulouse et puis, bah, il faut se remettre dans la préparation d’un match. Tu entendais les joueurs de Toulouse chuchoter : « Ouais, c’est lui qui était à Paris hier… » Le match s’est plutôt bien passé parce qu’on a gagné 1-0, même si j’ai pris un tacle assassin et fini avec une cheville gonflée comme une patate. Donc j’ai dû sortir à la mi-temps, mais on s’est maintenus. Et après, retour à Brest en car. Pas loin de 10-12 heures de route.
Est-ce que tu te vois rejouer au niveau amateur à la fin de ta carrière ?
Moi, j’aimerais bien jouer avec mes potes en D1 à Plougonvelin. Après, ça va dépendre de l’âge auquel j’arrêterai ma carrière. Et surtout eux dans quel état ils seront. Si c’est à 35-36 ans, je suis pas sûr qu’ils puissent encore jouer au foot. (Rires.) Le doute, il est là. Si eux sont déjà gros et ne peuvent plus courir, bon ben ça va être compliqué.
Pourquoi tu as accepté d’être le parrain du Vrai Foot Day, notre journée d’hommage au foot amateur ?
Parce que je m’y retrouve, en fait. Comme je t’ai dit, je vais tous les week-ends sur les stades de foot amateur, donc si je peux donner un coup de pouce pour mettre en lumière certains joueurs, certains clubs, certains bénévoles, ça ne peut que me faire plaisir.
Parce que oui, au-delà du fait d’aller voir tes potes, juste après la qualification historique en Ligue des champions en fin de saison dernière, tu étais revenu donner un coup de main à la buvette de Plougonvelin. Tu as un rôle dans le club ?
Non, non, mais en revanche, c’est vrai que par exemple, je les aide pour leur tournoi international, où il y a de très belles équipes. Financièrement déjà, pour faire venir toutes ces équipes-là, pour mettre en place le tournoi. Et pendant cette semaine-là, on monte tous les stands, tous les barnums, on fait le ménage dans la cantine où tous les joueurs vont manger pendant le week-end. On est une dizaine et tout le monde doit mettre la main à la pâte. Donc je ne déroge pas à la règle. J’ai mon tour à la cantine, mes 3-4 h dans la journée où c’est à moi de servir les plats. Je trouve ça normal parce que tout le monde dans la commune joue le jeu. Je ne vois pas pourquoi moi, je ne devrais pas le faire.
La qualification historique en Ligue des champions, ça a un peu chamboulé le planning, non ? Parce que tu devais être noté à des horaires où finalement tu n’as pas pu y être...
Oui, c’est ça. Le tournoi avait mis un écran géant dans la ville de Plougonvelin. Tout le tournoi était devant. Et avec la qualif, il y a eu un feu d’artifice. Puis un DJ sur la place de Plougonvelin toute la nuit. Je devais rentrer le dimanche soir directement après le match de Toulouse pour les rejoindre, mais malheureusement, notre avion ne pouvait pas décoller. Donc j’étais dégoûté. Dès que le lundi matin on est rentré, on a été à la mairie parce que le maire voulait nous remercier et nous saluer. Mais moi, dès que j’ai pu partir à 11h-11h30, je suis vite parti. Je suis passé à la maison me changer parce que j’étais en survêtement du Stade brestois. Je suis allé mettre un short, un t-shirt et j’ai été directement à la cantine parce qu’il fallait servir les joueurs. Et l’après-midi, c’était mon tour de servir les gens à la buvette. Mais c’est vrai qu’il y a eu un engouement monstre, et je pense que ça m’a aidé d’être derrière la buvette. Au moins, j’étais dos à tout le monde et ça m’a permis de souffler pour les photos et les autographes.
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Propos recueillis par Maxime Marchon