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Le bouclier Deschamps
Pour protéger les intérêts de l’équipe de France, le sien mais aussi celui de ses joueurs, Didier Deschamps n’a jamais eu peur de répondre aux clubs qui pourraient déstabiliser son management. Le cas des blessures de Dembélé et de Doué l’opposant au Paris Saint-Germain en est le dernier exemple.

L’été qui ne sait pas s’il doit se finir en août ou prolonger jusqu’en octobre ou le climat politique et social plus explosif que jamais en attestent : il n’y a plus de saison pour les coups de chaud ou pour les phases de dépression. Là-dessus, Didier Deschamps a très peu de prise (quoique, ferait-il pire que les autres à Matignon), mais les nuages noirs qu’il voit s’épaissir à travers sa fenêtre du château de Clairefontaine sont plus difficiles à dissiper. Depuis que les corps de Désiré Doué et d’Ousmane Dembélé ont coincé, vendredi lors de la victoire des Bleus en Ukraine (0-2), le sélectionneur tricolore doit composer avec la colère du Paris Saint-Germain, qui reproche au staff de l’équipe de France d’avoir ignoré ses recommandations quant à l’état physique de ses joueurs.
Le PSG n’est pas notre adversaire, ça ne l’a jamais été. Les clubs ne l’ont jamais été, même si on a des intérêts divergents, et c’est normal.
« Il s’est passé ce qu’il s’est passé. Je suis surtout déçu pour Ousmane et Désiré, car on perd deux éléments pour le match de demain. On a fait les choses de façon très professionnelle, progressive, comme on le fait pour tous les joueurs, en prenant en compte le ressenti des joueurs, se défendait-il lundi en conférence de presse. Le PSG n’est pas notre adversaire, ça ne l’a jamais été. Les clubs ne l’ont jamais été, même si on a des intérêts divergents, et c’est normal. J’ai été de l’autre côté de la barrière. Notre seul adversaire, c’est l’Islande. » On ne la lui fait pas à ce vieux loup de mer, qui s’apprête à diriger ce mardi son 170e match à la tête de l’équipe nationale, cette fois face à l’Islande au Parc des Princes, l’antre du PSG justement.
Ménager les joueurs et le chou
Ce ne sera ni la première ni la dernière fois de son mandat que le Double D se trouve coincé de la sorte entre les desiderata des uns (les clubs) et les aspirations des autres (les joueurs). En 2018, il avait déjà échangé des amabilités avec Frank Lampard et Chelsea, au sujet de N’Golo Kanté. Même limonade en 2019 avec le Bayern Munich à propos de Lucas Hernandez. Les écuries européennes ont leurs problématiques, leurs calendriers surchargés et leurs obligations de résultats. Mais ils profitent aussi de l’expérience et de l’exposition qu’offre une sélection à leurs salariés. Cette même sélection qui a également ses problématiques, ses calendriers (un poil moins) chargés et ses obligations de résultats. L’équipe de France n’est pas un club à proprement parler, mais il y existe aussi une logique de groupe, que Didier Deschamps s’évertue à rendre cohérente depuis 14 ans.
Convoquer Ousmane Dembélé et Désiré Doué, prétendants respectivement au Ballon d’or et au trophée Kopa après leur saison exceptionnelle avec le PSG, dans l’optique de prendre le meilleur départ possible dans ces qualifications pour la prochaine Coupe du monde était cohérent. Et les voir craquer après une saison à plus de 60 matchs incombe surtout à l’accélération de la cadence pour les joueurs internationaux, problématique encore soulevée par le capitaine Mbappé la semaine passée. Alors qui doit payer le plein d’essence : celui qui utilise le véhicule la majorité du temps ou celui qui la conduisait au moment où le voyant orange s’est allumé ? L’attitude du PSG relève d’une hypocrisie assez incroyable, même si elle permet de mettre sur la table ce sujet de la surexploitation des joueurs.
L’équipe de France comme refuge
De toute manière, être sélectionneur, c’est aussi savoir jongler avec la vie « hors sélection » de ses joueurs. Ainsi, les déboires d’Adrien Rabiot à l’Olympique de Marseille puis son transfert à l’AC Milan n’ont eu aucune incidence sur la présence du milieu dans la liste de septembre. D’ailleurs, ce mardi, le boxeur pourrait même trouver une place de titulaire dans son ancien jardin, là où il avait encaissé les banderoles hostiles de ses anciens supporters. « Évidemment, Adrien a eu un temps de jeu réduit par rapport aux autres avec ce qu’il s’est passé à Marseille, mais je verrai », réagissait Deschamps, rappelant qu’il est le seul maître à ce bord. C’est aussi cette confiance accordée en ces cadres qui leur permettent parfois de rebondir. Si Deschamps s’était fié à la décision du PSG d’installer Kylian Mbappé dans son loft, s’il s’était attardé sur son adaptation délicate au Real Madrid, s’il l’avait lâché pendant l’affaire de Stockholm, pas dit que l’attaquant se retrouve aussi rapidement dans de bonnes dispositions à neuf mois du Mondial. L’affect et le management à dessein sont aussi les raisons pour lesquelles il n’a jamais accablé Paul Pogba durant sa suspension pour dopage (ou Noël Le Graët dans d’autres situations, mais bon, on s’éloigne du sujet).
Être sélectionneur, c’est savoir autant manier le bâton pour les histoires concernant le groupe France que soutenir ses hommes quand les vents sont contraires à l’extérieur. Faire de cette sélection une safe place, dans le but de bâtir le plus rapidement une osmose collective. Sur ce point, Didier Deschamps excelle et a fait de la loyauté (réciproque) une de ses valeurs cardinales. Mieux, il pourra aussi utiliser cette histoire à son avantage. Ainsi, rien ne l’empêche de rappeler pendant sa causerie que, pour éviter blessures et embrouilles avec les clubs, le plus simple pour s’éviter deux matchs à enjeu est de terminer premier de son groupe de qualification et d’éviter les barrages. Après la victoire en Ukraine, une victoire face à l’Islande mettrait les Bleus sur les meilleurs rails. Il y aura ensuite tout le temps pour recoller les morceaux avec le PSG. Ou pas.
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