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Une leçon de foot-boulimie

Par Ulysse Llamas
4 minutes

Entre Barcelone, l’Espagne, Lyon et même la France, les matchs à plus de huit buts sont devenus la norme cette saison. Sans maîtrise, les équipes offrent des buts de dingue, des nuits de folie et du spectacle tous les trois jours. Que le spectateur continue de consommer comme une vulgaire Kings League.

Une leçon de foot-boulimie

Les neuf buts de Benfica-Barcelone, les deux demi-finales de Ligue des champions entre Barcelone et l’Inter, cet Espagne-France à neuf buts… Un Tottenham-Manchester United en League Cup (pas en Ligue Europa), un Manchester United-Lyon, un Real Madrid-Real Sociedad en Copa del Rey, les Clásicos à 4-3 ou 5-2… La liste est longue, et le scénario se répète. D’abord, sur le papier, des joueurs aux capacités physiques tarées, capables d’enchaîner 55 matchs par an à 17 ans. Ensuite, sur le match, deux équipes avec des lacunes défensives à faire frémir Antoine Kombouaré. Puis, comme Lyon en prolongation ou l’équipe de France deux fois contre l’Espagne, les formations sont sans maîtrise et coupées en deux. Enfin, les joueurs ne jouent que pour l’attaque. Le terrain n’est plus régulé par la tactique, les arbitres ne sifflent même pas. On a du jeu, des buts partout, et la boulimie de foot s’entretient.

Il faut sa dose

Depuis un 8 mars 2017, l’irrationnel devient rationnel, et le spectateur consomme. Il peut voir un 3-3 en finale de Coupe du monde. Ou un 5-0 en finale de Ligue des champions. Un 7-0, ou un 7-1 plus tôt dans la saison. Le plaisir est total. La dopamine pousse à rallumer la télé le lendemain, sans savoir s’il s’agit de la Ligue 1 (qui a rarement vu autant de buts par matchs), de Dunkerque ou Rodez en Ligue 2, de la Ligue des champions ou même de la Ligue des nations. La Coupe du monde des clubs arrive, et il serait presque tentant de la regarder. Il faut avoir sa dose, son shoot.

Les matchs ne ressemblent plus à rien, si ce n’est qu’ils rappellent les orgies de l’Autriche des années 1930, de la Hongrie des années 1950. L’histoire se souvient d’un 4-3 de l’Espagne contre l’Angleterre en 1929, la première défaite de l’Angleterre contre un adversaire non britannique. Au travers des 924 matchs de l’équipe de France (merci à Chroniques bleues), 15 des 18 rencontres terminées avec au moins 9 buts l’ont été avant 1960. Bref, une époque où la tactique se résumait à des 1-2-7, des 2-2-6 ou des 2-3-5, où le hors-jeu n’était pas encore totalement codifié. La notion de spectacle n’avait pas pris autant d’importance.

Nuits de folie

Alors, comment expliquer ces moments magiques ? En 2025, le football a terminé de capter toutes les ressources financières, historiques et symboliques. Il se consomme comme une drogue. Le spectateur prend sa dose de divertissement, de brillance, de coups de gueule trumpiens ou sans fondements, comme Didier Deschamps qui se réjouit d’avoir la possession contre l’Espagne. Peu importe la constance, si les yeux brillent. Le foot ne récompense plus le mérite mais un spectacle. « Nous ne sommes pas un club de football, mais une holding de divertissement », admettait avec raison Jean-Michel Aulas en 2007.

L’aléa sportif n’existe plus à l’échelle des compétitions : le PSG remportera la Ligue 1, le Bayern gagnera la Bundesliga. Ils le font même avec de plus en plus de points. En fait, l’incertitude sportive n’existe plus que quand ces ultras gros clubs se rencontrent. C’est désormais dans ce cercle auto-entretenu des gagnants que tout peut se produire. Ils peuvent tout donner à n’importe quel match. Pas de calcul, même en quarts de finale de Ligue des champions, puisqu’ils seront là la saison suivante. Ils ne tomberont jamais. Paradoxalement, ces compétitions sont des machines à réduire le mérite sportif (le parcours de l’Ajax en 2019 restera rarissime), mais elles en produisent en mettant aux prises des énormes équipes.

Puisque la séduction et les émotions existent encore, ce n’est pas près de s’arrêter. Jusqu’à l’intoxication. L’écœurement ne concerne en effet encore qu’une minorité. Rappelons que, contrairement au souhait de Gerard Piqué et autres, la beauté de ce genre de matchs de folie réside dans sa rareté, pas dans un empilement de buts filmés en vertical, pas dans un entre-soi de riches et pyramidal. Le foot, c’est aussi un Châteauroux-Aubagne (6-2, raté), ou un Brest-Reims (0-0, ouf). Un truc moche avec de la pluie et des contrôles ratés. Le plaisir est le fruit du contraste.

Matuidi : « Je savoure encore cette victoire du PSG, plutôt que de l’analyser »

Par Ulysse Llamas

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