Bilan 2007 : England, too much Pounds but no Euro…
Steven Gerrard. Cherchez pas : le foot anglais, c’est lui. Capello vient à peine d’être nommé sélectionneur et il ne parle pourtant que de Beckham…Comme l’autre abruti d’Eriksson, avant. Tout faux, Fabio ! Allez, un bon point pour Gégé Houllier qu’avait tout compris du premier coup : le boss, c’est Steven Gerrard ! Chez Steven, y’a un peu de Springsteen (“the Boss”, justement) et beaucoup de Paul Weller. Comme l’ex-leader de The Jam, revenu récemment à l’électrique pour secouer un peu la pop british, le Big Red One incarne le peu d’insularité qu’il convient encore de préserver. « We shall never surrender ! » Le cri de guerre churchillien colle bien à la mentalité de Steven (il est né à Whiston, ça sonne comme Winston). De quoi s’agit-il au juste ? Ceci : le 21 novembre dernier, Gerrard était le capitaine de l’Angleterre humiliée (2-3) à Wembley par des Croates insolents. E-li-mi-nés ! Pas d’Euro 2008 au printemps. Steven-le-fier n’a pas digéré.
Pour se racheter, Captain Red a juste qualifié Liverpool pour les 8èmes de Ligue des Champions. A lui tout seul. Il a planté 4 buts, meilleur buteur des Rouges. Pas eu besoin de maillot noir au Vélodrome : juste le regard qui tue en déboulant sur la pelouse et l’OM était dead. Un but sur péno, un tacle de camionneur sur Zenden et un autographe à Valbuena. What else ? Les Reds seront bien là en C1 et l’Inter est déjà menée au score…Psychologiquement.
Steven Gerrard a 27 ans et plus de temps à perdre. Il lui reste le championnat d’Angleterre à gagner avec Lily Pool et un Euro ou une Coupe du Monde avec l’Angleterre. Or, l’Euro 2008, c’est mort. Voilà pourquoi il la ramène de plus en plus. Il a juré fidélité aux Reds et émis le souhait d’en devenir le manager général sitôt sa carrière finie. C’est dire s’il voit loin ! Sélectionneur des Three Lions, pour finir ? Actuellement le club perd du terrain, 4ème à dix points du leader Arsenal (mais un match en moins). Steve est tendu…Il s’était “fritté” à distance avec Benitez, lui reprochant ses incohérences tactiques, parfois, et son turnover infernal, souvent. Foirer encore une fois en Premier League, jamais remportée par Liverpool depuis 1990, ça énerve Steven, alors il l’a fait savoir indirectement à Rafael…
Mais surtout, Steven a donné son point de vue sur le débat N°1 qui agite le foot anglais en 2007 : trop de joueurs étrangers ou non en Angleterre ? Avec Carragher (souvent) et Crouch (parfois), Steven fait partie des trois seuls Anglais du club. Le désastre annoncé d’Angleterre-Croatie du 21 novembre lui avait fait déclarer : « Il faut que quelque chose se passe. Je suis entièrement favorable à une mesure qui nous assurerait de continuer à avoir l’une des meilleures équipes nationales. Si rien n’est fait, il y aura de plus en plus d’étrangers, ils vont prendre le pouvoir et c’est inquiétant. Nous sommes fiers d’avoir l’un des meilleurs championnats du monde, mais le plus important est d’avoir aussi l’une des meilleures sélections » . Steven a clairement pris position. Entre les lignes, on a compris que Steven ne serait pas défavorable à la règle du 6+5 (6 nationaux + 5 non sélectionnables par club)…
Attention. Steven n’est pas pour autant un protectionniste à deux balles. Il sait qu’il doit une partie de sa carrière à la confiance précoce d’un Frenchy, coach Houllier. Les Anglais en général (joueurs, coaches, dirigeants, journalistes) acceptent largement l’idée que l’apport de joueurs étrangers (et d’entraîneurs !) a amélioré la qualité du foot british. Tout le monde sait aussi que la proportion de joueurs anglais en Premiership est relativement stable et que ce sont surtout les Ecossais, Gallois et Irlandais qui ont vu leurs positions entamées par les “footballeurs extra-british”… Alors, quoi ? Alors, parti comme c’est parti, on risque de se retrouver dans tous les clubs de Premier League avec des situations “à la Liverpool”, c’est à dire plus que deux-trois joueurs anglais dans chaque équipe, voire moins ou plus du tout…Hypothèse loin d’être farfelue. Plus d’Anglais à Arsenal, trois à Man City (Richards, Johnson, Ball), quatre au maximum à Chelsea (Terry, Lampard, Ashley Cole, Joe Cole ou Wright-Phillips), quatre à Blackburn. C’est mieux à MU, Portsmouth ou Tottenham, qui alignent encore 5 Anglais en moyenne, comme pour le reste de cette D1 anglaise. Mais question : jusqu’à quand ? Prenez Portsmouth, justement, qui fait jouer 5 Anglais sur 11 : Sean Davis a 28 ans, Sol Campbell, 33 ans et David James 37 ans ! Qui les remplaceront quand ils partiront : des joueurs du pays ? Pas sûr…
Les droits TV pharaoniques que touchent les clubs (1,7 milliard de Livres pour la période 2007-2010, avec le dernier de Premiership qui touche autant que Lyon, premier de L1 !!!) passent pour une grande part dans la masse salariale des joueurs (salaire moyen anglais : 145 000 euros/mois, contre 38 000 en France !!!). Et c’est là que le foot anglais déconne à plein tube : à l’inverse des clubs français professionnels, obligés d’ouvrir chacun un centre de formation aux coûts très onéreux, les clubs britons, déchargés de cette obligation légale, préfèrent acheter à l’étranger et ne pas se ruiner à former des jeunes. Il existe bien des “Academy” dans certains clubs (celle de West Ham est très réputée : Lampard, Carrick, Rio Ferdinand, Joe Cole !), mais elles ne contrebalancent pas la fièvre “acheteuse” des dirigeants GB, loin de là…
Le risque qui menace le foot anglais est le même qui a plombé le foot allemand au milieu des années 90. Les clubs de Bundesliga sont allés acheter des joueurs des ex-Pays de l’Est, bon marché, au lieu de former. Anecdote caricaturale : juste après le Mondial 94 qui a vu la Bulgarie éliminer la Mannshaft, les clubs allemands ont activé comme des blaireaux la filière bulgare chez eux : Kostadinov, Letchkov, Balakov, Yankov, Borimirov, puis plus tard, l’immense Berbatov ont ainsi débarqué en Allemagne…
Une dernière stat’ parlante : en Premiership, les clubs accueillent en moyenne 17 joueurs étrangers par effectif, alors que la moyenne n’est que de 10 joueurs étrangers en France, Espagne ou Italie (toutes les trois qualifiées pour l’Euro 2008 !). La menace est donc bien réelle, même si elle n’explique pas le 0-0 à dom’ contre la Macédoine qui a vraiment éliminé les GB de l’Euro…Jusqu’ici, tout allait encore bien pour un foot anglais qui pensait arriver encore à former assez de joueurs (sauf gardiens !) pour aligner une équipe nationale potable. Mais le 21 novembre tout s’est écroulé. Georges Prost, formateur à l’OL, a passé 5 ans au club de Southampton. Il a un jugement pire que Loana : « En matière de formation, l’Angleterre a 30 ans de retard » . Et comme la Fédé est incapable de faire pression sur les clubs pour qu’ils y mettent du leur…Le Prime Minister Gordon Brown s’est un peu ému après la cata croate et puis il a réclamé le retour du bon vieux Tournoi Britannique (Angleterre, Ecosse, Galles et Irlande du Nord) dès juin 2008. Surréaliste…Plus convaincant : la nomination de Capello à la tête de la sélection. Tout débat était inutile : il n’y avait pas de coach anglais compétent pour le poste. C’est l’autre drame du foot anglais. Le dernier coach “local” à avoir gagné le Championnat ? Howard Wilkinson, avec Leeds United, en 1992…
Voilà, voilà. A part la sélection et le tarissement programmé de talents made in UK, le championnat cartonne : des buts (34 goals, samedi et dimanche), du suspens (avec les mêmes : MU, Gunners, Blues, Reds et…Citizens de Man City !), du jeu (ou plutôt de “l’intensité et de l’engagement”). Bref, du spectacle spectaculaire et le monde entier hypnotisé tous les week-ends à suivre une série TV appelée Premiership ! En coupes d’Europe, en C1, l’Angleterre a placé 3 clubs demi-finalistes l’an passé, et a fait monter un club anglais pour les trois dernières finales (Liverpool en 2007 et succès en 2005, Arsenal en 2006). En C3, Middlesbrough a été finaliste en 2006. Avec quatre clubs en 8èmes de finale de C1 2007-08 (Arsenal, MU, Chelsea et Liv’pool), la Terre d’Albion maintient un standing royal, à l’égal des seules Espagne et Italie.
Steven Gerrard, qui rêve aussi de Ballon d’Or, doit beaucoup penser au 21 mai, date de la finale de la Champions League, programmée à Moscou. Y’a intérêt à marquer des points en C1, parce que pour l’Euro…Oh, shit !
Chérif Ghemmour
PS : Pour un essai d’analyse un peu plus approfondie de l’échec anglais à l’Euro 2008, voir aussi l’article de sofoot.com du 23 novembre 2007, England, les glandes, des glandus
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