Beckham à Milan, histoire d’un détournement
Tout le monde l'a bien compris : le Spice Boy, buteur hier soir contre le Genoa, n'a aucun intérêt à quitter le Milan AC. Et comme en plus le deal a l'air faisable...
Il est arrivé sous les sifflets. Présenté comme le messie par son président Silvio Berlusconi, qui pensait l’offrir en cadeau de Noël à ses tifosi, David Beckham a surtout été vu, côté Brigate Rosse, comme l’ultime preuve de la dérive galactique du Milan AC. Une star déchue trentenaire de plus, qui venait s’ajouter à Sheva II, Ronaldinho et Zambrotta. Et pendant ce temps-là, l’Inter qui caracole en tête, avec José mad man Mourinho et sa horde d’espoirs caractériels. On en a vu pendre leurs dirigeants pour moins que ça. « Le jour de sa présentation, Beckham n’a pas attiré les foules. Et ceux qui sont venus l’applaudir ne font pas partie des vrais supporters du Milan. Il s’agissait plutôt de simples suiveurs » , explique Laura Bandinelli, milanologue en chef du quotidien La Stampa.
Six semaines ont passé, et David Beckham, hier soir, est sorti à la 70ème minute sous les applaudissements de San Siro. Avant, il avait eu le temps de planter un coup franc direct, permettant à son équipe de mener 1-0 face au Genoa. La semaine passée, il avait déjà plombé les filets du stade de Bologne d’un méchant kick prolétaire à bout portant. Et quand il ne plante pas, comme pour ses deux premiers matchs de championnat face à la Roma et à la Fiorentina, le gars débute, se bat, et prend des cartons, ce qui est toujours signe d’un match réussi quand on joue milieu de terrain de l’autre côté des Alpes. Bref, sportivement, c’est une réussite.
Donc, questions : Beckham va-t-il rester ? Le peut-il ? En a-t-il envie ? Pour cette dernière interrogation, c’est oui. Retrouver ses 20 ans en Serie A à un an de la Coupe du Monde, c’est mieux que de bronzer sous le soleil californien, surtout quand c’est Fabio Capello qui coache. Signe qui ne trompe pas, le pourtant peu éduqué Spice Boy a déjà trouvé le temps de s’inscrire à des cours d’italien. « Hier soir, il a pour la première fois gueulé sur l’arbitre en italien » illustre la Bandinelli. Côté Calcio, on n’est pas con non plus : Beckham, c’est l’assurance de vendre du maillot, de la figurine Panini, et de faire venir des nigauds au stade. Pour ses exhibitions starring Beckham jouées durant la trêve, le Milan aurait encaissé une moyenne de 500 000 euros supplémentaires par partie.
Sur la faisabilité de la chose, c’était annoncé délicat. Si le Milan voulait la jouer fair play, il lui faudrait renvoyer Becks chez les Stetson, attendre qu’il y finisse la saison en octobre, puis le récupérer gratis. Pas mal, mais pas très malin : il ne débarquerait alors en Italie qu’en janvier 2010. Dans le business, cela s’appelle perdre un an. En Italie, passer pour un débutant. Sauf qu’en fait, que nenni. Adriano Galliani, le factotum de Berlusconi, l’a bien compris, et a déclaré, pour la première fois hier, sourire en coin, que « l’affaire Beckham n’était peut-être pas aussi compliquée que ça » .
Si les Italiens proposaient 8 millions d’euros (15 millions de dollars), les propriétaires californiens ne verraient en fait pas cette somme d’un si mauvais œil, surtout en temps de crise, et surtout pour un type dont finalement tout le monde se fout côté Pacifique. « Pour l’instant, ses 50 millions de dollars annuels d’émoluments constituent plus un fardeau qu’autre chose, c’est donc un mauvais investissement auquel ils ne s’accrocheront pas. Une approche du Milan serait peut-être même vue comme une occasion inespérée » décrypte Didier Domat, avocat spécialisé dans le droit du sport au cabinet Taylor Wessing. Si on comprend bien, Beckham devrait donc encore loger pas mal de temps dans sa suite de l’hôtel Principe Di Savoia.
Et pour Flamini, ce sera une Gourcuff.
Ennio Noddo
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