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Laurent Batlles : « La Ligue 2 est un bon laboratoire »

Propos recueillis par Maxime Brigand
Laurent Batlles : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>La Ligue 2 est un bon laboratoire<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

L'affaire s'est ébruitée il y a quelques semaines jusqu'en Espagne : quelque part en France, à Troyes, une équipe de Ligue 2 a réveillé cette saison le 3-4-3 losange de Cruyff et Van Gaal. Et avec succès, puisque après 21 journées, l'ESTAC est en effet leader du championnat et en tête de quasiment tous les classements statistiques. Aux manettes, Laurent Batlles, qui a pris un moment pour décrypter son approche.

Les chiffres de l’ESTAC cette saison

Après 21 journées, l’ESTAC est leader de Ligue 2 (13 victoires, 5 nuls, 3 défaites) et compte quatre points d’avance sur Clermont. L’ESTAC possède la 4e attaque de Ligue 2, mais est première en matière de xG (35,36xG). C’est aussi l’équipe qui tire le plus du championnat (13,09/match), la deuxième qui centre le plus derrière Rodez (17,12/match) et celle qui obtient le plus de corners (5,32/match). Défensivement, l’ESTAC est aussi une machine : c’est la deuxième meilleure défense de Ligue 2 (15 buts encaissés), celle qui subit le moins de tirs (6,3/match), celle qui récupère le plus de ballons dans le camp adverse (11/match) celle qui presse le plus activement (7,3 passes adverses par action défensive dans le camp adverse – PPDA) et l’une de celles qui le fait le plus intensément (7,1 duels, tacles et interceptions par minute de possession adverse en moyenne, ce qui place l’ESTAC juste derrière Toulouse). L’ESTAC présente également le meilleur taux de possession moyen du championnat (60,9%), le plus gros nombre de passes (500,7/match), le meilleur ratio de passes réussies dans le dernier tiers adverse (63,7 tentées par match en moyenne – ce qui est plus que l’Atalanta – pour 72,5% de réussies) et le meilleur taux de passes progressives (78,96 tentées par match en moyenne pour 81,2% de réussies – en comparaison, en Ligue 1, Rennes affiche le plus gros total – 77,42/match – et le PSG le meilleur taux de réussite – 83,3%). Enfin, l’ESTAC compte dans ses rangs le deuxième plus gros centreur de Ligue 2 (Dylan Saint-Louis), le joueur qui touche le plus de ballons dans la surface adverse (Alimami Gory, qui est ailier gauche), celui qui déclenche le plus de passes dans la profondeur (Dylan Chambost), deux des trois joueurs qui tentent le plus de passes dans le dernier tiers adverse (Florian Tardieu et Tristan Dingomé), l’un de ceux qui en réussit le plus dans cette zone (Rominigue Kouamé) et plusieurs membres du top 15 des éléments qui dégainent le plus de passes par match (Tardieu, Dingomé, Giraudon, Chambost, Salmier, Kouamé).

Comment avez-vous vécu cette première partie de saison ? Il y a eu plus ou moins deux passages clés dans notre début de saison. D’abord, un mercato qui, comme pour tout le monde, n’a pas été facile à gérer. L’équipe n’a pas beaucoup changé, mais on voulait faire un recrutement un petit peu plus cohérent. Avec le rachat du club (par le City Football Group, en septembre 2020, NDLR), ça a été un peu plus compliqué, notamment avec le départ de certains joueurs comme Kiki Kouyaté ou Warren Tchimbembé (tous les deux partis à Metz, NDLR). Le deuxième passage, ça a été le match de Clermont, que l’on a gagné en septembre (1-0) et qui a permis à l’équipe de prendre confiance en elle. Et un mois plus tard, il y a eu le match contre Valenciennes…

Un match bascule pour la saison de l’ESTAC, puisque après trois minutes, Yoann Salmier est expulsé et cinq minutes plus tard, vous êtes menés 0-1. En réaction, plutôt que bétonner, vous installez un 3-3-2-1.Quand j’étais avec la réserve de Saint-Étienne, une année, alors qu’on jouait la montée de N3 en N2, on est allés faire un match à côté d’Aurillac. Ce jour-là, on a pris un carton rouge un peu similaire, au bout de 10-15 minutes de jeu. À la mi-temps, j’ai dit aux gars : « Si vous voulez qu’on monte en fin d’année, on va rester à trois derrière, mais il faut qu’on y aille ensemble et avec la conviction que l’on peut y arriver ainsi. » Les joueurs y ont cru, et on a gagné. Contre Valenciennes, j’ai eu envie de retenter le coup. Bien sûr, c’est une prise de risque et il faut que les joueurs adhèrent, mais on a eu la chance de vite revenir au score et de finir avec un point. Résultat, ça m’a donné une base pour la suite. À Ajaccio, j’ai ajouté un joueur au milieu et on a réussi à faire un bon match (0-4).


Le 3-3-2-1 face à VA.


Le 3-4-3 losange installé à Ajaccio avec une défense Raveloson-Giraudon-El Hajjam, Tardieu en 6, Kouamé et Dingomé en relayeurs, Chambost en 10, Saint-Louis et Lumeka sur les ailes, puis Touzghar dans l’axe.

D’où est venue cette idée de 3-4-3 losange, très similaire à celui du Barça de Cruyff et à celui de l’Ajax de Van Gaal ?Je ne me suis pas particulièrement inspiré, pour être honnête. Je me suis juste basé sur la qualité de mes joueurs, sur ce que je voulais mettre en place, sur l’idée de faire reculer l’adversaire et la volonté d’imposer notre jeu. Il me paraissait important de mettre en place un système qui nous permettait de mettre plus de buts. Et c’est vrai que depuis que nous sommes passés dans ce système, on marque beaucoup plus et on se crée beaucoup plus d’occasions. C’est une formule plus offensive, mais il a aussi fallu travailler énormément l’aspect défensif et la sécurité à la perte du ballon.

Comment travaille-t-on une telle approche la semaine ? À la fois par des cheminements mis en place au niveau technique, parfois avec des mannequins… C’est un travail sur les zones, donc on sectorise certains joueurs à certains endroits pour essayer de trouver des solutions et créer de l’incertitude dans la tête de l’adversaire. Jusqu’ici, des choses ont bien marché, mais vous vous doutez bien que les autres équipes nous regardent aussi, donc il faut trouver de nouvelles parades pour pouvoir faire mal.


Ce système fonctionne avant tout par le mouvement incessant et la création d’espaces. Ce que je demande est exactement ça : créer du mouvement. Il faut sortir des marquages et chercher les zones libres. C’est aussi ce que je cherchais à faire lorsque j’étais joueur. Il est plus difficile d’éliminer un joueur lorsqu’on est collé à lui. Surtout, le mouvement fait naître l’incertitude, il brouille les pistes et rend la récupération adverse plus compliquée. Les circuits de passes et le positionnement des joueurs visent à libérer des zones précises et à attaquer des zones ciblées. Après, tout ça varie en fonction de si l’adversaire joue à quatre ou à cinq derrière. L’autre chose essentielle était de construire avec les profils : Touzghar et Suk sont des joueurs de surface, donc je ne voulais pas qu’ils s’époumonent trop à aller de droite à gauche. On a donc compartimenté avec deux joueurs excentrés qui s’occupent des 20-25 derniers mètres dans les couloirs et Suk ou Touzghar pour s’occuper des 30 derniers mètres dans l’axe. Ainsi, on garde de la présence devant le but.

Défensivement, l’ESTAC est une référence de Ligue 2 cette saison, mais ce 3-4-3 losange peut parfois être dangereux. Comment gérer l’équilibre ? Le travail à la perte est précieux. Quand il n’est pas fait, malheureusement, on peut être pris à défaut. Dans cet équilibre, le rôle du gardien est important, tout comme celui des trois joueurs de derrière. Ils aident à maintenir le bloc et une certaine hauteur. Ils sont essentiels à ce que l’on vit aujourd’hui. Il y a plusieurs choses, mais je ne peux pas trop en dire par rapport à ça. (Rires.) Ce système, je l’assume, peut-être à risque, mais permet de se créer plus d’occasions.


Exemple du bienfait du 3-4-3 avec beaucoup de jeu entre les lignes : ici, à Nancy, alors que Dingomé (le 5) plonge, Gory alerte Kouamé plein axe, qui trouve ensuite Chambost pour une déviation en première intention vers Touzghar. Au bout, but du 2-2.

L’objectif était aussi de faire réfléchir les joueurs ? Bien sûr. L’aspect cognitif est central pour les mouvements, le timing de certaines transmissions, les compensations, les permutations… Après, si je suis allé vers ce système, c’est avant tout parce que je connaissais les joueurs que j’avais à disposition. À chaque fin de match, j’ai un bilan qui est fait par mon analyste vidéo. Il y a une analyse de l’adversaire, une analyse de notre match à nous, tout ça par du codage. Je sais ce que représentent mes forces sur le match et celles de l’adversaire. Dans une saison, je fais aussi un bilan après 10, 20 et 30 matchs. Globalement, même si c’est positif, je sais qu’il faut toujours se remettre en question et trouver de nouvelles solutions parce qu’en face, ça travaille aussi…

Et la Ligue 2 est toujours aussi homogène.Très homogène. Il y a de belles choses, de belles équipes, de bons joueurs… Après, on se pose forcément la question : est-ce que ce système est viable en Ligue 1 ou pas ? Je ne sais pas. Est-ce qu’on est en capacité de le faire ? Je ne sais pas non plus. Je regarde ce qui se fait ailleurs, défensivement et offensivement, et je retrouve certaines choses chez certaines équipes. On a toujours la pression quand on entraîne, mais personnellement, je ne m’en mets pas plus ou moins par rapport à un système. Tant qu’on a la conviction que les joueurs peuvent l’assimiler, il faut tenter des choses et rester sur notre chemin.

Qu’avez-vous trouvé en regardant ailleurs ?Je regarde un petit peu tout parce qu’on peut toujours trouver des choses, notamment dans l’aspect défensif. Je m’attarde principalement sur les défenses à trois, évidemment, comme l’Atalanta ou l’Inter. L’Atlético est aussi intéressant. Manchester City joue également aujourd’hui dans un certain système où, par moments, je trouve des idées qui pourraient faire évoluer le nôtre. On essaie de se servir un peu partout pour faire évoluer notre effectif tout en gardant nos certitudes.

On sent quand même la volonté de ne pas s’emmerder sur le banc et de proposer un football attractif. L’année dernière, je suis arrivé dans un club où il fallait que je découvre un nouvel effectif, un nouveau championnat… On a testé parfois la défense à trois, déjà, avec Kiki Kouyaté qui était un très bon défenseur, mais qui est parti. On cherchait peut-être aussi plus à contrer. Derrière, on a travaillé le 4-3-3 pour apporter autre chose. Dans tous les cas, on cherche à proposer du jeu, des occasions, prendre et donner du plaisir. Je n’ai pas la prétention d’avoir des clés particulières, j’avance avec mon équipe et je progresse tous les jours. Mais la Ligue 2 est un bon laboratoire puisqu’il y a plusieurs approches différentes : Toulouse joue avec une défense à trois, mais une autre animation, Clermont est avec un 4-2-3-1 très rationnel, mais avec plein de mouvements particuliers, Grenoble est à l’expérience et très solide défensivement, le Paris FC est costaud, joueur au milieu et va vite devant… Chaque équipe a la capacité d’être performante. C’est ce qui rend ce championnat si riche.

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