Kylian Mbappé, un an de matraquage dans la presse madrilène

« Il faut beaucoup de classe pour jouer au Real Madrid. » « Mbappé préfère l’argent du PSG à la légende du Real Madrid. » Marca et AS n’ont pas caché leur désarroi ce dimanche, au lendemain de la prolongation de Kylian Mbappé au Paris Saint-Germain. Attendu de pied ferme dans la capitale espagnole, le champion du monde tricolore ne débarquera pas à Madrid. Un coup dur pour la presse sportive madrilène, à fond sur le dossier depuis près d’un an et le refus de Paris de le laisser partir contre 200 millions d’euros en août dernier. Un camouflet pour des médias qui portent presque dans leur ADN l’agitation entourant chaque mercato de la Casa Blanca.

#LaPortada ? ‘Hace falta mucha clase para jugar en el Madrid’ pic.twitter.com/YWmQgPst4R

— MARCA (@marca) May 21, 2022

« Le moment le plus marquant du feuilleton a probablement été le fameux tic-tac, estime aujourd’hui Tomás Roncero, journaliste chez AS et intervenant régulier d’El Chiringuito. Il semblait à ce moment-là qu’il allait venir à Madrid, le fait que le PSG refuse les 200 millions d’euros alors qu’il n’avait plus qu’un an de contrat est vraiment incroyable. Ce moment a réellement montré que le PSG joue avec d’autres cartes. » Un temps fort suivi par d’autres, avec toujours la même certitude de l’autre côté des Pyrénées : le destin de Kylian Mbappé devait l’amener en Liga.

Une afición en ébullition

Pour comprendre ce traitement médiatique hors normes, il faut se plonger dans ce que représente le Real Madrid en Espagne. « Ce qu’il s’est passé avec Mbappé dans la presse madrilène depuis un an est habituel, une chose normale. Le Real Madrid est le club qui fait vendre le plus de journaux, expose simplement Pedro Morata, journaliste à Marca. Dans n’importe quel petit village, il y a une peña du Real Madrid. Les trois choses les plus intéressantes, d’un point de vue journalistique, sont : quand le Real gagne un titre, quand il recrute un grand joueur et enfin quand il perd un titre, ce qui engendre un intérêt négatif. » Une attention rarement aussi forte par le passé, malgré l’habitude de la Casa Blanca d’attirer les plus grands noms du ballon rond. « Je n’ai pas d’exemple de quelque chose qui prenne autant d’ampleur, je crois que c’est incomparable. Le seul est peut-être Cristiano Ronaldo, mais on savait à l’avance qu’il allait arriver », assure Andrés Onrubia Ramos, qui travaille pour AS et La Cadena Ser.

Pas de surprise, donc, à voir les principaux titres de presse madrilènes s’enflammer tout au long de la saison. « C’est logique, parce que c’était un recrutement stratégique pour chaque club, confirme Roncero. Les supporters du Real Madrid avaient un rêve : voir Mbappé courir sur son aile chaque week-end, avec Vinícius de l’autre côté et Karim Benzema en pointe. » Une perspective qui a mis en ébullition des milliers de supporters merengues en Espagne et à travers le monde, et qui justifierait le tapage selon lui : « En Espagne, 70% de la population soutient le Real et les 30% restants sont antimadrilènes, donc tout le monde a suivi le dossier de très près. Les antimadrilènes se sont accrochés à l’idée qu’il reste au PSG. »

« C’est devenu une presse du cœur »

Cette ébullition permanente, la presse sportive espagnole ne fait rien pour l’atténuer. Pedro Morata, encore : « Dès qu’il y a un grand joueur sur le marché, les journaux espagnols vont toujours dire que le Real Madrid le veut. Papin, Zidane, Robinho… Avec lui, je me souviens d’une véritable telenovela, il faisait la Une tous les jours. Cela peut être vrai ou non, mais les médias vont toujours dire que le Real est intéressé par les joueurs les plus connus. » Une histoire qui se répète, saison après saison. « La presse sportive est le reflet des intérêts de la société, ce n’est pas prendre position pour un club ou un autre, assure le journaliste, qui pointe du doigt le fait que le sport est plus prisé que la politique ou l’actualité chez les marchands de presse ibériques. Marca fait surtout un journal pensé pour les suiveurs du Real Madrid. Tu vas avoir par exemple douze pages sur le Real Madrid, quatre ou cinq sur Barcelone et une page pour le reste des équipes. »

En faire trop ? Jamais, pour la presse madrilène. « Les gens qui ne sont pas de Madrid peuvent penser que tout cela est pesant, mais il faut comprendre que ce transfert aurait représenté un tournant pour le Real Madrid. Tout le monde voulait connaître les dernières informations, tous les détails autour de Mbappé », appuie Roncero. De son côté, Andrés Onrubia Ramos ne le contredit pas : « Les gens sont demandeurs de ce contenu, et cela en fait un thème central, tous les médias vivent de cela, et la demande d’informations autour de Kylian Mbappé a respecté la règle. » Et tant pis s’il faut parfois se voir accusé d’être partisan. « La presse sportive est différente dans chaque pays, et en Espagne, l’avenir de Mbappé était devenu un sujet majeur tout comme en France. Mais avec différents points de vue : certains voulaient qu’il continue à Paris, d’autres qu’il vienne à Madrid. » Quitte à devoir se montrer innovante pour ne jamais être à court de sujets autour du prodige, surtout lorsqu’il décide de venir passer ses quelques jours de congés dans la capitale du royaume. « Il a choisi de venir à Madrid en sachant que c’est un thème très chaud, il a alimenté toutes ces rumeurs, plaide Pedro Morata. Les médias veulent donner tous les détails, cela parfois peut sembler être une persécution. C’est devenu un peu une presse du cœur, en même temps qu’une presse sportive. » Depuis que le compte à rebours a commencé, c’est d’ailleurs parfois le cœur qui a parlé en ignorant la raison.