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  • Euro 2020
  • Finale
  • Italie-Angleterre (1-1, 3-2 TAB)

Italie-Angleterre : calcio 1, calcul 0

Par Adrien Candau
3 minutes
Italie-Angleterre : calcio 1, calcul 0

Vainqueur de l'Angleterre aux tirs au but, l'Italie est allée au bout de l'Euro 2020 avec des stars vieillissantes, des joueurs de clubs de province, un banc de touche limité, mais surtout avec un style de jeu qui a fait d'elle l'une des formations les plus audacieuses et séduisantes de la compétition. Sa victoire face à des Three Lions frileux et attentistes est aussi celle d'un autre football, qu'on attendait de revoir récompensé au plus haut niveau international.

Ce lundi, l’azzurro est une couleur chaude. Chaude de bonheur, de la moiteur des corps qui s’entrechoquent et des cœurs qui battent à l’unisson, au moment de soulever ce trophée Henri-Delaunay, que l’Italie n’avait plus brandi depuis 1968. Ce qu’a érigé Roberto Mancini n’est pourtant ni un monument ni un antienne glorieuse qu’on murmura religieusement, pour sacraliser des vainqueurs surhumains, intouchables, drapés dans l’orgueil que leur confère leur talent supérieur. En 2021, l’Italie a gagné l’Euro avec une ligne d’attaque Immobile-Insigne-Chiesa. En faisant confiance à des remplaçants – Belotti, Locatelli, Berardi, Pessina pour ne citer qu’eux – qui évoluent au Torino, à Sassuolo et à l’Atalanta. Et avec seulement deux stars derrière, Chiellini et Bonucci, dont la lumière qu’on pensait déclinante a pourtant rayonné comme un buisson ardent dans la nuit de Wembley.

Éloge de l’esquive

En face, l’Angleterre avait plus de choses à faire valoir, pourtant. Plus de joueurs qui évoluent dans des grands clubs. Un banc plus qualitatif. Plus de public. Tout ce que l’Italie n’avait pas, sauf une chose : une idée. C’est une pensée que Roberto Mancini a inculquée à ses hommes depuis plusieurs années, un courant collectif brassé par un milieu de terrain gracile, mais agile de pied et d’esprit, où le joueur le plus massif, Jorginho, ne dépasse même pas le mètre 80. Dans un football moderne théorisé comme de plus en plus exigeant pour les corps – et où les deux derniers détenteurs de l’Euro et du Mondial avaient fait preuve d’un impact physique et de qualités de transition supérieures -, c’était un pari audacieux. Comme le Portugal, comme la France, l’Angleterre a d’ailleurs tenté de s’inscrire dans ce courant là, en refusant le jeu et le ballon ce dimanche, sans doute pour tenter de retourner la force cinétique des attaques de l’adversaire contre lui.

En vain, au cours de 120 minutes où elle n’aura cadré que deux frappes, tenu le ballon 34% du temps et surtout livré une rencontre sans allant ni courage, en refusant de se découvrir pour tenter d’aller marquer un second pion qui l’aurait peut-être mis à l’abri d’un retour azzurro. L’Angleterre n’a pas poussé son avantage parce qu’elle ne savait simplement pas le faire, parce que son expression collective, efficace, mais minimaliste, repose avant tout sur des exploits individuels où la vitesse de Sterling est une arme dangereuse, mais prévisible. L’Italie est plus versatile, moins attendue, parce que ce n’est pas seulement le ballon que se passent les petits hommes qui composent son onze, mais bien un concept, une façon de faire, qui unit les crânes et les jambes et permet de développer un jeu délié, où l’évitement par la passe et le mouvement sont peu ou prou tout. Exception faite de son match face à l’Espagne en demi-finales, elle se sera rigoureusement tenue à jouer ce football, le sien, que Mancini a voulu et réussi à lui inculquer.

Panache à l’italienne

C’est une belle et bonne nouvelle de voir une telle équipe l’emporter, preuve que le football international n’a pas à se résumer à une enfilade d’équipes de contre, de bloc bas rustres et vulgaires, de passes latérales où la seule exigence est de minimiser la prise de risque, quitte à ne plus inventer grand-chose. Il fallait de l’esprit, de l’imagination, de la créativité, du culot aussi, pour jouer comme cette Italie-là. Les limites individuelles des joueurs qui la composent sont précisément ce qui rend son épopée grandiose. Elle n’a pas manigancé en fonction de ses déficiences ou de celles de l’adversaire, mais a d’abord voulu faire l’addition de ses qualités. Au bout du compte, l’équation est gagnante, et le professeur Mancini peut laisser à jamais cette formule figurer sur son ardoise tactique : calcio 1, calcul 0.

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