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« Henri, je croyais qu’il était immortel »

Propos recueillis par Andrea Chazy, Florian Lefèvre et Mathieu Rollinger
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À Nantes ou en équipe de France, nombreux sont ceux qui ont croisé Henri Michel. Capitaine adulé, ami fidèle, adversaire respecté, sélectionneur sous-estimé : ses proches lui rendent hommage.

William Ayache

Coéquipier à Nantes de 1979 à 1982 et sélectionné en équipe de France par Henri Michel.

« Il n’y a pas de mots pour traduire Henri Michel. Henri, c’était le talent, la beauté, la générosité, la spontanéité. Il avait tout le mec : il était bon, il était beau, il savait parler, il était élégant, il dégageait une aura. Quand vous débarquez à 17-18 ans, il est là, capitaine de l’équipe de France, mais quand même proche des jeunes avec toujours un petit mot d’encouragement. Je jouais juste derrière lui, lui en 8, moi en 2. Imaginez-vous, j’avais peur de lui faire une passe. C’est dire le charisme que dégageait le type. Je me disais « Mais putain, si je lui fais une mauvaise passe, il va m’engueuler. » Mais au contraire, il t’encourageait. Pour ma génération, il représentait tout, Henri. Moi, je croyais qu’il était immortel. Avec la santé qu’il avait lorsqu’il était joueur… J’étais évidemment au courant qu’il allait moins bien récemment, il ne voulait pas qu’on aille le voir. Mais je perd quelqu’un de proche. Il faisait partie de ma vie depuis que j’ai 18 ans. J’ai vécu tellement de choses à ses côtés.

Imaginez-vous, j’avais peur de lui faire une passe. C’est dire le charisme que dégageait le type.

On a fait les Jeux olympiques, la Coupe du monde, quand il était sélectionneur. Je retiendrai la personnalité du mec : il aimait la vie, il aimait les gens, les gens l’aimaient. Pour moi, c’est le plus grand joueur de tous les temps à Nantes. Et dans l’histoire des Bleus, je le mets au même niveau que Platini. Il a été plus qu’un joueur de foot, il a été une idole, une icône. C’était notre grand frère. »


Jean-Paul Bertrand-Demanes

Coéquipier à Nantes de 1969 à 1982, partage avec Henri Michel le record de matchs de D1 avec le FC Nantes (532)

« Je ne veux pas parler de foot aujourd’hui. Dire qu’un joueur disparaît, on peut en parler tout les jours. Aujourd’hui, c’est quelqu’un de spécial qui s’en va. Mon amitié avec Henri va bien au-delà du foot. Dès qu’il y avait des coups durs, il était là. Quand j’ai été hospitalisé pour une maladie, il était là. Je savais qu’il était malade lui aussi, je le sais depuis le début, mais il ne voulait pas qu’on en parle. Cette amitié, elle débute quand je suis arrivé au club à 17 ans. Lui était là depuis deux ou trois ans et il était déjà le patron de l’équipe. J’ai eu la chance de jouer très tôt en pro et il m’a pris sous son aile. On partageait nos chambres pendant les déplacements, on s’entraînait ensemble, mais ça allait plus loin qu’un partenariat sportif puisqu’on partait en vacances ensemble à Saint-Raphaël, on mangeait ensemble, on allait boire des coups ensemble. On savait qu’on pouvait compter sur l’autre pour partir à la guerre. À son contact, j’ai beaucoup progressé au football, mais surtout humainement. C’était un leader sur le terrain et dans la vie. À Nantes, c’était le boss. Le seul que j’ai vu élever la voix face au président Fonteneau, c’était lui. En même temps, il était le seul à pouvoir se permettre une telle prise de bec.

Ça allait plus loin qu’un partenariat sportif, on savait qu’on pouvait compter sur l’autre pour partir à la guerre.

Le record que l’on partage, c’est une fierté. Ça prouve qu’on a été fidèles à notre club. Quinze ans au même endroit, avec les mêmes coéquipiers, je ne vois pas qui pourrait aujourd’hui battre ce record, puisque le football n’est plus le même. On a aussi été à la Coupe du monde 1978 en Argentine. Mais je crois qu’il n’a pas eu en équipe de France la reconnaissance qu’il méritait, alors qu’il était déjà un vrai leader. Il fait partie des très grands joueurs français, mais aussi des grands entraîneurs français. On parle beaucoup de la demi-finale d’Hidalgo contre l’Allemagne en 1982, mais jamais de sa Coupe du monde au Mexique où il a amené les Bleus à la troisième place. Pour moi, c’est une injustice. »


Christian Lopez

Coéquipier en équipe de France et adversaire lors des classiques FC Nantes-ASSE

« Il y a des leaders sur le terrain et dans le vestiaire, lui réunissait les deux par son autorité et sa prestance. Henri aimait bien couver les jeunes qui arrivaient. C’était un garçon du Midi, comme moi. À la Coupe du monde 1978 en Argentine, on logeait à 50 kilomètres de Buenos Aires dans le même hôtel que les Italiens.

Il y avait une grosse rivalité entre Nantes et Saint-Étienne. Quand on jouait chez eux, on en prenait trois ou quatre. Quand il venait chez nous, ils en prenaient trois ou quatre !

Avec Henri, on allait jouer au tennis. On faisait des doubles avec Michel Hidalgo, mais je ne me rappelle plus le quatrième joueur. Celui qui perdait payait les bières. Au tennis comme au foot, c’était un gagneur : on se tirait de bonnes bourres ! On aimait beaucoup déconner et on se chambrait parce qu’il y avait une grosse rivalité entre Nantes et Saint-Étienne. Quand on jouait chez eux, on en prenait trois ou quatre. Quand il venait chez nous, ils en prenaient trois ou quatre ! En demi-finales de la Coupe de France 1977, on perd 3-0 à Nantes. Au retour, Henri avait marqué d’une frappe de 25 mètres, mais on s’était qualifiés 5-1. Sur le terrain, il savait mettre le pied, il ne s’échappait pas, il montrait l’exemple. Il était sûr de son football, c’était un chef. »


Dominique Bijotat

Sélectionné par Henri Michel en équipe de France olympique, lors du tournoi de Los Angeles 1984 remporté par les Bleus

« C’est un entraîneur, mais surtout un type que je respectais beaucoup. Aux JO de Los Angeles, on n’avait pas la meilleure équipe, mais on avait le groupe le plus solide. Et, lui, c’était le chef d’orchestre, tout en douceur. Il nous responsabilisait énormément. Souvent, avant de prendre une décision, il nous interrogeait.

C’était le chef d’orchestre, tout en douceur.

C’était un élément de plus dans le groupe. Il montrait beaucoup d’humanisme dans ses propos. Il savait qu’on aimait vivre ensemble, qu’on pouvait aller fêter les victoires, mais il avait l’art de ne pas nous rentrer dedans. Et nous, on ne l’a jamais trahi. Jamais. En 2014, la Fédération nous a réunis pour fêter les trente ans de la victoire de l’Euro et des JO. On a passé une journée à échanger, manger, boire… Il m’a influencé en tant qu’entraîneur dans la responsabilisation des joueurs. »


Gilles Rampillon

Coéquipier à Nantes de 1971 à 1980

« J’ai évolué pendant dix ans avec lui. Moi en 10, lui en 8 avant qu’il redescende au poste de libéro. Il a été élu récemment meilleur joueur de l’histoire du FC Nantes. Lui est arrivé après le titre de 1966. Moi, je suis plus jeune que lui, je fais mon premier match en pro en 1971 au Parc des Princes. On gagne le match 6 à 0, et moi je marque dès la treizième minute sur une passe d’Henri Michel. Avec un peu de recul, je m’aperçois que j’ai marqué beaucoup de buts sur une passe ou un centre d’Henri Michel. Dans le vestiaire, il arrivait mieux que personne à nous galvaniser. C’était quelqu’un d’exigeant, en match ou à l’entraînement, et c’est notamment grâce à lui qu’on a placé la barre très haut avec Nantes. »


Jean Petit

Coéquipier en équipe de France, souvent compagnon de tablée après les matchs

« Henri, c’était un gagneur, mais fair-play. Il ne mettait pas les mauvais coups. Lors des Nantes-Monaco, il jouait face à moi. Sans se connaître, on s’est vite entendus. Une fois, il m’a dit : « Tiens, on va manger ensemble après le match. » On était quatre, cinq Nantais et Monégasques autour d’une table dans une brasserie, à minuit. Automatiquement, on parlait des matchs : « Le titre est loin, pas loin… » À l’époque, nous, on ne repartait à Monaco que le lendemain midi en avion de ligne. Quand Nantes venait à Monaco, on a poursuivi la tradition, c’est nous qui les invitions. Pourquoi ? On ne sait pas, on aimait bien être ensemble.

Quand on a été éliminés de la Coupe du monde 1978 en Argentine, c’est lui qui a réservé l’hôtel Le Méridien à Rio de Janeiro pour continuer à suivre le Mondial depuis le Brésil.

On a vécu la Coupe du monde en Argentine en tant que coéquipier avec la même relation. En tant que capitaine, c’était un meneur d’hommes charmant, il avait de la finesse comme dans son jeu. Quand on a été éliminés, c’est lui qui a réservé l’hôtel Le Méridien à Rio de Janeiro pour continuer à suivre le Mondial depuis le Brésil. Il amenait toute l’équipe de France à Rio. En 1977-1978, Monaco et Nantes luttaient pour le titre de champion de France. On gagne les cinq derniers matchs et on avait besoin qu’ils perdent un point. Ils l’ont perdu à Rouen. Quand on était au Brésil, on en a parlé : « Vous l’avez acheté ce match ?« , m’a dit Henri. Je lui ai répondu : « Mais c’est vous qui l’avez joué ce match. Un champion doit battre le dernier…«  »


Joseph-Antoine Bell

International camerounais en 1994

« D’abord, avant d’être entraîneur, j’ai connu Henri Michel sur le terrain et c’était un grand joueur. À cette époque-là, des joueurs comme lui, il n’y en avait pas beaucoup. C’était un joueur si technique, si intelligent que la Fédération, et c’est sûrement le seul qui a été dans ce cas, le préparait déjà pour devenir sélectionneur. Je l’ai ensuite revu lorsqu’il était sélectionneur du Cameroun en 1994, une année d’ailleurs où des dirigeants camerounais sont revenus et ont tenté de m’empêcher de jouer. Lui ne pouvait pas s’opposer à leur décision, mais il a tout de suite annoncé que ce n’était pas son choix, ce que peu de sélectionneurs osent faire en Afrique. Lui, il n’a pas accepté de jouer la marionnette des dirigeants. Henri avait sur le terrain ce côté leader, mais aussi une simplicité de vie qui l’a peut-être un peu freiné à un moment donné. Il faisait peut-être partie des premiers de la classe qui n’avaient pas vocation à enseigner. Oui, Henri avait de la personnalité, oui Henri aimait le foot, mais j’ai cru déceler qu’Henri ne pouvait pas comprendre pourquoi les autres ne comprenaient pas. Il ne comprenait pas qu’il fallait être derrière le dos de certains joueurs, car lui n’en avait pas besoin lorsqu’il était joueur.

Il faisait peut-être parti des premiers de la classe qui n’avaient pas vocation à enseigner.

Après son baptême du feu du Cameroun, je pense que ses autres expériences en Afrique ont dû être plus simple pour être honnête (Rires.) Pour vous donner un exemple, le premier match amical que l’on jouait en Égypte, il m’appelle et il me dit « Jo’ voilà, je veux que tu sois le capitaine de cette équipe. » Moi je lui dis : « Mais Henri, tu es sûr ? Le brassard entre l’hôtel et le stade, on me l’aura repris » et il me répond qu’avec lui, ce ne serait comme ça et pas autrement. Le jour du match, on a joué avec deux capitaines. »

Dans cet article :
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Dans cet article :

Propos recueillis par Andrea Chazy, Florian Lefèvre et Mathieu Rollinger

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