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Gignac : un triplé sous le soleil de Querétaro
Samedi, à Querétaro, Tigres, mal en point pendant une bonne partie de la saison, a arraché sa qualification pour la Liguilla (play-offs) de la LIGAMX, le championnat mexicain. Auteur d'un triplé, André-Pierre Gignac y a largement contribué.
Ils ont afflué par milliers à Querétaro, ville du centre du Mexique prisée des touristes pour son superbe centre colonial. Églises, places de charme, ou vieilles demeures ne manquent effectivement pas dans cette agglomération de plus d’1,5 million d’habitants, mais c’est autre chose qui a conduit ces pèlerins à se fader les huit heures de route, ou pour les plus chanceux, l’heure et demie d’avion, qui séparent Monterrey de Querétaro. Samedi, à 17h, alors que le thermomètre affichait près de trente degrés, Tigres jouait la dix-septième et dernière journée de sa saison régulière face à l’ex-employeur de Ronaldinho. Surtout, Tigres jouait sa peau. Huitième du tournoi de fermeture 2017 au coup d’envoi, Gignac et consorts avaient en main un précaire dernier billet pour la Liguilla, les play-offs qui concluent le championnat mexicain. En cas de contre-performance du club de la grande agglomération du nord du Mexique, ils étaient cinq (Pachuca, Morelia, Veracruz, León, Necaxa) susceptibles de lui subtiliser son pass pour la phase VIP du championnat. Les Gallos Blancos (coqs blancs) de Querétaro pouvaient, eux aussi, passer devant Tigres, mais seulement en théorie, un goal average défavorable leur interdisait tout véritable espoir.
Ce match de tous les dangers pour le champion en titre a finalement tourné à la démonstration et, au festin, pour André-Pierre Gignac, auteur d’un triplé. La confirmation du regain du buteur, dont le compteur est longtemps resté bloqué à deux buts cette saison. Mais depuis un mois, le Français s’est remis à fréquenter les filets avec assiduité. Samedi, il lui a ainsi suffi de six minutes pour ouvrir le score. Un dégagement calamiteux du défenseur central argentin, Miguel Martinez, une jambe en opposition d’APG, et les supporters auriazules lançaient leurs premiers « lalalala Gignac » , sur l’air de Hey Jude. L’affaire semblait même être pliée dès la 13e minute, quand le latéral « Chaka » Rodríguez envoyait une mine dans la lucarne de Tiago Volpi, l’excellent gardien brésilien des locaux. Lancé idéalement, Tigres a toutefois réussi à se faire peur, quand le Brésilien Camilo Sanvezzo – meilleur buteur de la MLS en 2013 – réduisait le score d’entrée de seconde période (1-2, 47e). Les fidèles supporters de Querétaro, qui avaient déployé un tifo à la mi-temps, commençaient même à chambrer les visiteurs en célébrant une phase de possession par de sonores « olé » . Mais leur plaisir sera de courte durée.
Car André-Pierre Gignac sera le grand protagoniste du second acte. À la 54e, APG envoyait ainsi une véritable sacoche depuis l’extérieur de la surface. Volpi repoussait, mais dans les pieds d’Ismael Sosa, qui redonnait de l’air aux Tigres (1-3, 54e). Trois minutes plus tard, l’ancien Lorientais était lancé en profondeur, et plutôt que de jouer son un-contre-un, préféra se donner un peu d’espace pour placer son plat du pied dans le filet opposé. Le match était plié, mais APG ne semblait pas rassasié. Face à un Querétaro aux abois et réduit à dix dès la 64e minute, l’ex-Marseillais ne cessait de se démener et multipliait les appels, peut-être alléché par la perspective de remporter le titre de meilleur buteur de la saison régulière. En inscrivant le but du triplé (77e), il se hissait, en tout cas, à la hauteur des cinq joueurs qui menaient le classement, dont l’international mexicain Oribe Peralta (América) et l’international chilien Nico Castillo (Pumas). Gignac quittait finalement la pelouse du stade Corregidora, enceinte de 35 000 places construite pour le Mondial 1986, sans avoir pu fêter un nouveau but, mais avec le ballon sous le bras. Avant de monter dans le car, la star de la LigaMX signera quelques autographes à des fans de Querétaro, dont certains arborent toujours le numéro 49 de Ronaldinho au dos de leurs maillots. « C’est sans doute le meilleur joueur du championnat, et on lui a offert deux buts » , se lamentait au terme de la rencontre Jaime Lozano, l’entraîneur des Gallos Blancos.
En posant le pied à Monterrey, samedi soir, APG apprenait finalement que le Péruvien Raúl Ruidiaz (Monarcas Morelia), auteur d’un but de dernière minute face aux Rayados, était sacré goleador de la saison régulière avec neuf réalisations, le plus faible total depuis le début de l’ère des tournois courts (semestriels), en 1996. Une réalisation capitale puisqu’elle sauvait Monarcas de la descente, et envoyait Jaguares Chiapas en Liga de Ascenso (deuxième division). Un but également lourd de conséquence pour Gignac and co, car en donnant la victoire aux Monarcas (1-2), Ruidiaz a aussi contribué à envoyer les Tigres, septièmes de la saison régulière, affronter les Rayados, deuxièmes, en quart de finale de Liguilla, pour un « Clásico regio » qui va animer le tout Monterrey pendant une semaine. Le match aller se jouera en milieu de semaine, au « Volcan » , le retour, le week-end prochain, à l’estadio BBVA, l’une des enceintes les plus modernes d’Amérique latine. Quoi qu’il en soit, Tigres, longtemps incertain pour la Liguilla, défendra bien son titre acquis en décembre dernier, aux dépens de l’América. « On est venus car on se disait que cela pouvait être le dernier match de Gignac au Mexique, nous disait avant le coup d’envoi, Arturo Mena, professeur universitaire. Nous ne sommes pas fans de Querétaro ni de Tigres, mais on voulait absolument voir ce joueur arriver au Mexique au meilleur moment de sa carrière, et qui contribue à hausser le niveau de la LigaMX. »
Avant la rencontre, Sandra Ochoa, dentiste de 32 ans et fan des Tigres, estimait, elle, que la saison de Gignac avait été « mauvaise » . Elle était entourée par quatre membres de sa famille vêtus de maillots bleu et noir de Querétaro, pourtant pas fans des Gallos, mais des Rayados, l’autre club de Monterrey. Ainsi se vit la rivalité entre les deux voisins de la grande agglomération du nord mexicain. « On est rivaux, mais on n’est pas aveugles non plus, précisait toutefois Cesar Ochoa. Gignac est un joueur d’une qualité supérieure, on est contents de l’avoir à Monterrey. On aimerait bien l’avoir chez nous d’ailleurs (rires). » Ce mécanicien de 63 ans ne savait alors pas encore que ses Rayados retrouveraient les Tigres en quarts de finale. Lors du tournoi de fermeture 2016, les deux voisins s’étaient déjà affrontés à ce stade et ce sont ses favoris qui l’avaient emporté. Rayados constitue d’ailleurs un véritable casse-tête pour les auriazules et notamment pour Gignac qui n’a jamais marqué face au grand rival. Le 22 avril, lors du dernier Clásico disputé et remporté par Rayados (1-0), APG n’avait pas existé, asphyxié par le marquage adverse.
Quoi qu’il en soit, Tigres se trouve en plein renouveau à l’abord de la Liguilla, ce money time du championnat mexicain où tous les compteurs sont remis à zéro. En tenant compte de leur faux pas face aux Rayados, Gignac et ses coéquipiers ont inscrit quinze buts lors de leurs cinq derniers matchs. Avec sa flopée d’internationaux (Guido Pizarro, Nahuel Guzmán, Luis Advincula, Jurgen Damm, Edu Vargas…) et d’autres éléments particulièrement talentueux, comme l’Argentin Lucas Zelarayan, le club félin fait partie des grands favoris de la compétition. Sa médiocre septième place peut ainsi être en partie imputée à une préparation quasi inexistante après avoir joué la finale retour du championnat d’ouverture 2016 un 25 décembre. APG avait été le grand héros de ce titre, en inscrivant six buts en six matchs lors de la Liguilla, après une médiocre saison régulière à cinq buts. Cette fois, l’idole des supporters auriazules s’est réveillé en amont des play-offs pour aider son club à arracher sa qualification. Son triplé à Querétaro le lance idéalement pour tenter de remporter un troisième championnat, deux ans seulement après son arrivée au Mexique.
Par Thomas Goubin, à Querétaro