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Gérald Baticle, entraîneur de Angers SCO : « Je ne peux faire que du Gérald Baticle »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
13 minutes
Gérald Baticle, entraîneur de Angers SCO : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je ne peux faire que du Gérald Baticle<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Pour lancer sa carrière d'entraîneur principal en Ligue 1 après dix ans passés en tant qu'adjoint à Lyon, Gérald Baticle a pris le risque de récupérer le flambeau de Stéphane Moulin à Angers. Sachant que le jeune quinqua prend autant de temps pour poser ses mots que pour se forger en tant que coach, le Maine-et-Loire semble la destination idéale, son nouveau club étant du genre à laisser les gens travailler. Et puis ça n'empêche pas l'ancien attaquant de l'AJA de prendre de l'avance en ce début de saison, puisque c'est son équipe qui menait le classement à l'issue de la deuxième journée.

Pour être sincère, pour notre premier match, je suis arrivé à Strasbourg avec des incertitudes légitimes.

Être en tête de la Ligue 1 après deux journées, c’est une belle manière de commencer un mandat, non ?Si cette place de leader reste anecdotique, gagner d’entrée deux matchs en mettant les intentions attendues, ça donne de la confiance aux joueurs, mais aussi au staff. Pour être sincère, pour notre premier match, je suis arrivé à Strasbourg avec des incertitudes légitimes. Je savais qu’on avait bien travaillé en prépa, mais la compétition, c’est autre chose. C’est un moment charnière où on ne maîtrise pas tout complètement. Cette victoire (2-0 pour le SCO, NDLR) nous a apporté la confirmation que les joueurs adhèrent au projet. Ça donne du crédit et du sens à ce que qu’on a fait pendant tout l’été.

Prendre la succession de Stéphane Moulin et ses 10 ans à la tête du SCO est forcément un poids. L’avez-vous ressenti ? C’est une responsabilité de succéder à Stéphane Moulin qui a fait des choses extraordinaires ici. Ceci dit, quand vous êtes impliqués dans votre mission, vous vous mettez forcément la pression pour que ça fonctionne. Mon but est de m’inscrire dans la continuité de ce que Stéphane a pu construire, parce qu’il y a de belles bases, mais aussi d’apporter mon style. Il y a des principes similaires dans nos approches, mais aussi des différences. Moi, je ne peux faire que du Gérald Baticle. Pour mettre en place une animation et la transmettre aux joueurs, vous êtes obligé de l’avoir en vous.

Avez-vous appelé Stéphane Moulin avant de prendre vos fonctions ?Oui. C’était déjà quelqu’un avec qui je pouvais discuter après les matchs, donc c’était déjà la moindre des choses que de prendre des informations auprès de lui. Je voulais aussi lui souhaiter un bon parcours dans une nouvelle aventure (au Stade Malherbe de Caen, NDLR).

Quel conseil vous a-t-il donné ?Je n’ai pas envie de vous dire ce qu’on s’est dit, mais c’est moins des conseils qu’un état des lieux sommaire.

Votre style, vous l’avez imprimé d’entrée en passant à une défense à trois, alors qu’Angers était depuis une décennie à quatre derrière. C’est un pur choix tactique ou une manière de se démarquer de ce qui se faisait avant ?L’intention est simplement d’avoir l’équipe la plus compétitive possible, pas de changer pour changer. Lors de la prépa, on a commencé avec le schéma de jeu le plus usité ces dernières saisons au SCO et le plus maîtrisé par les joueurs. Ça permettait de profiter de certains automatisme. Mais au fil des entraînements, j’ai remarqué des qualités à utiliser davantage, des défauts à corriger, des postes à changer, dans le but de trouver le meilleur équilibre collectif.

En arrivant, j’avais trois schémas potentiels en tête. Je m’étais interdit pendant les vacances de m’enfermer dans l’un ou dans l’autre ou de mettre des joueurs dans des cases.

Vous travaillez beaucoup avec la vidéo avec votre analyste Julien Le Goux. Il vous a fallu combien d’heures de travail avant de comprendre que Jimmy Cabot pouvait faire un bon piston droit ?En arrivant, j’avais trois schémas potentiels en tête. Je m’étais interdit pendant les vacances de m’enfermer dans l’un ou dans l’autre ou de mettre des joueurs dans des cases. Je voulais me laisser la possibilité d’en imaginer un quatrième si je découvrais des qualités fortes chez certains. Je connaissais déjà presque tout le monde en tant qu’adversaire, puisque c’était mon boulot de les analyser lorsque j’étais à Lyon. Mais je les connaissais à travers les systèmes utilisés par leur entraîneur. Quand vous les avez dans votre effectif, il y a une petite part de surprise. Puisque vous citez Jimmy, j’ai découvert un énorme potentiel d’endurance, la capacité à répéter les efforts à haute intensité, des qualités de vitesse et percussion… Tout ce qu’il faut pour jouer piston. Voilà comment l’idée a germé. Et il se trouve que le 3-4-1-2 faisait partie de mes trois schémas potentiels. Partir avec trois centraux et deux pistons, c’était dans ma tête depuis un petit moment, même si l’animation au milieu et devant restait à définir.

Peut-être parce que c’est un système que vous aviez déjà expérimenté à l’Olympique lyonnais ?Oui, on l’avait déjà réalisé et on l’avait déjà subi. C’est un système que j’ai bien étudié, sachant que je ne l’ai pas pratiqué en tant que joueur. Ça a pris du temps à mettre en place ici à Angers, mais on avait déjà bien travaillé en amont dessus. Il fallait juste trouver la méthode pour le transmettre à nos joueurs.

D’où le choix de leur diffuser de nombreuses images de l’Inter ou de l’Italie, comme l’expliquait L’Équipe On a regardé plein de matchs avec des équipes différentes. Je recherchais des principes bien précis pour illustrer ce qu’on avait en tête et dès que je trouvais une vidéo qui le montrait bien, on la découpait et on la présentait aux joueurs. Ils sont visuels donc c’était important de leur montrer en amont en salle, pour gagner du temps sur le terrain.

L’Euro vous a-t-il conforté dans vos principes de jeu, avec la prégnance des pistons justement ?Je regarde beaucoup de football toute l’année, mais je dois avouer que j’étais moins concentré sur l’Euro que d’autres fois, parce que je finissais tard, j’étais dans mon équipe. J’ai regardé plusieurs matchs en direct, ceux de l’Italie par exemple. Et de temps en temps, quand une séquence m’interpellait, je notais la minute en me disant : « Ça, il faut que je le montre ». Ce que j’ai vraiment aimé dans cette équipe, c’était son sens du collectif. La vedette, c’était l’équipe.

J’ai eu des échanges profonds avec Arsène Wenger, Guy Roux ou encore Gérard Houllier, quelqu’un qui donnait beaucoup de son savoir. Ça vous fait gagner du temps et de l’expérience.

Est-ce en tant qu’adjoint, au contact et à l’ombre des autres entraîneurs, que votre projet de jeu s’est construit ?Forcément. Pendant dix ans, j’ai été au service du numéro 1. Je faisais tout ce qu’il y avait à faire en tant que numéro 2 : mettre en place les séances, les animer, faire des séances supplémentaires individuelles, étudier le jeu de l’adversaire, etc. Et en même temps, j’étais en observation, à la recherche de ce qui est intéressant de garder ou pas, afin de me fabriquer ma méthode. J’avais pour moi mon passé de joueur, mon passé d’éducateurs chez les U19 d’Auxerre, mon vécu en Ligue 2 à Brest (26 matchs en 2008-2009, NDLR), puis mes dix belles années lyonnaises. Et en parallèle, des heures de discussion avec des maîtres. J’ai eu des échanges profonds avec Arsène Wenger, Guy Roux ou encore Gérard Houllier, quelqu’un qui donnait beaucoup de son savoir. Ça vous fait gagner du temps et de l’expérience.

Quand on est adjoint, y a-t-il des moments où on se dit : « Tiens, je n’aurais pas fait ça comme ça » ? Mon rôle de numéro 2 était de donner un avis au numéro 1, avec des arguments. C’est toujours le numéro 1 qui décide en tenant compte ou pas de cet avis. Et une fois le sujet tranché, je me rangeais derrière son choix. Il pouvait y avoir une part minime de frustration. En revanche, si j’identifiais un problème et que je ne le mettais pas sur la table, ça, ç’aurait été insupportable. C’est ce que je demande aujourd’hui à mon staff : anticiper ce qui pourrait arriver et mettre les arguments sur la table. Je les prends ou pas, c’est moi le responsable.

Votre ancien job fait-il de vous un meilleur numéro 1 dans vos relations avec votre propre adjoint ?(Il réfléchit.) C’est à lui qu’il faudrait demander. Sans aucune objectivité, si vous voyez ce que je veux dire, je pense que je suis top… Nan, je plaisante (Rires.)

Je me rends compte aussi qu’un numéro 1 a plus qu’un seul groupe de joueurs à gérer, mais plusieurs entités au sein du club.

Vous savez ce que c’est quoi…Oui, voilà. Mais je me rends compte aussi qu’un numéro 1 a plus qu’un seul groupe de joueurs à gérer, mais plusieurs entités au sein du club. Parfois, vous pouvez aussi ne pas transmettre les infos à votre staff, alors que c’était quelque chose qui pouvait me faire souffrir avant. Vous pouvez manquer d’attention pour votre staff, alors qu’avant je ne trouvais pas ça bien. Aujourd’hui, s’il m’est toujours insupportable d’être moi-même en retard, ça peut m’arriver de l’être à cause d’une urgence à gérer ailleurs.

Vous parliez de Guy Roux, que vous avez connu à Auxerre en tant que joueur (de 1991 à 1995 puis de 1998 à 1999), mais aussi lorsque vous dirigiez les jeunes (2005-2008). Les principes de Guy Roux sont-ils encore valables en 2021 ?Peut-être pas dans leur totalité, mais en grande partie. Je suis certain que si Guy Roux avait mon âge aujourd’hui, il serait toujours un entraîneur au top. Avec sa culture et son intelligence, il savait s’adapter au foot et avait même un temps d’avance sur son époque. Tout ce qui concerne le management, ça fonctionnerait encore. Il y a encore une semaine, il m’avait laissé un message avec un conseil. Je ne le donnerai pas, mais c’était un bon conseil de management.

Faire des stages commando avec les treillis militaires, ça fait partie des choses que Guy Roux aurait pu proposer à son groupe ? Visiblement, vos joueurs en ont bavé…(Il coupe.) On a fait un vrai stage de foot avant ça et la partie commando n’a duré qu’une après-midi. Mais Guy Roux était plus dans la promenade. On allait découvrir la nature, on discutait, on s’aérait. Il croyait beaucoup en la photosynthèse. L’oxygénation du corps, etc.

J’ai fait SVT à l’école, ça me dit quelque chose.(Rires.) Oui, moi aussi ! Mais c’était sa leçon, à Guy Roux. Quand il voulait faire adhérer ses joueurs à quelque chose, il savait le vendre. Quand on allait courir en forêt, on savait pourquoi : parce qu’en forêt, c’est là où il y a le plus de photosynthèse, là où on pouvait prendre l’oxygène à la source. Vous courrez mieux quand vous savez ça plutôt que sans le savoir ou le long d’une route. Notre génération, on savait l’entendre et ça nous donnait du dynamisme. Aujourd’hui, je ne sais pas si c’est le bon argument, mais il y en aurait d’autres.

À quel moment, vous êtes-vous senti prêt à succéder à vos « maîtres » ? Quand vous êtes-vous senti capable d’apporter votre pierre à l’édifice de ce sport ? On ne se sent jamais prêt à succéder à des légendes. Je savais cependant que je voulais aller dans cette filière là. Pendant ma carrière, j’avais fait un DEUG STAPS pour apprendre l’histoire du sport, connaître des méthodes pédagogiques, comprendre le corps humain, etc. Une fois les crampons raccrochés, je me suis dit que ce serait idiot de ne pas profiter de ces connaissances et de ces armes pour aller vers ce métier d’entraîneur. Selon moi, il y avait deux chemins : le monde amateur ou la formation. J’ai opté pour le second en retournant à Auxerre. Et la fin de mon apprentissage, c’était d’intégrer un grand club comme l’Olympique lyonnais, avec l’exigence du haut niveau.

Finalement, le seul moment où vous vous êtes précipité, c’est lors de votre nomination à Brest en novembre 2008. Avec le recul, cette expérience est-elle une erreur ?Ce n’était peut-être pas la bonne option à ce moment de mon parcours, mais j’ai bien fait d’y aller, parce que j’ai beaucoup appris. Ça n’a pas été très long, mais très intense, très riche et j’en tire encore des bénéfices aujourd’hui. Il fallait être un peu pompier dans l’âme pour prendre un club en cours de saison. Au bout de trois jours, il fallait déjà jouer. Pas facile quand on débute. À Angers, j’ai pu prendre le temps d’analyser et de préparer la saison.

Votre nom avait déjà circulé les saisons précédentes dans différents clubs pour un poste de numéro 1, sans qu’il y ait de suite. Sans parler de l’intérêt du SCO, qu’est-ce qui vous a décidé à sauter le pas en 2021 ?Sauter le pas, c’est la bonne expression. Précédemment, j’avais hésité à le faire, mais j’étais bien en tant que numéro 2. J’avais le sentiment de progresser et d’avoir encore des choses à apprendre. Je me suis nourri de tout ce que j’ai pu vivre à Lyon, j’y ai été heureux jusqu’à la dernière seconde. Mais j’ai senti cette année que je voulais vivre autre chose. J’avais envie de prendre des responsabilités.

Il devait y avoir une case que je ne cochais pas pour être numéro 1 à l’OL et ça, je l’accepte totalement. Le SCO m’a offert cette possibilité, donc j’avance et je travaille.

Après dix ans au club, il n’y a jamais eu chez vous l’amertume de ne s’être jamais vu proposer le poste de numéro 1 à l’OL ?J’ai eu ce poste en intérim entre deux entraîneurs (en octobre 2019 entre Sylvinho et Rudi Garcia, NDLR). C’est peut-être cette période-là qui m’a fait mûrir et prendre conscience que je pouvais sauter le pas. J’ai tellement de respect et d’estime pour Jean-Michel Aulas et la direction de l’Olympique lyonnais, je sais aussi que c’est réciproque, donc je ne peux en vouloir à personne. Il devait y avoir une case que je ne cochais pas et ça je l’accepte totalement. Le SCO m’a offert cette possibilité, donc j’avance et je travaille. Vous avez signé pour quatre ans à Angers. En tant que fidèle Guyrouïste et désormais Scoïste, vous êtes dans l’obligation de vous inscrire sur la durée… C’est un métier où on ne peut pas regarder trop loin. C’est aussi pour ça que je fonctionne avec des cycles de travail. On a une vision globale sur la saison ; puis, une vision sur une demi-saison ; enfin, une vision portant jusqu’à la prochaine trêve internationale. Je suis quelqu’un de fidèle, je l’ai été avec mes clubs, d’où je suis toujours parti en bons termes. Je m’inscris dans la vie des clubs, dans la culture des clubs. Je ne veux pas les révolutionner. J’ai beaucoup d’estime pour les histoires des clubs. C’est ce qui fait leur beauté. J’ai beaucoup de respect pour les supporters, pour leurs chants, pour leurs couleurs. Au SCO, je trouve que ce sont des couleurs magnifiques. En noir et blanc, tout devient classe. Même le bus. Le stade va être magnifique. Le kop, il est beau. Je m’inscris dans cette histoire et dans cette vie. Ça durera le temps que ça durera. Je n’aurais jamais pensé rester dix ans à Lyon et si ça dure dix ans au SCO, ce sera magnifique.

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Propos recueillis par Mathieu Rollinger

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