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Élection présidentielle : le football passe son tour

Par Nicolas Kssis-Martov
4 minutes
Élection présidentielle : le football passe son tour

Le duel du second tour sera plus serré qu’un match retour de Ligue des champions. Certains évoquent même une victoire possible de Marine Le Pen. De quoi inquiéter un monde du football qui n’a a priori guère d’atomes crochus avec le Rassemblement national ? Pas vraiment : la normalisation du parti d’extrême droite touche aussi les pelouses. Et l'immense majorité des footballeurs et footballeuses restent mutiques, voire - ce qui est pire - indifférents.

Une vote en faveur de Karim Benzema à Roubaix, une photo sur Instagram de Dimitri Payet et de Kylian Mbappé en train de remplir leur devoir citoyen (le Parisien a aussi eu droit à son bulletin dans l’Ariège) : voilà sûrement les principaux temps forts de la contribution du football au premier tour de l’élection présidentielles 2022. Pour le reste, circulez, rien à voir. Pas de prise de position ni d’engagement en faveur d’untel ou d’unetelle. Presque aucun gazouillis ni réaction. Seuls de rares éveillés (Laure Boulleau, Amandine Henry, Eugénie Le Sommer, Blaise Matuidi, Dimitri Payet, Jean-Pierre Papin) ont signé au milieu d’autres personnalités sportives une tribune dans Le Parisien pour appeler à faire barrage contre la vague bleue marine. Un parti qui n’a jamais raté l’occasion de tirer sur un football affichant trop souvent le visage de la « mauvaise France » , celle des racailles et des musulmans. Le reste du petit monde du ballon rond a préféré s’émerveiller devant l’avalanche de buts de la journée de Ligue 1, tandis que les commentateurs dissertaient sur le podium possible. Finalement, le point d’orgue foot de cette élection aura été l’éviction d’Éric Zemmour d’un five appartenant à la famille Zidane, jolie métaphore de sa future déconvenue dans les urnes.

Les footballeurs ont certes la réputation de se tenir à l’écart de l’arène politique. Pour mémoire, ils n’avaient guère brillé par leur présence et leur mobilisation en 2002, pendant que la France se massait dans la rue contre la menace de Le Pen père. Quatre ans auparavant, les Bleus blacks-blancs-beurs étaient censés pourtant enterrer le FN. Cette année, Patrice Évra a juste expliqué qu’il s’abstiendrait, davantage par ennui que révolte. Calmement. On ne poussera pas le vice jusqu’à expliquer que la proposition lepeniste d’exonérer les jeunes de moins de 30 ans d’impôts sur le revenu pendant cinq ans, une mesure qui ferait directement le bonheur de bon nombre de pros, les aient convertis à la « banalisation » du mal. Le fossé demeure malgré tout trop grand sur le versant identitaire et raciste du discours politique de Marine. Mais visiblement plus assez pour en frémir.

Indifférence et ignorance

Certes, la campagne se révéla particulièrement atone. Le contexte post-Covid, puis la guerre en Ukraine ont étouffé les débats. Sans oublier qu’en face, les candidats ont plutôt ignoré les questions relatives au sport, notamment celles touchant le football. Sauf peut-être un Fabien Roussel tweetant, en quête de buzz, sur le besoin d’assurer la gratuité des retransmissions des matchs à la télé. Aucun candidat et aucune candidate n’a tenté un débordement autre que démago sur le sujet, et tous et toutes ont préféré s’extasier devant le Grand Chelem du XV de France, le rugby, cet enfant chéri de la République. De son côté, le football avait le nez planté dans ses affaires : la Coupe du monde au Qatar, le mélodrame du PSG, quelques débordements de supporters, etc. Cette belle indifférence de part et d’autre a rendu les retrouvailles improbables. Par ailleurs, l’ensemble de la société, y compris les artistes et intellectuels, s’est résignée depuis longtemps à ce face-à-face, les yeux rivés sur le prix de l’essence et la météo capricieuse. Le football, marqué par son apolitisme (de façade) peut difficilement faire mieux que la culture. Même les tribunes, pourtant sous tension, se tiennent pour l’instant loin du débat national.

On aurait pu certes attendre davantage, surtout que sous le quinquennat dont nous sortons, les stars en crampons ont commencé à briser les codes et la loi du silence, que ce soit sur les violences policières ou le racisme. Le refus de Kylian Mbappé de participer à une séance promo de la FFF relevait de la même logique, ébranchant l’image du joueur policé et taiseux dans son propre intérêt, économique d’abord. Pourtant, si le foot ne fait pas gagner ou perdre de voix (Mélenchon, au regard de son peu d’appétence pour la chose, n’aurait pas à ce point cartonné dans la jeunesse sinon), en revanche son rôle et son poids dans le pays (ses 2 millions de licenciés, les héros en Bleu, etc.) ne lui donne-t-il pas le droit et le devoir de s’exprimer ? Surtout alors que se profile ce moment déterminant de notre vie démocratique. Il n y aura pas de VAR en cas de mauvaises décisions.

Dans cet article :
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Par Nicolas Kssis-Martov

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