- Livre de la semaine
« Histoire du football féminin en Europe »
Xavier Breuil : « Histoire du football féminin en Europe » (Nouveau Monde édition)
Alors que débute l’ « autre » coupe du monde de football, sur laquelle, pour une fois, presse et télé se jettent avec un intérêt tout opportuniste – l’occasion certes de redorer le blason sportif et éthique d’un sport pour le moins discrédité grâce à des « filles » qui gagnent-, l’ouvrage de l’historien Xavier Breuil permet de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de l’énigmatique dimension féminine du football (à consulter également « Histoire du football féminin au XXème siècle » de Laurence Prudhomme-Poncet chez L’Harmattan).
De fait la comparaison entre les divers pays européens (surtout nordiques) éclaire cruellement le retard « sexiste » accumulé sur le vieux continent par le football, dont la sur-identité masculine (qui rappelons-le n’a rien de systématique cf. le cas américain) et la fonction représentative de la nation qui fut attribué au plus populaire des sports, a systématiquement poussé le « deuxième sexe » vers le banc de touche (cela dit comme dans le champ politique, domaine toujours réservé de la masculinité au pouvoir).
La lente émergence des filles en crampons se heurta donc à de fortes résistances culturelles, du blocage interne des fédérations à la logique profonde des dispositions sociales des disciplines qui conduisent les gamines vers d’autres pratiques dès l’enfance. Néanmoins à partir des années 90 se réalisa la progressive construction d’une élite, avec des compétitions jumelles – coupe du monde, d’Europe, Champion’s League -, considérées, parfois de manière quelque peu illusoire, comme le passage obligée pour obtenir une démocratisation de la pratique de masse et une meilleure visibilité télévisuelle.
De nombreux autres paramètres, financiers (la guerre des installations, le subventionnement des équipes) ou politiques (le féminisme), finirent de caractériser un foot féminin dont les progrès indéniables s’imposent aujourd’hui malgré tout dans un contexte de crise de valeurs et économiques de son « tuteur » masculin, qui par ailleurs phagocyte toujours l’ensemble du champ médiatique sportif. L’auteur démontre surtout que l’accès des femmes aux joies du ballon rond suivit les hoquets de leur émancipation dans la société, par exemple sous la première guerre mondiale quand elles entrèrent dans le monde du travail industriel pour remplacer les hommes au front ou durant les années 60 avec la première révolution féministe à l’heure de la société de consommation.
Nicolas Kssis-Martov
Blog : Never trus a marxist in football