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On était à la fête du FC Montlouis contre les Girondins de Bordeaux
Que se passe-t-il lorsque le club d’une commune d’à peine 12 000 habitants monte pour la toute première fois en National 2 et a le bonheur d’accueillir un monument du football français comme les Girondins de Bordeaux ? Il célèbre l’occasion, comme l’a fait le FC Montlouis ce samedi. Nous étions là pour assister à la fête.
C’est là que tout aurait dû se passer. Le stade Emmanuel-Petit, terrain d’honneur chouchouté toute la semaine en limitant les entraînements pour préserver la pelouse, bordé de sa maigre tribune et secondé par un synthétique où s’éclatent les U12 du club en ce samedi après-midi. Voici l’antre du FC Montlouis, tout juste promu au quatrième échelon national à l’été dernier pour la toute première fois de ses plus de 100 ans d’histoire. Un club bien décidé à continuer de se structurer, en particulier sur le plan des infrastructures.
Mais pour Zakaria Tahri, l’heure est surtout à la concentration à quelques heures d’une rencontre qu’il voudrait comme les autres, mais qui ne l’est pas vraiment. Car si le coach local a donné rendez-vous à son staff au club-house, c’est uniquement pour récupérer un peu de matériel. Avant de filer tous ensemble à bord du mini-van flanqué de l’écusson de l’actuel quatorzième de la poule A de National 2 (un ballon accompagné d’une grappe de raisin pour célébrer l’autre spécialité locale : le vin blanc sec). Pour une fois, ce n’est pas là que cela va se passer, mais à quelques kilomètres de là, au stade de la Vallée du Cher.
Gare aux frelons
Ce 13 décembre marque en effet une date bien à part pour les Frelons (un surnom en référence aux couleurs du club, le jaune et le noir). Pour la venue des Girondins de Bordeaux dans l’Indre-et-Loire, Montlouis a en effet décidé de s’offrir une belle fête. Première étape : organiser la rencontre dans l’ancienne enceinte du Tours FC, quitte à obliger l’ambitieux nouveau locataire, l’Union Foot de Touraine, à recevoir la réserve du SCO dans le plus modeste stade de La Haye. Un projet de longue haleine, négocié depuis le début de la saison avec les collectivités locales. Une semaine après avoir été encouragés par trois courageux à Avranches, les Montlouisiens pourront donc cette fois compter sur le soutien de plus de 7 000 personnes. Des familles, des gens de tous âges qui se mélangent dans un melting-pot que l’on n’imaginerait pas forcément pour un match de Ligue 1. Car forcément, venir au stade est une rareté pour une large partie des personnes présentes, ravies de venir pousser pour la première fois derrière le club de leur ville, voire de leur région.

Mais vraisemblablement pas pour les quelques acharnés qui attendent le passage de Zakaria Tahri et de ses hommes pour craquer des fumigènes à leur arrivée au stade. « J’ai commencé petit avec Montlouis, c’est énormément de fierté. Monter en National 2 et jouer contre un club mythique, c’est extraordinaire, confie celui qui a mis fin à sa carrière de joueur au sein du club dès 28 ans, pour immédiatement s’asseoir sur le banc en 2022. Le fait de jouer devant des milliers de personnes est chouette pour nous, mais à part un peu plus de caméras, l’idée est que rien ne change. » Pilier d’un club en pleine évolution, le tacticien a construit l’un des meilleures attaques de la poule, histoire de faire honneur au slogan local, qui s’affiche un peu partout : « Si tu aimes le football, tu aimes le FC Montlouis. »
On a même des gens que l’on n’avait jamais vus qui nous ont sollicités spécialement pour aider aujourd’hui.
Les milliers de curieux, parmi lesquels nombre de partenaires qui se massent déjà dans les 32 loges de leur domicile temporaire près de deux heures avant le coup d’envoi, peuvent donc espérer assister à un grand spectacle. Les joueurs, eux, arrivent au compte-goutte, détendus. Si la billetterie restera ouverte jusqu’au dernier moment aux portes du stade, la tribune ouest affiche complet depuis un petit moment déjà. De quoi rassurer le club, confiant sur le fait de rentrer dans ses frais, malgré quelque 20 000 euros dépensés pour assurer la sécurité de la soirée, auxquels s’ajoute notamment la location du stade. Heureusement, comme tout club amateur, le FC Montlouis peut compter sur le dévouement de ses nombreux bénévoles (entre 150 et 200 mobilisés pour l’organisation de la soirée). « On a même des gens que l’on n’avait jamais vus qui nous ont sollicités spécialement pour aider aujourd’hui », s’enthousiasme Benjamin Le Foll, tout récemment élu à la tête du club.

« On n’aurait jamais cru voir Montlouis jouer contre Bordeaux ! »
Ce barouf ne suffira toutefois pas à impressionner les Bordelais, pas plus que le fait d’avoir passé la DNCG sans encombre ces derniers jours. Les Maritimes ont en effet pris l’habitude de voir leurs hôtes mettre les petits plats dans les grands pour les accueillir, comme ce fut le cas à Poitiers ou Chauray ces dernières semaines. Risée du football professionnel et du grand public mais invité d’honneur du monde amateur avec lequel il est condamné à ferrailler chaque week-end : voici la nouvelle vie d’un monstre du football hexagonal. « Bordeaux est un club emblématique, c’est forcément un événement pour tous ceux qui les reçoivent. C’est une bonne chose pour les joueurs de Montlouis, ça leur fait un gros événement », estime Babar, local de l’étape, mais dont le cœur a toujours battu pour le club au scapulaire, qui s’affiche fièrement sur son maillot. Ce dernier ne s’en cache d’ailleurs pas : si la fête n’avait pas eu lieu à la Vallée du Cher, il ne serait pas venu pousser derrière la bande de Bruno Irlès. « Cela aurait été dur d’avoir des places, de toute façon. »
L’échauffement touche désormais à sa fin. Éric et Fabien, croisés dans la file de la boutique éphémère qui vend notamment l’écharpe collector du match, vont pouvoir vérifier qu’ils ne sont pas dans un rêve. « On n’aurait jamais cru voir Montlouis jouer contre Bordeaux un jour, à part peut-être en Coupe de France, s’exclament-ils, eux qui sont venus d’Amboise pour voir ça de leurs propres yeux. C’est l’une des premières fois qu’on vient, parce que c’est un sacré événement. On connaît mieux l’équipe de Bordeaux, mais ce soir, on est pour Montlouis ! » Comme tout un stade (ou presque), ils peuvent exulter après moins d’un quart d’heure, quand Alan Mondesir ouvre le score d’une jolie tête au second poteau. Sorties de balle léchées, projections rapides et intensité de chaque instant : les locaux font rugir une tribune de presse elle aussi remplie de supporters ravis de trouver une place assise et qui font vibrer chaque table à la moindre occasion.
La mi-temps offre également leur quart d’heure de gloire aux U11 et U13, conviés à s’affronter dans une série de face-à-face sur la pelouse du stade. Après avoir accompagné les joueurs pour leur entrée dans l’arène, les jeunes du club sont à l’honneur, eux aussi. « J’étais hyperexcité. On avait prévu de faire la fête et on l’a faite, le spectacle était là, se réjouissait Benjamin Le Foll en guise de conclusion à cette soirée, malgré le nul rageant finalement concédé par ses protégés. On prend un très bon point, avec un élément de satisfaction qui est d’avoir privé Bordeaux de son record (12 victoires d’affilée, les Girondins étaient sur 11 succès avant ce match, NDLR). On ne va pas bouder notre plaisir là-dessus. » Après les célébrations, il faudra pourtant bien retrouver le quotidien d’une lutte pour le maintien qui s’annonce acharnée jusqu’au bout pour le FC Montlouis en 2026. En attendant, sur les bords de la Loire, la période des fêtes a bel et bien commencé un peu en avance.
Fin de série pour les Girondins, accrochés à Tours par MontlouisPar Tom Binet, à Montlouis































