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La Côte d’Ivoire 2006, plus qu’une histoire de football

Par Célia Merckens
6 minutes

En 2006, la Côte d’Ivoire de Didier Drogba ne sort pas des poules à la Coupe du monde et s’incline en finale de la CAN au bout d’un scénario cruel. Au-delà du terrain et du football, les Éléphants se présentent comme une respiration pour un pays marqué par la guerre civile. Ce qui méritait bien une place sur le podium des plus grandes sélections africaines de l’histoire.

Les 50 plus grandes sélections africaines de l’histoire (3e) : Côte d’Ivoire 2006

⇐ Retrouvez les sélections classées 5e et 4e ici

Il y a des moments où le football n’est plus seulement un sport. En 2006, alors que la Côte d’Ivoire est en pleine guerre civile, la sélection nationale incarne une respiration pour les supporters, un moment à part dans la carrière des joueurs. Gilles Yapi-Yapo (43 ans), milieu de terrain ivoirien de l’époque, passé par Nantes et les Young Boys, revient sur cette période presque indescriptible, où le jeu était le dernier exutoire d’un pays coupé en deux.


C’est quoi ton premier souvenir de cette aventure en 2006 avec la Côte d’Ivoire ?

Au-delà de la compétition, c’est surtout la période dont je me souviens. À ce moment-là, la Côte d’Ivoire traverse une crise sociopolitique chaotique, très difficile à vivre pour les Ivoiriens. Le pays est divisé en deux. Alors, l’équipe nationale de la Côte d’Ivoire, avec d’un côté les campagnes de la CAN et de l’autre les éliminatoires de la Coupe du monde 2006, était comme une bouffée d’oxygène pour tout le pays. À chaque fois qu’il y avait un match avec la sélection, à l’extérieur ou à domicile, on avait l’impression que la crise s’arrêtait, comme si elle était en mode « veille ». Tous les regards, tous les cœurs, tous les espoirs étaient fixés sur la sélection ivoirienne.

Comment tu décrirais le fait de porter le maillot ivoirien dans ces moments-là ?

On se sent investi d’une forme de mission. Le maillot de l’équipe nationale, c’est toujours une responsabilité, une fierté, une manière de représenter le pays. Mais là, avec la crise sociale et les problèmes à répétition qui s’aggravaient, c’était différent. On sentait que même les politiques n’arrivaient plus à rassembler le peuple, même les négociations et tentatives de réconciliation étaient vaines. Pourtant, nous, les joueurs, on arrivait, le temps d’une semaine, à faire oublier leurs déboires aux Ivoiriens. Cette responsabilité, on ne l’a pas voulue, elle s’est imposée à nous. Et on était conscients que ça allait au-delà du football.

On s’est rendu compte que, dans une situation comme celle-là, le football était un vecteur de rassemblement, de rêve, de joie.

Gilles Yapi-Yapo

Toute cette émulation, c’était une pression ou c’était galvanisant ?

C’était plutôt une motivation. On était déjà très contents de se retrouver en sélection pour préparer des matchs, mais sur place, il y avait une ferveur hors du commun. On se rendait compte qu’à chaque fois qu’on faisait de bonnes performances en gagnant nos matchs, le pays était en joie, les gens étaient heureux, reconnaissants. C’est cette liesse qui m’a marqué. Quand on marquait un but – on jouait principalement dans la capitale, à Abidjan – on savait que c’était suivi dans toutes les autres régions du pays. On s’est rendu compte que, dans une situation comme celle-là, le football était un vecteur de rassemblement, de rêve, de joie. On peut le dire, on peut le lire, mais le vivre et y contribuer, c’est autre chose.

 

Pourtant, l’équipe a été prise à partie après votre défaite face au Cameroun lors des qualifications pour le Mondial…

Oui. La déception était immense, et une partie du public l’a très mal vécue. Il y a eu des tensions, un peu de violence envers l’équipe. C’était totalement inhabituel pour nous. Certains supporters étaient tellement en colère qu’ils nous ont menacés physiquement. Nous n’avons pas pu rentrer à l’hôtel avec le bus de l’équipe nationale, qui a dû partir en urgence pour éviter d’être caillassé. Finalement, on est venu nous chercher dans des cargos militaires pour nous faire sortir du stade.

Est-ce qu’il y avait des divisions liées à la crise politique au sein même de l’équipe ?

Il y avait une représentation équivalente entre les joueurs venant du nord et ceux venant du sud dans notre groupe. Mais pour être honnête, on ne parlait pas de la crise entre nous, même pas de politique, à part de manière très ponctuelle pour commenter l’actualité du pays. Ce qu’on voulait, à notre niveau, c’était montrer que cette division ne nous caractérisait pas et que, même en venant d’horizons différents, on pouvait fonctionner ensemble.

Ce qu’on a vécu là, en 2006, c’est incomparable.

Gilles Yapi-Yapo

Pour beaucoup de gens, la prise de parole de Didier Drogba en 2005, dans laquelle il exhorte les Ivoiriens à déposer les armes, a mené à la fin de la guerre civile. Est-ce qu’on peut résumer les choses ainsi ?

Disons que c’était une belle coïncidence. Juste après la prise de parole de Didier, il y a eu un accord de paix entre les deux camps opposés à l’époque. Un match pour la paix a été organisé à l’intérieur du pays : c’était la première fois que l’équipe nationale allait jouer un match dans l’autre partie du pays. En parallèle, la foule était en liesse, on venait de se qualifier pour la Coupe du monde… C’était un tournant, c’est sûr, mais il faut reconnaître qu’il s’agissait d’un bon timing. Grâce à ça, nous avons pu surfer sur le message de notre capitaine, en faire un symbole.

Au niveau footballistique, selon toi, qu’est-ce qui a façonné cette cuvée 2006 ?

On se qualifie pour la Coupe du monde et on atteint la finale de la CAN, perdue aux tirs au but face à l’Égypte, pays organisateur. Rien que ça, c’est déjà un immense souvenir. Pour moi, il y a plusieurs éléments à cette réussite. Déjà, on avait une superbe génération, on prenait beaucoup de plaisir à se retrouver. Le noyau de l’équipe venait en grande partie de l’Académie Mimosifcom. On voit d’ailleurs aujourd’hui le même modèle s’implanter au Mali, où est présente l’Académie : les mêmes fruits qui sont sortis de la Côte d’Ivoire sont en train de sortir du Mali. Il y avait aussi des grands noms : Copa, Aruna Dindane, Yaya et son frère Kolo Touré, Dider Zokora, Emmanuel Eboué, Romaric, le tout encadré par Didier Drogba. Ensuite, ça va de soi, mais je pense que cette année-là, le contexte nous a poussés à aller chercher le trophée.

Dans ton parcours de footballeur, est-ce que tu as vécu quelque chose de la même intensité ?

Jamais. Ce qu’on a vécu là, en 2006, c’est incomparable. On ne veut pas le revivre et on ne le souhaite à aucune autre génération, ce sont des événements malheureux. Mais dans une carrière, c’est un moment complètement à part.

Retrouvez le reste du classement :
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