On a conté leurs nuits légendaires au coin du feu. Elles ont porté les espoirs et fait la fierté de leur peuple. Elles ont même stoppé des guerres quand elles ne les ont pas subies. Pas forcément sur les meilleures pelouses, mais toujours dans la plus grande ferveur. Elles, ce sont les générations dorées des sélections africaines, dont voici les 50 plus marquantes.
Même avec les années, le parcours de la sélection 1972 du Mali laisse derrière elle un goût doux-amer. Cette année là, les Aigles réalisent la plus grande épopée de leur histoire en Coupe d’Afrique des nations, organisée au Cameroun. Une génération portée par un football instinctif et un chef évident : Salif Keïta. Déjà légende à Saint-Étienne, le Ballon d’or africain 1970 (le premier de l’histoire) incarne l’élégance et la puissance. La Panthère noire est un prodige en France, un héros à Bamako : « Quand je suis arrivé en Europe, les Africains n’avaient que Pelé, Mohamed Ali et Eusébio […] Ils étaient fiers et se sont tous reportés sur moi. Je ne pouvais pas les décevoir », confiait-il, conscient de sa résonance. Dans cette compétition, le Mali avance avec fraîcheur, surprend le Zaïre (pourtant favori) en demi-finales (3-4). Dribbleur fou, buteur de feu, Keïta orchestre et rassure. Le Aigles se retrouvent en finale, une première historique. Mais le manque d’expérience se fait sentir en finale, mettant un terme à l’épopée sur défaite frustrante 3-2, face au Congo-Brazzaville. Jamais depuis les Aigles n’ont été aussi près d’un titre continental. Plus de cinquante ans plus tard, cette CAN demeure un repère, presque un mythe, celui d’un Mali battu mais respecté, du panache, avec en toile de fond une amertume : l’histoire ne couronne pas toujours les légendes. CM
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14/ Algérie 2014-2019
L’Algérie 2014, c’est le réveil. Sous Vahid Halilhodžić, la sélection retrouve une ossature, un cadre strict, parfois chiant, mais nécessaire. Surtout, elle voit naître ses futurs patrons : Riyad Mahrez sort de Leicester version chantier, Sofiane Feghouli s’impose comme le mec fiable quand ça chauffe. Et puis il y a ce match contre l’Allemagne au Brésil. Un huitième de finale devenu mythe, presque un remake de 1982. David contre Goliath, encore. Une Algérie sans complexe, qui pousse les futurs champions du monde en prolongation, avant de se faire achever par un Manuel Neuer sous acide, gardien-libéro avant que ce ne soit tendance, chassant Islam Slimani jusqu’au rond central. La suite est plus floue. CAN 2015 frustrante, CAN 2017 ratée, et cette impression persistante d’une équipe qui joue bien mais qui se saborde toute seule. Jusqu’à ce que la FAF ait une illumination rare : confier les clés à Djamel Belmadi. Rigueur, sorties de balle propres, pressing intelligent, et surtout une capacité nouvelle à faire tomber tous les gros : Sénégal, Côte d’Ivoire, Nigeria. Le tableau de chasse est sérieux et mène au sacre en 2019, 29 ans après le premier. Au pays, Belmadi gagne un surnom à la hauteur : « Ministre du bonheur ». Il laisse derrière lui une série d’invincibilité de 35 matchs avant une déflagration face au Cameroun et deux CAN fantomatiques, ce qui rappelle une règle algérienne immuable : même les gouvernements finissent toujours par tomber. MH
13/ Égypte 1934
«Le téléphone n’a pas arrêté de sonner en salle de rédac, on ne pouvait plus écrire. Tout le monde appelait pour savoir le résultat» : le 28 mai 1934, le quotidien égyptien Al-Ahram racontait l’hystérie provoquée au pays la veille par le premier match en Coupe du monde de l’histoire du pays. Après avoir sorti la Palestine sous mandat britannique en barrages quelques mois plus tôt, l’Égypte représente à elle seule Asie et Afrique au mondial italien. Elle est la première équipe africaine de l’histoire à jouer la compète, 36 ans avant le Maroc de 1970. Dans ce format à 12 équipes, le tirage au sort les oppose à une redoutable Hongrie. Légendaire, le buteur Abdelrahman Fawzi plante un doublé qui permet aux siens de tenir le nul à la mi-temps. Vaillant bien qu’insuffisant (4-2 pour les Magyars), mais l’arbitrage pro-hongrois est fustigé par la presse italienne dès le lendemain. L’Égypte devra patienter jusqu’au mondial 1990 en… Italie pour rejouer le tournoi. Soit la même année que le premier mandat de député de Viktor Orbán, qui n’aura jamais connu l’âge d’or du foot hongrois. Karma pour 1934. VM
12/ Maroc 1986
Les Lions de l’Atlas n’ont pas attendu 2022 pour s’offrir un bout d’histoire en terrassant le Portugal. Trente-six ans plus tôt à Guadalajara, alors que la pluie tombe sur l’Estadio Jalisco, les joueurs marocains rayonnent déjà : à un quart d’heure de la fin de ce troisième match de poule du Mondial 1986, ils mènent trois buts à zéro face aux demi-finalistes du dernier Euro. La réduction du score tardive des Lusitaniens n’y change rien : grâce à son triomphe et deux nuls précédemment glanés contre la Pologne et l’Angleterre (0-0 à chaque fois), le Maroc devient la toute première équipe africaine à se qualifier pour le deuxième tour d’une Coupe du monde. Entre le Ballon d’or africain Mohamed Timoumi en maître à jouer, le génial Abdelmajid Dolmy à la récupération ou encore Krimau, alors l’un des très bons attaquants de D1, c’est peu dire que ces Lions-là sont pétris de talent. Sur le banc, le Brésilien José Faria transforme cette matière brute en un bloc imperméable, capable de dégoûter ses adversaires de maîtrise. Avant les pauvres Portugais, l’Angleterre en a fait les frais : «On avait baladé techniquement les Anglais, ils avaient les boules, racontait le milieu Mustapha El Haddaoui à So Foot. Hateley avait d’ailleurs mis le pied sur le visage de Dolmy, volontairement». Guère plus fair-play, le sélectionneur des Three Lions Bobby Robson peste après la rencontre contre «une équipe négative, qui joue un football négatif». Prochain adversaire de la bande à Timoumi, la RFA est prévenue : ce Maroc n’est pas venu jouer un huitième de Coupe du monde pour faire de la figuration. Sous le soleil écrasant de Monterrey, les Lions de l’Atlas croient longtemps tenir le bon bout. Accablée par la chaleur, confrontée à un Badou Zaki des grands jours dans les cages, la Mannschaft est poussée dans ses retranchements. La prolongation se précise, c’est sûr, les Allemands vont craquer. Et puis, voilà qu’à deux minutes de la fin du temps réglementaire, la RFA obtient un coup-franc à trente mètres du but. Implacable, Lotar Matthäus trompe le mur marocain. «J’en ai pleuré. Encore aujourd’hui, quand je revois ces images, le sentiment est toujours aussi cruel. Ce coup-franc de Matthäus…», se souvenait dans les colonnes de L’Équipe l’ancien international marocain Hassan Kachloul, 13 ans à l’époque. Les Allemands, ces fichus briseurs de rêves. CMF
11/ Ghana 2010
Un match légendaire pour une génération qui l’est tout autant, malgré la finalité. Dernières secondes de la prolongation du quart de finale de la Coupe du monde 2010 – la première organisée en Afrique – entre le Ghana et l’Uruguay, le score est toujours de 1-1. Dominic Adiyiah reprend alors le ballon de la tête dans la surface, une déviation hors de portée du gardien Fernando Muslera. Sur sa ligne, Luis Suárez intervient de la main et empêche un but certain. L’arbitre n’hésite pas : carton rouge pour l’attaquant uruguayen et penalty pour le Ghana. En larmes, Suárez quitte la pelouse tandis qu’Asamoah Gyan s’avance pour tirer le penalty décisif. Sa frappe s’écrase sur la barre transversale. L’Uruguay exulte, le Ghana s’effondre, avec la sensation d’être passé à côté de l’histoire. Et pour cause : les Sud-Américains arrachent leur qualification lors de la séance de tirs au but, éliminant les Black Stars. Par ce geste, Luis Suárez prive une sélection africaine d’une première qualification historique pour une demi-finale mondiale. Sans surprise, la blessure reste vive jusqu’à aujourd’hui. Douze ans plus tard, Hans Sarpei, présent sur le terrain ce soir-là, déclarait dans un entretien accordé à Kicker que «Le problème, c’est que Suárez a célébré ce but volé devant le monde entier». Malgré cette élimination cruelle, la performance de l’équipe du Ghana, portée par Michael Essien, Sulley Muntari, Kevin-Prince Boateng et André Ayew, demeure l’un des épisodes les plus marquants de l’histoire du football africain. JE
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