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Théo Chendri, requiem for a stream

Par Tanguy Le Seviller

Après avoir vu Messi en calbar au FC Barcelone, déchanté au FC Nantes, tenté de se relancer au Danemark et en Espagne, c’est désormais la Kings World Cup que Théo Chendri vise. Il pourrait notamment y retrouver son ancien éphémère coéquipier Gerard Piqué. Mais comment l’unique Français à avoir été formé à la Masia s’est retrouvé dans cette situation ?

Théo Chendri, requiem for a stream

Comme on se retrouve ! Dix ans après, Théo Chendri et Gerard Piqué vont peut-être se recroiser, avec toujours un ballon rond au centre de la discussion, puisque le premier candidate à 26 ans à une place dans la sélection française pour la Kings World Cup organisée par le second au Mexique. En 2014, Théo n’était pas un jeune entrepreneur, mais un jeune footballeur. En l’occurrence, il a 16 ans et est au centre de formation du FC Barcelone. C’est d’ailleurs encore aujourd’hui le seul Français à avoir squatté la fameuse Masia. À l’époque, le milieu de terrain est annoncé comme un crack. Il a même la chance de goûter à quelques séances d’entraînement avec l’élite du football mondial. Il s’en souvient, comme si c’était hier. « J’étais en U17, se remémore-t-il depuis Colomiers où il évolue cette saison en N3, le cinquième échelon français. Mon coach, Javier Garcia Pimienta (actuellement à Las Palmas, NDLR), m’appelle le samedi soir vers 21h, et il me demande : “T’es à Barcelone demain ? Vous n’avez pas prévu de bouger avec ta maman ?” On était off le dimanche, mais je lui ai répondu qu’on restait dans le coin. “Dans ce cas, rendez-vous demain matin, 10h, devant le vestiaire des pros.” Un an avant, j’étais au Pôle Espoirs. Je reste bouche bée pendant plusieurs secondes, je capte pas trop ce qu’il me dit. »

Ils me demandent si je veux des chaussettes épaisses ou fines… Moi, je ne sais pas, je veux juste des chaussettes !

Théo Chendri, sur le premier jour avec les pros du Barça

Débute une nuit un peu compliquée, forcément. « Je me suis endormi vers 4h du mat’, je me faisais l’entraînement 40 000 fois dans la tête. C’est Messi prime, Iniesta, Xavi prime, ce sont mes idoles… Un rêve qui me semblait impossible. Pourtant le matin, je me réveille avec un peps incroyable. Boule au ventre énorme, mais motivation de fou. Je me pointe devant le vestiaire des pros. La sécurité était au courant. Ils me laissent passer, ils me donnent des équipements, ils me demandent si je veux des chaussettes épaisses ou fines… Moi, je ne sais pas, je veux juste des chaussettes. (Rires.) Comme par hasard, le premier mec que je vois, c’est Messi ! Il est en calbar. (Rires.) J’avais envie de me pincer, de me foutre de l’eau sur la tête. Tous viennent me dire bonjour, c’est le défilé. Gerard Piqué vient aussi. » Malheureusement pour Théo, depuis, la marche vers la gloire s’est transformée en descente pas toujours bien contrôlée. Aujourd’hui, son numéro 10 ne s’appelle plus Lionel Messi, mais Iliès Soudani à Colomiers. Le vertige du foot. Sous les couleurs du Barça, c’est surtout avec les jeunes qu’il a partagé le quotidien. « J’ai joué avec Dani Olmo, Take Kubo, Carles Alena, Marc Cucurella et un qui était un monstre : Andre Onana, le gardien. Il était trop fort ! » Il jouait avec les meilleurs et certains d’entre eux disaient que c’était lui le meilleur.

Les Espoirs ne font pas vivre

L’équipe de France, il l’a évidemment côtoyée. Théo en était même un cadre. Vingt sélections au total et des passages à Clairefontaine avec Ousmane Dembélé, Theo Hernandez, Marcus Thuram, Amine Harit, Ismaël Bennacer et même Paulin Puel. Certains ont depuis choisi de porter les couleurs d’autres sélections. Théo pourrait le faire aussi. S’il a des origines kabyles via la famille de son papa, il pourrait aussi prétendre à la sélection espagnole étant donné le nombre d’années passées de l’autre côté des Pyrénées. « Si la Roja veut m’appeler, pourquoi pas, rigole-t-il. En ce qui concerne l’équipe de France, il y avait une très grosse concurrence. Depuis les U17, j’étais de tous les rassemblements. Je faisais partie des capitaines avec Lucas Tousart, Arnaud Lusamba ou Issa Diop. J’ai déjà porté le brassard d’ailleurs. On avait une équipe de fous, bien meilleure qu’à Barcelone. Mais on jouait d’une manière catastrophique. Je râlais souvent. » Et ça, ça n’a pas plu à Ludovic Batteli, qui l’a laissé sur le quai avant l’Euro U19 en 2016. Évidemment, comme dans un mauvais scénario, on connaît la suite. La France de Kylian Mbappé gagnera le titre… sans lui. Le début des déboires.

Au bout de deux semaines, je me suis demandé ce que je foutais là. Le niveau des entraînements proposés était ridicule, je me faisais chier.

Théo Chendri, à propos de son expérience nantaise

Derrière, l’aventure barcelonaise s’arrête. Il pense ouvrir un nouveau chapitre à Nantes avec la signature de son premier contrat pro, mais déchante rapidement. « La première année a été catastrophique. Je suis à la maison tous les week-ends. J’étais pourtant arrivé dans une forme du tonnerre. Au bout de deux semaines, je me suis demandé ce que je foutais là. Le niveau des entraînements proposés était ridicule, je me faisais chier. On faisait des conservations à 5 contre 5, à courir pendant des heures. » L’entraîneur de l’époque le prend à part et lui explique pourquoi il joue si peu. « “Écoute Théo, t’es un bon joueur, mais je sais pas quoi faire de toi, à quel poste tu dois jouer.” Un discours d’amateur. J’ai fait 3 matchs, on termine derniers, on descend en N3. » Heureusement pour Théo, Pierre Aristouy arrive et le remet dans le onze de départ. Et bizarrement, l’équipe remporte deux années de suite le titre, en N3 puis en N2.

L’accident d’Emiliano Sala, un vrai coup dur

Seul souci, c’est que Théo ne termine pas la dernière saison alors qu’une place à l’étage supérieur, chez les pros, semblait s’ouvrir. « Patrick Collot, l’adjoint de Vahid Halilhodžić, venait à tous nos entraînements à ce moment-là et m’avait dit qu’il avait un œil sur moi. On est en janvier 2019, j’ai un club danois qui fait le forcing pour me recruter. Je décide de solliciter un entretien avec Vahid pour qu’il me prenne une ou deux semaines à l’entraînement. Le rendez-vous se fait, dans son bureau. Il me dit qu’il va me suivre et qu’il va essayer de me faire monter à l’entraînement. » Problème, quelques jours plus tard, Emiliano Sala décède dans un tragique accident d’avion. « Sa disparition m’a beaucoup affecté, c’était quelqu’un avec qui je m’entendais très bien, on parlait espagnol tous les deux. » Le club est sous le choc et tout est mis – logiquement – en stand-by. L’heure n’est plus à aller toquer dans le bureau de Coach Vahid, mais bien à celle d’embarquer pour Fremad Amager, en deuxième division danoise. Le Canari n’aura jamais pris son envol. Au total, il n’aura eu les honneurs de l’équipe première qu’une petite fois, grâce au forcing de Pierre Aristouy. Le temps d’une demi-heure de jeu, sous les ordres de Miguel Cardoso, dans un amical contre l’AS Vitré (2-1), achevé par un but d’Emiliano que Théo a pu célébrer avec lui. « Un match sans aucun entraînement avant, tu ne connais même pas les joueurs, entre guillemets. J’avais touché 5 ballons, je n’ai pas dribblé tout le monde comme pouvait le faire Messi. » On y revient toujours, à Barcelone.

Du RSA à une virée au Mexique avec Samir Nasri ?

Au Danemark, c’est alors le Covid qui écourte le séjour. C’est finalement en Espagne, là où tout a vraiment commencé, qu’il se refera une petite santé. D’abord sur l’île paradisiaque de Formentera. Pour le tourisme, et un peu pour le foot. Il y jouera dans l’équivalent du National 3, en enchaînant les matchs, ce qui lui permettra de grimper et d’arriver à Badajoz en Secunda B, équivalent du National 1. L’Espagne, son pays d’adoption et aussi celui de la Kings League. Un monde parallèle du foot qu’il considère comme une échappatoire. « J’avais suivi toute l’aventure bien évidemment. J’ai quelques coéquipiers qui y ont joué. Joan Ines, mon ancien partenaire au Barça, évoluait dans l’équipe de Sergio Agüero. Il essayait de se qualifier pour aller au Mexique. J’espère qu’on se verra là-bas, souhaite le Nordiste. Représenter son pays, je l’ai déjà fait, je sais ce que c’est. L’expérience peut être folle. Ça peut être le meilleur truc qui arrive pour moi dans les prochains mois, ça peut redonner du baume à ma carrière. Ça peut m’ouvrir d’autres portes. »

Amine va devenir fou quand il va voir écrit dans mon dossier “Centre de formation : FC Barcelone”. Franchement, ça me ferait chier qu’il y ait des CV moins intéressants que le mien qui soient pris.

Théo Chendri

Pour l’instant, le rêve de fouler la pelouse du Camp Nou est bien loin. Théo a repris une licence amateur à Colomiers, au 5e échelon français, et touche le RSA. S’il n’a disputé que deux matchs cette saison, c’est la faute à quelques pépins physiques comme ce quadriceps qui couine un peu. « Je mets les bouchées doubles actuellement. Je vais quasiment tous les jours à la salle. Je bosse avec des coachs personnels, pour garder une certaine forme. J’essaye de faire une routine pour le haut du corps. » Si son outil de travail le laisse tranquille, son CV parlera pour lui. Et il espère être retenu parmi les près de 5000 candidatures reçues par AmineMaTue, célèbre streamer désormais président de l’équipe française pour la Kings World Cup, qui s’appellera Foot2rue, comme la série animée. « C’est sympa comme nom, ça représente bien le style des joueurs français. Amine a dit en live qu’il avait reçu de sacrés dossiers, que certains étaient passés par le centre de formation de Lille, qu’il y avait des anciens pros. Si ça l’impressionne, il va devenir fou quand il va voir écrit dans mon dossier “Centre de formation : FC Barcelone”. Franchement, ça me ferait chier qu’il y ait des CV moins intéressants que le mien qui soient pris. »

Soixante joueurs seront ainsi retenus dans une liste élargie, avant qu’une draft ne soit effectuée et que dix d’entre eux sortent du lot, AmineMaTue ayant le droit de sélectionner lui-même trois joueurs, peu importe le passé ou les qualités techniques. Samir Nasri a déjà obtenu son rond de serviette. La Kings League, qui a vu le jour l’année dernière en Espagne, Théo a déjà failli en faire partie. En octobre dernier, il a ainsi reçu une proposition d’une des franchises. « Ça arrivait régulièrement que des joueurs de notre division reçoivent des propositions pour disputer un ou plusieurs matchs. Là, c’est l’assistant manager de l’équipe des Porcinos qui m’avait envoyé un message en demandant si j’étais disponible jusqu’au mercato d’hiver. » Malheureusement, Théo était déjà retourné en France et n’avait pas donné suite à la proposition. Comme souvent durant sa carrière, cela sonne comme une histoire de rendez-vous manqués. « Mentalement, c’est dur. J’ai déjà pensé à arrêter le foot. J’ai l’impression que ça n’a jamais été fluide nulle part ! Le seul truc qui me rappelle à la raison, c’est ma passion. Malgré les coups que tu peux encaisser, la dureté du foot, l’amour du sport prend toujours le dessus. Depuis que j’ai 5 ans, j’ai un ballon dans les pieds. Jouer dans des stades pleins, c’est magnifique. » Ça tombe bien, la Kings World Cup devrait encore déchaîner les foules et connaître des audiences à au moins six chiffres sur Internet.

Par Tanguy Le Seviller

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